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Coexister avec l’occupation n’est pas une option

lundi 8 septembre 2008 - 06h:17

Sam Bahour

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Ceux qui ont exclu les Palestiniens de l’équation pour l’avenir de la Palestine devraient regarder de plus près l’histoire et le combat de ce grand peuple.

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Des soldats des forces d’occupation contrôlent des fidèles Palestiniens voulant entrer dans la Mosquée d’Ibrahimi dans Hebron, lors du premier vendredi du mois de Ramadan, le 5 septembre 2008 - Photo : MaanImages/Mamoun Wazwaz

Les Palestiniens ont été abusés historiquement, neutralisés politiquement et rendus totalement dépendants de la charité internationale. Où en sont-ils ? Un document stratégique récent qui expose brièvement les options politiques stratégiques donne témoignage d’une bouffée de fraîcheur dans le combat des Palestiniens pour la liberté et l’indépendance.

Après 60 ans de dépossession et 40 ans d’une occupation militaire israélienne violente, nombre de négociateurs influents dans le monde sont convaincus avoir réussi à obliger les Palestiniens à se soumettre et à accepter les injustices colossales commises à leur égard.

Ceux qui mènent le jeu sont les USA et leurs alliés israéliens et avec eux, plusieurs régimes arabes antidémocratiques.

Sur le plan politique, ils continuent à tirer une grande fierté d’un « processus de paix » jamais conclu qui a créé une industrie de la paix en Palestine, financée par les contribuables à travers le monde. Ce processus de paix ne cherche pas à réaliser une paix dans la justice, mais plutôt à scinder les aspirations nationales des Palestiniens en plusieurs morceaux de la taille d’une bouchée avec des apparats ressemblant à ceux d’un Etat - le contraire d’un Etat vraiment souverain et à plus forte raison, d’une autodétermination.

Sur le plan sécurité, ils affirment que l’Autorité palestinienne (se référant au gouvernement non élu de Salam Fayyad à Ramallah) excelle dans l’instauration d’un régime sécuritaire autoritaire, rappelant terriblement les régimes arabes antidémocratiques, policiers, tels que l’Egypte, la Jordanie et tout le groupe des Etats riches en pétrole du Golfe, que les Etats-Unis soutiennent depuis des décennies. Conduite par le général US Keith Dayton et autorisée par la direction palestinienne de Ramallah, cette poussée violente d’une activité axée sur une sécurité ultra renforcée apparaît pour de nombreux observateurs n’être rien d’autre qu’une nouvelle option d’externalisation d’une version israélienne de ses propres besoins « sécuritaires ».

Sur le plan économique, ils citent de grands projets pour implanter une poignée de zones industrielles immenses, localisées pour la plupart sur une frontière israélienne fixée unilatéralement entre la Cisjordanie et Israël. Ces zones industrielles sont destinées à absorber les plus de 150 000 travailleurs palestiniens auxquels Israël interdit de venir travailler sur son territoire. Par ailleurs, comme je le disais récemment à un Israélien qui fait la promotion de ces zones industrielles, pour chaque emploi créé dans une telle zone, trois le seront pour les Palestiniens en dehors des zones industrielles - créant ainsi essentiellement toute une économie artificielle autour des Palestiniens avec des capitaux étrangers, mais sous forme de bulles économiques sous contrôle israélien.

Le un million et demi de Palestiniens pris au piège par Israël dans la plus grande prison à ciel ouvert du monde, Gaza, n’est même pas partie prenante dans la discussion.

En bref, la démarche de la communauté internationale vise à créer une dynamique où les Palestiniens coexisteraient, non avec ses voisins israéliens, mais avec le système de l’occupation militaire israélienne, ou, tout simplement, vise à enrober de sucre un statu quo qui profite à Israël.

Ce que la communauté internationale ne dit pas, c’est que sur le terrain la dynamique est explosive. L’occupation militaire israélienne est bien vivante et provoque des dommages structurels qui pourraient être irrévocables pour les terres palestiniennes et pour les Palestiniens eux-mêmes.

