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Plus le mur de sécurité avance, plus l’école se réduit

jeudi 11 janvier 2007 - 22h:07

Sophie Nicholson

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" L’école a mis jusqu’en novembre pour commencer les cours, une fois qu’un minimum de 10 enseignants sur les 65 ont pu obtenir un permis de trois mois. Une fois ouverte, il s’est avéré que le nombre des élèves avait baissé de près des deux tiers..."

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Le mur pénètre jusque dans les écoles, ici, à Anata, près de Jérusalem-Est. (AP/Muheisen)

Une école technique palestinienne, située sur une colline à Jérusalem-Est, a été à plusieurs reprises affectée par le conflit durant les quatre décennies passées, mais la progression de la barrière de sécurité d’Israël à la limite de la Cisjordanie a restreint le nombre d’inscriptions comme jamais encore.

La construction du mur de sécurité a empêché de nombreux élèves et enseignants de l’école secondaire industrielle de parvenir jusqu’à leurs salles de classe, réduisant le taux de présence de près de deux tiers et provoquant une grave pénurie d’enseignants.

Les élèves - des garçons âgés de 16 à 18 ans - qui se sont présentés pour une nouvelle année scolaire en septembre se sont retrouvés sans les professeurs, tous de Cisjordanie.
« Nous avons dit aux élèves : ?Nous espérons ouvrir demain’, et le jour suivant, nous l’avons redit » indique le sous-directeur, Hussein Nasser, dont l’école a été ouverte en 1965.

Car la barrière de sécurité contestée d’Israël a avancé à travers la Cisjordanie, avec des réglementations restrictives pour les Palestiniens qui veulent la traverser.

Comme l’école s’étend de l’autre côté du mur, à l’intérieur de Jérusalem-Est annexée, beaucoup d’élèves et d’enseignants des Territoires palestiniens ont besoin maintenant de permis pour y parvenir. Mais l’obtention du précieux bout de papier bleu permettant à son détenteur de traverser vers la Ville sainte peut, le cas échéant, demander des semaines.

L’école a mis jusqu’en novembre pour commencer les cours, une fois qu’un minimum de 10 enseignants sur les 65 ont pu obtenir un permis de trois mois. Une fois ouverte, il s’est avéré que le nombre des élèves avait baissé de près des deux tiers - 105 sur les 300 des années passées. Il y avait seulement 27 élèves à venir de Cisjordanie, au lieu des 260 il y a plusieurs années.

Pour compenser le déficit en professeur, l’administration en a engagé 22 nouveaux de Jérusalem-Est, mais elle a dû leur payer des salaires plus élevés que ceux de leurs collègues de Cisjordanie en raison du coût de la vie plus cher ; des conflits en ont résulté. Des enseignants ont demandé : « Comment peut-on payer le nouveau personnel plus cher que nous ? Certains d’entre nous sont ici depuis 15 ou 20 ans » dit Nasser, ajoutant qu’un agent d’entretien de Jérusalem nouvellement embauché gagnait plus que le directeur.

Le vaste bâtiment - tout un réseau de larges couloirs blancs conduisant aux salles de classe, une laverie, une salle de prière et un grand réfectoire - est occupé par des jeunes qui se forment à toute une gamme de qualifications, depuis soudeur jusqu’à gérant d’hôtel.
A l’étage, après l’étude, une poignée d’élèves se rassemblent dans un dortoir qui aujourd’hui est presque vide - seuls 17 élèves dorment ici, sur 120 dans le passé.

« Mes parents ne voulaient pas d’abord que je vienne ici » dit Abdullah, un maigre garçon de 16 ans, d’un village près de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie. « Ils s’inquiétaient parce qu’au début de l’année, je devais traverser trois check-points avant d’arriver ici et autant pour rentrer, et cela pouvait prendre deux heures et demi pour faire le trajet. »

Maintenant, Abdullah a un permis provisoire et le soir, il reste en pension à l’école pour éviter d’avoir à passer plus de temps sur les check-points que dans la classe. « Au début, j’étais tout seul » dit-il, reconnaissant qu’il avait pleuré et mouillé son lit le premier soir.

Muatasem, 17 ans, est d’Hébron ; il a les cheveux noirs et brillants et porte une veste de cuir. « Avant que le mur ne soit terminé, je venais chaque jour d’Hébron, partant à 5 h du matin et arrivant ici à 8 h » précise l’étudiant en tapisserie. « Je réussissais à sauter par-dessus le mur parce qu’il était plus bas quand il était en construction, et quelquefois, j’utilisais un faux permis de résidence pour Jérusalem pour passer » dit-il.

Même avec les permis provisoires pour rentrer à Jérusalem-Est, la plupart des Palestiniens de Cisjordanie ne sont pas autorisés à rester pour la nuit. Cependant, aux termes d’un accord avec les officiels israéliens du secteur, les étudiants qui prennent pension à l’école peuvent rester mais ne peuvent ressortir après 7 h du soir.

Sans droit aux services sociaux du secteur, si un élève tombe malade le soir, un enseignant doit le remmener illégalement en Cisjordanie. « Quand nous arrivons à un check-point, je leur dis de descendre de voiture et de marcher, même s’ils peuvent à peine marcher, ainsi je n’ai aucun problème. Puis, je les retrouve de l’autre côté. » dit Nasser.

L’école risque de grosses amendes ou même la fermeture si elle ne respecte pas les règlements israéliens et elle a été envahie plusieurs fois par la police des frontières israélienne, ajoute-t-il.

Israël dit que la barrière est vitale pour prévenir l’infiltration d’agresseurs potentiels dans le pays et les colonies. Une grande partie du mur s’étale à l’est de la Ligne verte qui marque la frontière avec Israël d’avant la guerre des Six Jours en 1967, quand l’Etat juif a envahi le Plateau du Golan, Jérusalem-Est, la Bande de Gaza et la Cisjordanie.

Mais avec l’accès fermé pour beaucoup vers leurs familles, le travail, l’école ou les services sociaux, les Palestiniens considèrent la clôture électrique, les barbelés et le béton comme une tentative de voler leur terre et de saper toute viabilité à l’Etat palestinien promis.

« Je ne crois pas que c’est pour leur sécurité » dit Yusef Krunz, 48 ans, qui enseigne à l’école depuis 26 ans. « Il n’y a eu aucun débat, il a été construit simplement. » « La vie a toujours été très difficile pour nous et le pire a été les dernières années à cause du mur. »

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Le mur encerclant Jérusalem (carte Mission civile)

Diffusé par Corinne Grassi - traduction : JPP


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