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Le Hezbollah et les Palestiniens
(2ème partie)

samedi 27 septembre 2008 - 06h:20

Franklin Lamb - Counterpunch

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Le Parti de Dieu peut-il les délivrer de l’exil ?

« La réaction aux massacres de Sabra et Shatila fut la mise en activité de la résistance au Liban. Si le peuple libanais avait abandonné la résistance, il se serait rendu complice des massacres de Qana, Sabra et Shatila. »

Hasan Nassallah, 4 juin 2002

« Nous renouvelons notre engagement pour Jérusalem, pour les Palestiniens, et pour la cause et l’imam de Jérusalem ; leur cité est pour toujours dans nos âmes et continuera d’être notre cause, notre bataille et note objectif ultime. »

Hasan Nassallah, 28 octobre 2005


La question des Palestiniens sans papier et la gratitude palestinienne

Outre les valeurs communes en matière d’éducation, le Hezbollah soutient un projet qui, enfin, est aujourd’hui à l’ordre du jour pour que soient éditées des cartes d’identité palestiniennes, et ce serait la première fois.

«  C’est tellement important pour notre peuple au Liban. En fait, le Hezbollah a travaillé sans bruit avec les gens du Premier ministre Siniora pour parvenir à cette avancée si indispensable » explique l’organisateur de la communauté. « Il fait beaucoup pour nous mais il en parle peu publiquement. »

De nombreux Palestiniens attribuent aux pressions et interventions du Hezbollah l’annonce du mois dernier selon laquelle le gouvernement du Liban fournirait enfin des cartes d’identité provisoires pour peut-être 5 000 familles palestiniennes (environ 20 000 personnes) qui n’ont aucun papier et qui doivent régulièrement se cacher des autorités et risquent l’emprisonnement. Le Premier ministre Fouad Siniora, un intime de l’administration Bush, tire les marrons du feu du travail effectué sur cette question. Siniora apparaît comme quelqu’un qui a rejeté la profonde antipathie des Bush/Cheney et des Israéliens à l’égard de la résistance qui soutient les Palestiniens.

Les autorités libanaises ont donc accepté, après 40 ans, de remettre des cartes d’identité aux réfugiés palestiniens « sans papier ». Les Palestiniens qui n’ont aucun papier sont traités par les autorités d’une façon encore plus extravagante que ceux qui détiennent une carte d’identité de l’URNWA, une carte de rationnement ou une carte de « non enregistré ».

La plupart des Palestiniens sans papier sont soit d’anciens « fedayins », soit des descendants de combattants palestiniens venus au Liban dans les années 70 après avoir été chassés de Jordanie lors de « Septembre noir », ce conflit avec la monarchie jordanienne.

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Août 1982, les soldats français escortent Arafat et les dirigeants de l’OLP dans leur départ du Liban (afp).

Pour obtenir les nouvelles cartes d’identité, les particuliers doivent obtenir un titre de séjour d’un mukhtar [responsable local] et le présenter à la Sécurité générale libanaise. La remise d’une carte d’identité aux sans papier permettra de régler le statut juridique de milliers de Palestiniens qui vivent au Liban et c’est la seule bonne nouvelle pour les Palestiniens depuis que leurs protecteurs de l’OLP ont quitté Beyrouth en 1982, et que s’est accélérée la descente vertigineuse des camps dans la misère. La nouvelle « ambassade » de l’OLP au Liban, dont l’ouverture a été permise en mai 2006, a déjà reçu 2 600 noms de demandeurs.

Comme tous les autres Palestiniens, les détenteurs des nouvelles cartes ne seront pas plus autorisés à travailler dans certaines professions et à posséder des biens [particuliers et professionnels - ndt], mais au moins, les mariages seront légalement enregistrés et, théoriquement, ils ne pourront plus être pris dans des rafles au gré des autorités.

Mohammad Baasiri, mukhtar à Sidon, explique que des dizaines de Palestiniens affluent quotidiennement dans son bureau pour pouvoir demander une carte d’identité. « J’ai des centaines de demandes de Palestiniens qui veulent obtenir un titre de séjour pour déposer une demande et obtenir une carte d’identité » remarque Mukhtar Baasiri.

Au cours des deux années passées, plus de 350 réfugiés sans papier ont été arrêtés rien qu’à Sidon et plus de 200 étudiants se sont vu refuser le droit d’entrée aux écoles ou aux universités de la ville. Pour son mérite éternel, l’UNRWA permet souvent à des enfants sans papier de « se faufiler » dans ses écoles, mais ils ne peuvent ni passer d’examens à 18 ans ni acquérir des qualifications qui requièrent des papiers légaux. Comme l’a indiqué Fayez Najjar, du Daily Star, auquel un Palestinien non enregistré, père de 14 enfants, du camp d’Ein el Helwe, a expliqué que ses fils avaient été arrêtés plusieurs fois pour défaut de carte d’identité dès qu’ils sortaient du système de sécurité autonome des camps contrôlés par les Palestiniens. Le mérite revient au Hezbollah d’avoir aidé à faire avancer ce projet.

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Camp de réfugiés de Mar Elias, au nord de Sabra et Shatila,
l’un des premiers installés en 1948. (UNRWA)

Les quadruplés de Fatima Khalife et Hasan Nasrallah

Encore un exemple des rapports de « bon voisinage » avec le Hezbollah dont parlait Hajjah Nour, (voir première partie) à cet observateur [l’auteur] qui a effectivement appris sur le passé en conduisant ses recherches dans le camp de Mar Ellias à Beyrouth.