L’entreprise d’implantations israéliennes réservées aux juifs ne connaît aucun frein, avec de plus en plus de constructions de colonies illégales, comme s’il n’y avait aucun lendemain, sans parler du flux grandissant de la violence des colons, laquelle reste impunie. Toutes les activités coloniales se déploient avec la pleine approbation du gouvernement israélien et sous les yeux de la communauté internationale. Les systèmes défaillants (ou qui ont échoué) de la santé publique et de l’éducation en Palestine produisent une génération de Palestiniens qui ont moins à perdre et peu à espérer dans l’avenir.

Ceux qui ont exclu les Palestiniens de l’équation pour l’avenir de la Palestine devraient regarder de plus près l’histoire et le combat de ce grand peuple. Les Palestiniens connaissent mieux que quiconque la plupart des dangers posés aujourd’hui par le baril de poudre de la désunion interne et par l’intervention étrangère pour leurs moyens de subsistance. Les Palestiniens savent mieux que quiconque que l’état actuel de la situation génère une peur intense alors que leur combat pour la liberté et l’indépendance recule de plusieurs décennies. Pourtant, à des moments précis de leur histoire, les Palestiniens ont toujours repris l’initiative et persévéré, comme tout peuple opprimé et combattant le fait toujours.

Au cours de ces derniers mois, j’ai participé à un groupe de 45 Palestiniens venant de tous les milieux - des hommes et des femmes, politiquement à gauche et à droite, des laïcs et des religieux, des politiciens, des universitaires, des acteurs de la société civile et des hommes d’affaires de la Palestine occupée, de l’intérieur d’Israël et de la diaspora. Notre groupe formait un microcosme reflétant la dynamique de la société palestinienne. Il ne nous a pas été possible de nous réunir ensemble dans la même pièce, nulle part dans le monde, parce que la réalité (celle des restrictions à nous laisser voyager) qu’Israël a créée ne le permet pas, néanmoins nous continuons d’échafauder des projets et d’agir. Notre mission est d’ouvrir un débat pour savoir où nous allons : quelles sont les options stratégiques ouvertes aux Palestiniens pour mettre à l’occupation israélienne, si toutefois il y en a ?

Avec plusieurs ateliers en Palestine et à l’étranger et un débat en ligne continu, nous avons produit la première de Reconquérir l’initiative : les options stratégiques palestiniennes pour mettre fin à l’occupation israélienne. Ce document est publié sur le site Groupe d’étude d’une stratégie pour la Palestine et expose une alternative à un discours palestinien officiel mais impuissant qui très vite, selon la plupart des Palestiniens, va se retrouver dans le mur de briques (ou de béton).

La société palestinienne est une société dynamique, réfléchie, qui a été tant éprouvée et abaissée par Israël et ses partisans que beaucoup de gens, et parmi eux bien des Palestiniens eux-mêmes, seront surpris de voir que les Palestiniens disposent de toutes les options. Une chose est sûre : quel que soit le temps que durera l’occupation israélienne illégale, ne vous attendez pas à ce que les Palestiniens se réveillent un matin et acceptent, de quelque manière que ce soit, d’être moins humains que tout autre individu libre dans ce monde.

Le peuple palestinien a laissé tout le temps nécessaire, à tout le monde - y compris à sa propre direction traditionnelle -, pour qu’il soit mis fin à cette occupation humiliante et brutale. Quand tout le reste a échoué, les Palestiniens alors reprennent l’initiative et continuent d’agir plus et plus, jusqu’à ce que cette occupation soit livrée à la poubelle de l’histoire, et avec elle, tous les criminels de guerre qui lui ont permis de persister tant d’années.


Sam Bahour vit en Palestine occupée et est co-rédacteur de La Patrie : histoire orale de la Palestine et des Palestiniens. Il peut être contacté à l’adresse : sbahour@palnet.com.

5 septembre 2008 - The Electronic Intifada - traduction : JPP


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