« Je ne peux toujours pas cultiver mes propres terres »
dimanche 31 août 2008 - 07h:50
PCHR Gaza
Malgré le fait que les forces israéliennes d’occupation ait cessé depuis le 19 juin de détruire au bulldozer les terres agricoles de Gaza, beaucoup de fermiers vivant près de la frontière ont toujours peur de retourner sur leurs propres terres.
Siège de Gaza : témoignage Gaza 19 - Le village « New Abasan » dans le sud-est de Gaza ressemble à une ville hantée.
- Abu Jihad Shaheen ne peut cultiver que 20 donumms sur les 80 qu’il possède à l’est de Gaza, à cause des intimidations permanentes de la part des israéliens à l’égard des fermiers vivant près de la frontière - Photo : PCHR
Chaque trois ou quatre maison a été soit transformée en un tas de ruines soit partiellement détruite et les rues du village sont poussiéreuses et vides. Beaucoup de Palestiniens locaux ont été chassés de « New Abasan » à la suite des incursions israéliennes incessantes sur le village. Les Forces d’Occupation Israéliennes (IOF) ont passé au bulldozer d’immenses étendues de terre dans et autour de « New Abasan » et démoli des douzaines de maisons locales.
Au-delà du village se trouvent des centaines d’autres dunams (1 dunam : 1.000 km2) de riches terres agricoles proches de la frontière orientale de Gaza et Israël. Abu Jihad Shaheen est un fermier local qui possède une ferme située à environ 1 km du village « New Abasan », mais tout près de la frontière. Il vivait autrefois dans la ferme avec sa famille mais suite aux années d’invasions israéliennes sur sa terre et à la destruction par l’IOF au début de cette année de son puits, il a finalement été obligé de partir. A leur départ, l’IOF a démoli leur exploitation.
Abu Jihad vit maintenant avec sa famille dans le village de « New Abasan ». « Mon frère Yousef et moi sommes copropriétaires de la ferme » raconte-t-il en regardant fixement la frontière tandis que nous nous tenons debout au bord de sa terre. « Nous possédons 86 dunams mais nous ne pouvons cultiver que 20 dunams, les plus éloignées de la frontière : c’est trop dangereux de travailler sur le reste des terres ».
Vingt dunams de persil frais poussent tout autour de nous, prêts à être cueillis, mais au-delà de cette surface, 66 autres dunams de terre jaune desséchée s’étendent jusqu’à la frontière. Nous marchons jusqu’au bord éloigné du champ de persil. Nous nous trouvons maintenant à 450 mètres de la frontière avec Israël et Abu Jihad ne veut plus avancer. Quand il nous montre les ruines de sa maison à juste quelques centaines de mètres plus loin, des larmes se forment dans ses yeux. « Yousef et moi avons perdu plus de 300.000$ car nous ne pouvons plus cultiver nos terres » dit-il. « Nous avions des amandiers, des oliviers et des citronniers et nous exportions les fruits et les légumes en Cisjordanie et en Jordanie et aussi en Israël. Aujourd’hui, nous aurons de la chance si nous réussissons à gagner 300$ de la vente du persil ».
La chose la plus frappante concernant cette étendue de terre agricole le long de la frontière occidentale de Gaza, est l’absence presque totale de gens : à part Abu Jihad, son frère Yousef et un travailleur agricole local qui les aide à ramasser le persil, on ne voit personne. Les frères Shaheen qui ont maintenant un tuyau d’eau provenant d’une maison voisine pour arroser leur persil, disent que des douzaines de familles de fermiers ont été forcés de quitter ces lieux, désertant champs et maisons. Abu Jihad dit que la « Tahdiya » (période de calme) qui est entrée en vigueur le 19 juin, n’a rien changé en ce qui concerne l’accès à ses propres terres. « Je ne peux toujours pas cultiver ma terre » dit-il. Son frère acquiesce. « Les Israéliens continuent à tirer tous les jours » raconte Yousef. « Ils tirent des tirs de sommation en l’air et nous voyons des drones et des hélicoptères qui tournoient au-dessus de nous. Nous ne nous sentons pas en sureté ici sur nos terres ».
Au début de la deuxième Intifada (en septembre 2000), une zone tampon de 150 mètres avait été mise en place de chaque côté de la frontière entre Gaza et Israël. Au cours des dernières années, l’IOF a étendu unilatéralement la zone tampon de plus de 300 mètres alors qu’en même temps ils ont continué à détruire délibérément à Gaza des milliers de dunams de terres agricoles y compris des terres qui se trouvaient bien au-delà de la zone tampon. Une zone tampon de 400 mètres autour de la frontière de Gaza représente une perte nette d’au moins 20 km2 de terres agricoles fertiles. Cette seule année, 3.400 dunams de terres agricoles à l’intérieur de Gaza ont été aplanies au bulldozer par l’armée (la plus grande partie le long de la frontière sud-est) y compris des fermes qui se trouvaient à 2.5 km de la frontière avec Israël.
La destruction délibérée de propriétés privées est illégale selon la loi internationale des Droits Humains et la loi humanitaire y compris la Quatrième Convention de Genève (articles 33 et 53). Malgré le fait que l’IOF ait arrêté de détruire au bulldozer les terres agricoles de Gaza depuis le 19 juin, beaucoup de fermiers vivant près de la frontière ont toujours peur de retourner sur leurs propres terres.
Abu Jihad nous amène rencontrer un autre fermier local. Yunis Khalil Abu Latifa a 56 ans et possède 50 dunams de terres. Nous nous asseyions sous les oliviers près de sa maison et mangeons des figues fraîches et sucrées de son jardin. « J’avais 10 dunams d’arbres fruitiers derrière ma maison » nous raconte-t-il, « mais les Israéliens les ont détruit au bulldozer. Notre terre est fertile mais nous ne pouvons plus la cultiver ici ». En ce qui concerne la « Tahdiya », Abu Latifa pense que cela a fait une différence. « Ma famille se sent personnellement plus en sécurité dans cette région maintenant que les Israéliens ne tirent plus et n’envahissent plus chaque jour notre zone » dit-il. « Mais je ne peux toujours pas cultiver ma terre ».
Une semaine avant le début de la « Tahdiya », une roquette de l’armée a touché la maison d’Abu Latifa. Personne n’a été blessé mais la maison familiale a été gravement endommagée. Abu Latifa maintient qu’aucune roquette n’a été tirée par les Palestiniens. « Ici, nous sommes tous des fermiers et nous voulons simplement cultiver nos terres ». Il fait tout à coup le geste de montrer la frontière : « J’ai là-bas 40 dunams de bonne terre agricole » nous raconte-t-il. « Ils ne sont qu’à 800 mètres d’ici et je pourrais les rejoindre à pieds en 10 minutes. Mais si quelqu’un s’approche de sa terre près de la frontière, ils nous tirent dessus, même maintenant. Je n’ai pas pu cultiver ces 40 dunams de terre depuis plus de 4 ans. »
Lisez les autres témoignages :
27 août 2008 - PCHR - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.pchrgaza.org/files/campa...
Traduction de l’anglais : Ana Cléja