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Tentative de pogrom à St Jean d’Acre

samedi 25 octobre 2008 - 06h:30

Juan Miguel Muñoz

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Les émeutes entre les Arabes et les juifs fondamentalistes dans cette ville de 50 000 habitants ont produit des ségrégations qui évoquent l’époque du nazisme, écrit juan Miguel Muñoz.

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Boutique incendiée dans le quartier arabe par les intégristes juifs - Photo : AP

Des pierres grosses comme des poings et les restes de cocktails Molotov apparaissent dans les décombres calcinés. De la maison de Berta et Mohamed Ahmed il ne reste que la carcasse. Noire. « Je vis ici depuis 28 ans et ils ont brûlé même la boîte aux lettres. Je les ai vus de ma fenêtre. Ce sont des gens du quartier, je pourrais les reconnaître », raconte précipitamment Mohamed, le quinquagénaire.

Il crie et arrive à peine à retenir ses larmes. « Ils riaient pendant qu’ils nous attaquaient. Les voisins ont enlevé leurs voitures pour qu’ils ne les brûlent pas. Tout était prévu. Les policiers étaient à 100 mètres, ils n’ont rien fait, et les pompiers n’ont pas éteint les flammes. »

La ville de St Jean d’Acre, site du patrimoine mondial, est une poudrière. Quatorze maisons arabes ont été détruites, six, incendiées par des fondamentalistes juifs. Quatorze familles vivent depuis lors à l’hôtel dans la magnifique vieille ville. Dans St Jean d’Acre (50 000 habitants, dont 40% d’arabes) la cohabitation, toujours fragile et chargée de méfiance, a reçu un coup dévastateur.

L’attaque en toute impunité contre la résidence d’Ahmed a eu lieu dans les premières heures du samedi 11, alors qu’avait déjà germé l’étincelle de l’agitation dans la fête juive de Yom Kippour, le 9 octobre. Un Arabe avait osé conduire son véhicule dans un quartier mixte arabo-juif. Un affront pour les religieux juifs un jour si symbolique. Sans parler des plus fanatiques qui ont organisé une chasse immédiatement. Ils ont fait le siège de la maison de la fille de l’Arabe et ont jeté des pierres pendant des heures. « Mort aux Arabes », criait la horde, selon les dires de plusieurs villageois.

Des mosquées la nouvelle de l’agression s’est répandue et des centaines de jeunes Arabes se sont rendus au quartier de Shikoun. Ils ont brûlé des dizaines de voitures et brisé les vitrines des boutiques juives de l’artère principale de la ville. La police a maîtrisé la situation à seulement quatre heures du matin, et les dégâts ont été réparés rapidement.

Depuis ce jour, la peur et l’impuissance dominent les Arabes. Beaucoup préfèrent ne pas parler. La police, qui patrouille tout le temps, a mis en place des contrôles à l’entrée de la ville. Les appels à un boycott des commerçants arabes ont suivi. Et le maire, Shimon Lankri, a mis son grain de sable : il a annulé le festival de théâtre de la ville, l’événement annuel qui alimente les caisses de la population arabe, qui marque le coup d’ « une punition » de plus.

Une vieille juive, dans les 90 ans, approuve les paroles de ses deux filles qui l’accompagnent. « Ce sont des nazis juifs. Le boycott des commerçants arabes c’est comme ce qui s’est passé dans les années trente en Allemagne. » Sa mère a quitté Berlin en 1933 lorsque l’antisémitisme s’est déchaîné. Le petit pogrom de St Jean d’Acre est également intolérable pour Yirmia Dov, qui a tout vu à 94 ans. « Je suis né sous l’Empire Ottoman dans un village de Galilée. Puis 30 ans sous mandat britannique. Nous sommes depuis 60 ans sous l’égide d’Israël. J’ai été officier pendant la guerre de 1948. Ce qui s’est passé n’a pas été spontané. Ca a été prémédité par des juifs racistes qui veulent se débarrasser des Arabes. Mon pays a pris la mauvaise direction. C’est un danger réel pour Israël et les Juifs. »

Yirmia parle devant une minuscule tente de fortune au coeur de la ville des Croisés. Là, Walaa, une jeune étudiante de 20 ans qui préfère ne pas donner son nom de famille, a peur. « Je vivais dans un immeuble de 32 étages dans lequel vivait trois autres familles arabes. Ils me menaçaient de mort depuis des mois. J’ai un conseiller municipal comme témoin qui a vu qui me menaçait. Je n’y retournerai pas », insiste-t-elle à plusieurs reprises. Et elle ne dénoncera pas ceux qui la menacent. Elle a peur des représailles. Walaa parle hébreu, anglais et arabe et baragouine l’espagnol. C’est une Palestinienne de St Jean d’Acre qui, comme son amie Ali Noor, également à la rue, aime s’habiller à l’occidentale : pas de voile, et bras nus.

Les colons extrémistes évacués de la bande de Gaza en 2005 se sont installés à St Jean d’Acre. Le faible prix des logements subventionnés sont prisés. Les yeshivas (écoles religieuses) ont fleuri, et les militants qui soutiennent la ville affirment que ce sont eux qui ont attisé le feu. Un incendie dont le Mouvement islamique en Israël fait son affaire, qui a apporté immédiatement une aide de 1.000 shekels (200 euros) à chaque famille, et qui préfère se dissocier des islamistes. « Si ces 14 familles ne retournent pas chez elles, l’État sera le protecteur du nettoyage ethnique et le soutien du racisme », a déclaré le député David Hammerstein, halluciné par ce qu’il a vu pendant les deux jours de discussions à Saint Jean d’Acre.

Aujourd’hui et demain, les juifs concluent la fête de Kippour. Ils promèneront la Torah dans la vieille ville mal entretenue et habitée par les Arabes (là ils ne préviennent pas les autorités). Lankri dit que des extrémistes juifs projettent d’organiser des émeutes. Mais, contrairement à ce qu’il a été décidé pour le festival de théâtre, il dit que la marche religieuse ne sera pas interdite.

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20 octobre 2010 - El Païs - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.elpais.com/articulo/inte...
Traduction de l’espagnol : Charlotte


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