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L’ex-espionne qui veut gouverner

mercredi 24 septembre 2008 - 06h:41

Juan Miguel Muñoz

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« Méfiez-vous de Tzipi », avait prévenu le président du Parlement, Reuven Rivlin, à Ehud Olmert, le dauphin de l’ex-premier ministre Ariel Sharon. Dans les jours de turbulences du début 2006, Tzipora Livni a assumé la direction de la diplomatie israélienne et sans perdre de temps, elle s’est efforcée de préciser sa position et son intention de montrer une image aux antipodes de celle d’Olmert : l’austérité face aux adeptes du luxe.

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Pour réussir dans la vie politique israélienne, il faut ambition, absence de scrupules, nullité politique et un fonds de cruauté... Photo : AFP

C’est un atout qu’elle a exploité avec intelligence dans un pays las de la corruption de ses dirigeants. « Elle est allée au bureau d’El Al, la compagnie aérienne israélienne représentée au siège du ministère des Affaires étrangères et en a ordonné la fermeture immédiate », raconte un haut fonctionnaire. Aucun privilège. L’entreprise avait été privatisée et il n’était pas question de revenus facilement acquis. La brillante présidente du parti au pouvoir Kadima est, après son succès dans les primaires de mercredi, candidate à la succession de son chef actuel.

Livni a toujours su se positionner dans sa carrière politique et se forger une image d’incorruptible. On peut compter sur elle pour refuser que des étrangers l’invitent à un café : on ne sait jamais jusqu’où ira leur générosité... Son honnêteté et la popularité que lui octroient les sondages, (c’est le seul dirigeant de Kadima capable de vaincre le parti de droite du Likoud), l’ont hissée sur l’avant-dernière marche, et elle a un ticket pour devenir la deuxième femme premier ministre de l’histoire d’Israël.

Pour le reste on ne sait rien. On ne l’a jamais vue prendre une décision cruciale dans le bourbier de la politique israélienne et du Moyen-Orient. Au cours de la guerre contre le Hezbollah à l’été 2006, elle a adopté un profil bas et a suivi le courant. Pas plus qu’elle n’a laissé de trace derrière elle après son passage par les ministères de la Justice et de l’intégration (celle des immigrants juifs).

Nul ne doute de l’ambition de Livni, depuis qu’elle a décidé d’abandonner sa profession d’avocate en 1999 et est devenue députée. Il y a déjà des années cette femme dans la cinquantaine, née à Tel-Aviv, a travaillé à Paris pour le Mossad, le service d’espionnage israélien. Que ce soit dans sa vie personnelle, ou dans votre carrière politique, elle a su évoluer.

Fille d’un terroriste de l’Irgoun

Venant du parti de droite du Likoud, son idéologie et ses positions concernant le conflit avec les Palestiniens ont changé. Elle se dit convaincue de la nécessité de créer un état palestinien pour préserver le statut juif d’Israël, et depuis un an, elle mène, avec Olmert, les négociations avec les dirigeants palestiniens. Elle juge impératif de céder des territoires occupés, peut-être des parties de Jérusalem.

Mais pour ce qui est des réfugiés elle est intraitable. Elle n’accepte en aucun cas le retour des Palestiniens chez eux. C’est l’une des marques de feu et de sang de sa lignée familiale, d’origine polonaise. Son père, Eitan Livni, a été chef des opérations du mouvement terroriste Irgoun, dirigé par Menahem Begin.

Un exemple de son intransigeance sur la question, exprimée lors des célébrations du 60e anniversaire de la fondation de l’état sioniste : « Tant que les Palestiniens n’auront pas banni le mot Nakba [catastrophe] de leur vocabulaire, il n’y aura pas de cession de territoire », a t-elle dit à propos de l’expulsion massive de 700 000 Palestiniens du territoire qui est aujourd’hui Israël. Elle fait valoir qu’elle a toujours cru dans Eretz Israël, dans le fait que la terre entre le Jourdain et la Méditerranée, appartenait aux seuls Juifs. Elle est capable de remonter des millénaires dans le temps pour justifier ces droits en même temps qu’elle exige des Palestiniens, des milliers d’entre eux étant encore en vie, d’oublier leur passé récent si catastrophique. Alors que n’importe quel juif dans le monde peut atterrir à Tel-Aviv et obtenir ipso facto la citoyenneté...

Jalouse de sa vie privée, mariée et mère de deux grands fils, son mari est l’un de ses principaux bastions. Naftali Spitzer, publiciste, s’est dévoué à la campagne pour les primaires. Il n’a pas hésité à distribuer des collations aux invités à des réunions politiques ou à changer une ampoule électrique dans la salle où elles avaient lieu. Quand elle apparaissait, il disparaissait.

Malgré son profil de femme qui a toujours lutté entourée par des hommes, elle n’a pas mis en avant le fait d’être une femme. Bien que les attaques n’aient pas manqué. Olmert parlait d’elle en disant « cette femme. » Et le ministre de la Défense Ehud Barak, en déformant son nom, Tzipora (salope, en hébreu), sur un ton méprisant. Un programme féministe n’a jamais été une priorité de Livni. Bien que la Cour suprême soit présidée par une femme, Dorit Beinisch et le Parlement par Dalia Itzik, la présence des femmes dans la vie politique en témoigne : deux femmes seulement sur les 25 membres du gouvernement.

Israël se place au 82eme rang du monde en termes de représentation des femmes dans les institutions.

L’apparence toujours sévère (le geste de joie, bras levés, après avoir appris sa victoire aux primaires est exceptionnel), elle est presque toujours vêtue d’un tailleur sombre. Il a été écrit d’elle que dans les fêtes privées elle n’hésite pas à monter sur la table et à danser, une coutume très israélienne. Comme on connaît son penchant à jouer de la batterie lorsqu’elle a besoin de se détendre. « Elle a beaucoup plus d’humour qu’elle en a l’air », a déclaré un haut fonctionnaire sur la candidate qui veut suivre le chemin de Golda Meir.

Livni affronte l’heure de vérité. Nous verrons comment elle se débrouille dans le bourbier politique israélien, marqué par « la vengeance, les coups de couteau dans le dos et le manque de clairvoyance » suivant la description de l’analyste Yossi Verter. Si elle est capable de le faire sans coups bas ni jeux malsains, sans tomber dans les vices de ses prédécesseurs. Et si dans les moments décisifs, qui ne manquent jamais dans ce pays qui serre les coudes dans les périodes de guerre, mais qui est sans concession avec ses dirigeants dans l’après-guerre, elle sait être à la hauteur des circonstances.

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21 septembre 2008 - El Païs - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.elpais.com/articulo/inte...
Traduction de l’espagnol : Charlotte


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