Nombre d’étrangers peuvent ne pas connaître le camp de réfugiés palestiniens de Mar Elias, tout près de Sabra et Shatila, au nord-ouest. Il s’agit d’un petit camp, l’un des premiers installés en 1948. Il est pour une grande part composé de chrétiens venant de Nazareth et il est entouré de hauts ensembles immobiliers financés par le Golfe. Il fait saliver les investisseurs qui ont sous les yeux et les frontières du camp et les plages de sable toute proches de Ramlet al Baida et Hamara.

Le mois dernier, pour cet observateur qui se rendait à un rendez-vous à l’intérieur du camp, il a fallu négocier ces virages brusques que font les ruelles du camp, si étroites et si sombres qu’elles n’ont probablement jamais été chauffées directement par le soleil, avec à peine l’espace pour rouler en moto.

Soudain, je remarque tout un groupe de préadolescents criant et se mettant en file pour laisser la place à la moto et se servant de leur Anglais avec des « hello ! », « How are you ? », « Welcome ! ». Ces gosses apparemment me reconnaissaient, ainsi que mon fidèle destrier « Silver », d’une précédente visite. Mais cette fois, il était nécessaire que je m’excuse et explique dans un arabe très hésitant ce que voulait dire une « prochaine fois » parce qu’aujourd’hui je me hâtais vers un rendez-vous avec un travailleur social du camp, lequel m’a raconté une autre « histoire du Hezbollah » qui donne un aperçu de la relation du Parti avec les Palestiniens au Liban :

Le 9 août 2005, une mère palestinienne, du nom de Fatima Khalife, donnait naissance à un quadruplé dans le camp de Shatila. L’un des quatre bébés, Omar, était très malade et on n’avait aucun espoir qu’il vive. Pour lui sauver la vie, il fallait l’opérer et sa famille s’était renseignée auprès de l’hôpital de Safah tout proche. En tant que Palestiniens, de par la loi libanaise, toute aide de la Caisse de Sécurité sociale nationale, radine comme elle est, leur était interdite. L’UNRWA contribuait pour environ 2 000 $ et certaines ONG locales pour 1 500 $. Pour les 37 000 $ restant, la famille a été très heureuse quand un article sur la situation désespérée de son enfant a été publié dans un journal local, As Safir, et que deux riches Libanaises humanistes se sont manifestées et ont offert d’aider l’enfant en payant son opération.

La communauté palestinienne était enthousiaste et priait pour le succès de cette délicate opération. Peu avant le moment prévu pour l’opération, un appel a été reçu au bureau de l’hôpital qui a provoqué son annulation. Quand elles avaient appris qu’Omar était palestinien, les dames libanaises aisées, peut-être en souvenir de la guerre civile et de proches qu’elles avaient perdus, avaient retiré leur offre d’aide médicale.

Cela s’est répandu dans la communauté déconfite. Une chaîne télé locale, la New TV, a diffusé l’information sur la situation désespérée de la famille Khalife et que l’infection cérébrale d’Omar avait pris une forme virulente. Dès les premières minutes de l’émission, le bureau du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, appelait le père d’Omar. Le Hezbollah lui dit qu’il aimerait payer l’opération du garçon et toutes les dépenses jusqu’à la guérison du bébé. Et il l’a fait. Nasrallah regardait l’émission et il avait été profondément ému. Aujourd’hui, Omar est en bonne santé, il est gentil, vif, beau, il a trois ans et vient juste d’apprendre comment on appuie sur le bouton d’allumage d’une moto et comment on démarre la moto d’un étranger.

Le Hezbollah ne peut pas résoudre tous les problèmes des Palestiniens du Liban qui attendent leur retour en Palestine mais, ne pouvant compter que sur eux-mêmes, ils apprécient énormément de tels gestes comme celui de sauver la vie d’Omar.

Au risque de trop simplifier, on peut en conclure que ce genre d’histoire à la « Robin des Bois » inspire une grande admiration en faveur de la résistance conduite par le Hezbollah au sein de la communauté palestinienne au Liban - tout comme les actions énergiques du Hezbollah pour les camps de Shatila et Burj al Burajneh dans la municipalité de Ghoberi, où il contribue pour l’infrastructure, les égouts et l’eau (probablement à l’encontre de « la loi » et de la volonté de beaucoup au Liban).

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucune rancune personnelle qui persiste entre les communautés palestinienne et chiite au Liban de la part de personnes qui ont souffert de la main des autres lors des quatre dernières décennies, pendant la guerre civile et l’occupation sioniste. Pourtant, un ami palestinien, Samer, travailleur social du camp de Mar Elias, m’indique que les deux communautés veulent tirer un trait sur le passé. Il souligne aussi que les mariages entre Palestiniens chiites, sunnites et chrétiens sont de plus en plus nombreux (son épouse est chiite). Il insiste en disant que lui, personnellement, a plus d’amis du Hezbollah que d’amis palestiniens, tout en me présentant à son meilleur ami, Ali, qui est membre du Hezbollah, et chiite.

1ème partie :

- L’Ours en colère revient au Levant
- L’ordinateur portable de l’écolière et le gars des KKK

Franklin Lamb fait un travail de documentation au Liban. Il est diplômé de la Boston University et de la London School of Economics. Il a été assistant à l’International Law et conseiller-assistant à la commission parlementaire de la justice du Congrès américain. Il a publié plusieurs ouvrages sur le Liban et peut être contacté à l’adresse : fplamb@gmail.com.

Du même auteur :

- Journée agitée à Beyrouth
- « Aimer le Liban » empêche-t-il de dire « Désolé ! » ?
- 25e anniversaire du massacre de Sabra et Shatila
- Qui se trouve derrière les combats au Nord-Liban ?


Carte des camps de réfugiés palestiniens au Liban

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Source : Almashriq - Cliquer sur la source pour l’agrandir.

23 septembre 2008 - Counterpunch - traduction : JPP


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