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Tunisie : lourdes condamnations pour les grévistes de Gafsa

vendredi 19 décembre 2008 - 07h:34

Aline Retesse - Lutte Ouvrière

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En Tunisie, trente-huit personnes accusées d’avoir participé au mouvement de révolte qui secoue le bassin minier des phosphates de Gafsa, autour de Redeyef dans le Sud-Ouest tunisien, depuis début janvier 2008, ont été condamnées dans la nuit du jeudi 11 décembre à de lourdes peines de prison.

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Manifestants à Gafsa

Six d’entre eux, dont le porte-parole du mouvement Adnan Hajji, instituteur membre du syndicat UGTT de Redeyef, ont été condamnés à dix ans de prison. Le tribunal de première instance de Gafsa les a condamnés pour « entente criminelle portant atteinte aux personnes et aux biens et rébellion armée commise par plus de dix personnes au cours de laquelle des voies de faits ont été exercées sur des fonctionnaires dans l’exercice de leur fonction » à l’issue d’un simulacre de procès, dénoncé comme tel par le Comité pour le ¨respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie.

Le tribunal s’en est même pris aux militants tunisiens résidant à l’étranger qui avaient manifesté leur soutien au mouvement. Ainsi Mohieddine Cherbib, président de la Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR) et coordinateur d’un comité de soutien aux habitants de Gafsa en France, a été condamné par défaut à deux ans de prison.

D’autres militants tunisiens vivant en France, en particulier ceux résidant dans la région nantaise où se trouvent rassemblés, depuis les années 1970, plusieurs centaines de personnes originaires de Gafsa, ont également été poursuivis, comme Ess’ghaier Belkhiri, arrêté et incarcéré dès son arrivée en Tunisie l’été dernier pour avoir manifesté publiquement son soutien aux grévistes, qui a dû subir un mois de détention et de mauvais traitements avant d’être relâché.

Tout cela n’empêche pas les autorités françaises de procéder à des explusions. Ainsi, on apprenait le 17 décembre qu’un ressortissant tunisien sans papiers de la région nantaise, Chraïti Hafnaoui, était menacé d’expulsion en Tunisie, où ils risque aussi un procès.

Depuis le 5 janvier 2008, date des premières révoltes, le bassin minier de Gafsa est secoué par des manifestations populaires contre le chômage, la flambée des prix, les inégalités et la corruption du pouvoir local. Dès le début de ce conflit, le pouvoir a tenté en vain d’éteindre le feu avant qu’il ne s’étende au reste du pays, en multipliant les arrestations et les brutalités contre les manifestants. Passage à tabac de dirigeants syndicaux comme Adnane Hajji, mort d’un jeune manifestant tué par balle en juin, tortures, la répression organisée par le régime de Ben Ali se poursuit, sans que cela arrête la population.

Vendredi 12 décembre, les nouvelles de la décision du tribunal mettaient le feu aux poudres : des affrontements éclataient de nouveau à Redeyef entre les habitants et les forces de sécurité. Selon le Parti Communiste des ouvriers de Tunisie, dans la nuit, « en guise de représailles, les forces de police ont procédé à de nombreuses arrestations n’hésitant pas à multiplier les intrusions dans les domiciles, à défoncer les portes et à agresser la population ».

Sarkozy, qui avait déclaré lors de sa visite en Tunisie d’avril 2008, « l’espace des libertés s’étend », reste très silencieux sur ces événements. Il est vrai que le dictateur Ben Ali est son ami.


Lettre ouverte à Rama Yade au sujet des évènements du Bassin minier de Gafsa, en Tunisie

Lettre ouverte de l’ATMF, la LDH, la FTCR et le CRLDHT adressée à Rama Yade, Secrétaire d’Etat chargée des Affaires étrangères et des droits de l’Homme au sujet des évènements qui se sont déroulés dans la région du Bassin minier de Gafsa, en Tunisie

Madame la ministre,

Nous avons l’honneur de nous adresser à vous, par la présente, afin de vous informer et de solliciter votre réaction à la suite d’évènements graves qui se déroulent en Tunisie.

Vous n’êtes pas sans savoir que la région du Bassin minier de Gafsa, dans le sud de la Tunisie, connaît depuis le début de l’année un mouvement social d’une rare ampleur. Il s’agit d’une région socialement sinistrée dont la population souffre d’un chômage endémique, de grande pauvreté et des effets dévastateurs de la corruption et du népotisme. Face aux manifestations pacifiques quotidiennes mobilisant toutes les catégories de la population, les autorités tunisiennes ont préféré la politique du pire, celle de la répression tous azimuts et de la terreur : tirs à balles réelles ayant causé la mort d’un jeune et blessé 26 autres personnes, siège policier et militaire de la région, simulacres de procès ; le tout doublé d’un black out total sur les événements dans les moyens d’information officiels.

