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Le second violon ne jouera pas

mercredi 3 septembre 2008 - 06h:49

Akiva Eldar
Ha’aretz

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La cause de l’effondrement du Parti travailliste, c’est la poignée de politiciens qui a vendu l’âme de ce parti dominant pour accéder au pouvoir.

En janvier 2003, quand les travaillistes [Labor] sont tombés de 26 à 19 sièges seulement à la Knesset, les politicards en ont rejeté la faute sur le charisme (ou le manque de charisme) de son président de l’époque, Amram Mitzna. Quand les résultats se sont avérés si décevants en mars 2006, ils ont choisi Amir Peretz pour diriger le parti et ce fut une erreur.

Aujourd’hui, alors que les sondages indiquent qu’entre le Labor, le Shas et le Yisrael Beiteinu, ce sera une course serrée pour la troisième place aux élections, Ehud Barak devient à son tour le bouc émissaire. Chacun prend la voie la plus facile, cherche la réponse la plus simple sous les lumières des Tours Akirov [Barak a son domicile dans ces tours luxueuses de Tel-Aviv - ndt]. C’est beaucoup plus facile que de chercher le moyen de sortir des tunnels où la direction du Labor a conduit le parti pendant ces sept dernières années.

Depuis que Barak a été battu aux élections de février 2001, le Parti travailliste s’est mis en position de ?bagages excédentaires’ dans les gouvernements dirigés par ses rivaux. Cette façon de procéder est appelée bien à tort, gouvernement d’unité nationale. Ariel Sharon a voulu tuer l’Autorité palestinienne, le ministre de la Défense d’alors, Benjamin Ben-Eliezer, a exécuté les ordres, et le ministre des Affaires étrangères, Shimon Peres, les a justifiés. Sharon a voulu passer Gush Katif au Hamas, le Labor l’a rejoint et s’est tu. Ehud Olmert a promis « une convergence unilatérale » pour la Cisjordanie, et le Labor l’a gobée. Olmert a changé d’avis et il a invité Mahmoud Abbas pour négocier un accord pour un statut final. Et alors ? Le ministre du Logement a signé les appels d’offres pour de nouvelles constructions dans les colonies. Pas de quoi en faire un plat.

L’idée qu’un gouvernement de large coalition, « un gouvernement d’urgence », serait la bonne formule pour faire progresser des développements politiques et militaires de très grandes portées a été maintes fois réfutée : Menachem Begin a signé un traité de paix avec l’Egypte, les travaillistes l’ont soutenu mais de l’extérieur du gouvernement. Yitzhak Rabin a signé les Accords d’Oslo, malgré l’opposition du Likoud qui était en dehors du gouvernement. Quand le gouvernement Likoud a envoyé les Forces de défenses israéliennes faire la guerre au Liban, le Labor l’a soutenu alors qu’il était dans l’opposition. Au début de la seconde Intifada, les rôles ont été inversés.

Barak est arrivé à des ententes sans précédent avec les Palestiniens, et avec les Syriens, sans que le soutien de la droite n’ait été nécessaire, mais il a échoué et entre autres raisons, parce qu’il est toujours rempli de doutes qui l’empêchent de conclure. Si Benjamin Netanyahu présente à la Knesset un accord définitif avec les Palestiniens et un traité de paix avec les Syriens, la députée Yuli Tamir [co-fondatrice du mouvement Paix Maintenant - ndt], de l’opposition, votera pour sans réserve. Si les Etats-Unis donnent leur bénédiction à une attaque d’Israël contre l’Iran, Barak soutiendra le mouvement, même s’il n’est plus au ministère de la Défense.

L’hypothèse que l’adoption d’une plate-forme basée sur la sécurité serait la clé pour le Labor pour revenir au cabinet de Premier ministre s’est avérée inexacte il y a 20 ans. Même pour Rabin, le titre de ministre de la Défense n’a pas aidé pour aller au pouvoir. Après ses quatre ans à la Défense dans les gouvernements successifs de Peres et d’Yitzhak Shamir, de 1984 à 1988, le Likoud a remporté les élections qui ont suivi, et les travaillistes sont revenus jouer les seconds violons dans le cabinet.

En 1992, deux années après la sorti du Labor de la coalition, Rabin, tirant son parti des bancs de l’opposition, l’a remis au pouvoir.

Même son second retour, en mai 1999, s’est réalisé à partir de l’opposition et non d’une position à la traîne dans le cabinet. Si Barak avait préféré concourir dans ces élections comme ministre de la Défense du gouvernement Netanyahu, au lieu de présenter son propre programme, il est probable que le Likoud serait resté au pouvoir. L’opinion n’aime pas ces partis qui ne sont que des béquilles. Quiconque est satisfait du gouvernement votera pour le parti au gouvernement. Celui qui est déçu par le gouvernement votera pour l’opposition. Celui qui voit les Palestiniens comme des partenaires dans la paix, et pense que le temps est venu de démanteler les avant-postes illégaux (*), votera pour un Kadima dirigée par Tzipi Livni. Et celui qui croit dans le statu quo et soutient la colonisation votera pour un Likoud dirigé par Benjamin Netanyahu, ou un Kadima conduit par Shaul Mofaz.

Quelle plate-forme politique propre peut présenter le Parti travailliste de Barak ? Quel bilan peuvent présenter ses ministres dans les domaines de l’économie et de la qualité de vie, de la séparation des pouvoirs ou de l’amélioration de la santé et de l’enseignement ? Le Kadima va prendre toutes les réalisations à son compte. Les échecs, et en particulier celui de la seconde guerre du Liban, resteront à la charge de tous.

Il est vrai que l’hédonisme de Barak lui a fait perdre des électeurs et n’a pas fait du bien au Labor, mais cela ne suffit pas pour expliquer son effondrement. Netanyhu a promis au Likoud un maximum de sièges à la Knesset, mais il n’est pas considéré comme le champion national de la modestie non plus.

La cause de l’effondrement du Labor, c’est la poignée de politiciens qui a vendu l’âme d’un parti dominant pour accéder au pouvoir. La direction du parti a renoncé à diriger le pays et se satisfait des apparats du pouvoir. Le poisson sent mauvais, et la société israélienne doit le manger.

* pour les Travaillistes israéliens, seuls ces avant-postes sont illégaux car non autorisés par le gouvernement israélien, mais en réalité, toutes les colonies israéliennes sont illégales au regard du droit international - ndt.

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1er septembre 2008 - Ha’aretz - Pour contacter l’auteur : eldar@haaretz.co.il - traduction : JPP


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