A l’heure qu’il est, des dizaines de syndicalistes, de jeunes, de citoyens croupissent dans les prisons de la région et ailleurs, condamnés à de lourdes peines ou en attentes d’être jugés.

Malgré tous ses efforts pour isoler la population du bassin minier, le pouvoir tunisien n’a pas pu empêcher l’élan de solidarité avec la population du Bassin minier dans tous le pays ainsi que dans les milieux de l’émigration tunisienne.

Parmi les manifestations de solidarité, celles des immigrés tunisiens résidant dans la ville de Nantes et alentours, ont été parmi les plus impressionnantes de constance et de maturité. Il s’agit en effet, en majorité d’immigrés originaires de la ville minière de Redeyef, située au c ?ur du bassin phosphatier. Mobilisés pour soutenir pacifiquement leurs proches dans la détresse, les Tunisiens de Nantes ont eu recours aux droits que leurs permettaient les lois de la République et bénéficié des autorisations légales pour organiser leurs manifestations. Cet élan spontané et affectif n’a rien d’un complot d’opposants politiques comme veut le faire accroire le régime tunisien.

Pourtant, M. Ess’ghaier Belkhiri, 29 ans, originaire de Redeyef et résident à Nantes, a été arrêté le vendredi 01 aout 2008 à son arrivée au port de la Goulette en Tunisie. Il a, ensuite, été transféré à Gafsa où il a comparu, le lundi 04 août 2008, devant le juge d’instruction au tribunal de première instance de Gafsa qui a ordonné son incarcération. Poursuivi pour sa solidarité avec la lutte des populations du bassin minier, il est accusé, tout bonnement de « financement de rébellion". Un acte de solidarité est ainsi transformé en un crime passible de 20 ans de prison. Tout se passe comme si l’état de non-droit qui sévit en Tunisie s’étend au pays de droit qu’est la France où la liberté de manifester est garantie, et où, en l’occurrence, elle a été légalement sollicitée et obtenue, comme nous continuons à le croire. Liberté de ce côté-ci de la Méditerranée, crime au-delà ?

Est-il besoin de rappeler la situation déplorable des droits de l’Homme en Tunisie et la paralysie quasi-totale des activités de la LTDH que vous connaissez bien, Madame la ministre.

Vous êtes, sans doute moins au courant des contrôles, tracasseries et intimidations de toutes sortes de la part des officines du pouvoir tunisien subis par les citoyens tunisiens résidant en France comme l’illustre le cas de M. Ess’ghaier Belkhiri et d’autres des compatriotes résidant dans la région nantaise qui ont fait l’objet de menaces à leur retour en Tunisie. Les précédents ne manquent pas comme celui de M. Kamel Jendoubi, président du REMDH et ancien président de la FTCR, privé arbitrairement de son passeport tunisien depuis plusieurs années.

En nous adressant à vous qui êtes en charge des droits de l’Hommes au pays éponyme, nous sommes convaincus que la situation de ces droits en Tunisie ne vous laisse pas indifférente.

Nous attendons de vous, Madame la ministre, une intervention ferme pour la libération du jeune Ess’ghaier Belkhiri et la levée des accusations qui pèsent sur lui.

Certes, Madame la ministre, nous avons été échaudés, et pour tout dire déçus par les déclarations du Président de la République à propos de la situation des droits de l’Homme, lors de sa visite en Tunisie. Nous mettrons cela sur le compte des subtilités et des servitudes de la diplomatie et osons espérer, cette fois-ci, une prise de position claire de votre part qui dissipera tout malentendu.

Veuillez agréer, Madame la ministre, l’expression de notre haute considération.

Jean-Pierre Dubois, Président de la Ligue Française des Droits de l’Homme LDH

Fouzia Maqsoud, Présidente de l’Association des Travailleurs Maghrébins en France ATMF

Mouhieddine Cherbib, Président de la Fédération des Tunisien-ne-s pour une Citoyenneté des deux Rives FTCR

Kamel Jendoubi, Président du Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie CRLDHT

Paris, le 14 août 2008 - site internet de la LDH

17 décembre 2008 - Lutte Ouvrière - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.lutte-ouvriere-journal.o...


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