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Bloquer la route d’un Gazaoui vers San Diego

vendredi 22 août 2008 - 06h:39

Fidaa Abed

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Jeune Palestinien de Gaza, j’attendais avec impatience l’occasion d’étudier à l’Université San Diego de Californie avec une bourse Fulbright.

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Gaza août 2007 - Un jeune garçon se tient devant un magasin de fournitures scolaires - Photo :MaanImages

L’occasion de m’évader du périmètre de Gaza et de m’immerger dans une éducation étasunienne était extrêmement palpitante. Alors qu’Israël contrôle les sorties aux frontières de Gaza, les accès par les airs et par la mer, en dépit de son « retrait » de 2005, je me représentais les longues routes ouvertes des Etats-Unis et la liberté de mouvement sans frein de sa population.

J’aime mon pays et mon peuple, mais un jeune homme a besoin d’opportunités. Celles-ci sont bien plus abondantes aux Etats-Unis que dans la Bande de Gaza sous siège.

La semaine dernière, j’atterrissais à Washington D.C. débordant d’optimisme. A mon arrivée, on m’a fait passer dans une pièce à part. Un officiel étasunien m’a informé qu’il venait de recevoir des renseignements à mon sujet qu’il ne pouvait pas me divulguer. Toutefois, il avait reçu l’ordre de me mettre dans le prochain avion de retour. J’étais sous le choc et surpris par la cruauté avec laquelle on m’arrachait mes rêves d’éducation à la toute dernière minute.

Ce traitement était particulièrement inattendu parce qu’à la fin du mois de mai, quand la Secrétaire d’Etat Condoleezza Rice avait appris que moi-même et six autres étudiants Fulbright avions été dépossédés de nos bourses, elle avait volé à notre secours. Un par un, Israël a laissé sortir les autres boursiers palestiniens Fulbright de Gaza et ceux-ci ont rejoint les universités étasuniennes. Et puis, on m’a mystérieusement ciblé pour un refus de dernière minute basé sur des « preuves secrètes ». Deux autres boursiers avaient vu leur visa annulé sur la base de preuves secrètes avant qu’ils ne puissent même quitter Gaza.

William J. Fulbright a été le seul sénateur étasunien à avoir voté contre le financement de la Commission des activités non-américaines du Sénateur Joseph McCarthy. Il y a de l’ironie dans le fait que cette occasion d’étudier me soit enlevée sur la base de la sorte de renseignements secrets - fabriqués de toutes pièces - qui avaient motivé l’opposition de Fulbright à McCarthy. Ne rencontrant aucune opposition, McCarthy a détruit des vies. J’espère que les Etats-Unis choisiront l’ouverture de Fulbright plutôt que la culture de la peur de McCarthy.

Israël emprisonne systématiquement des Palestiniens sur la base d’accusations secrètes. Toutes sortes d’accusations scandaleuses peuvent être lancées à partir d’informations que les responsables israéliens rassemblent de manière coercitive. Les preuves secrètes contre moi auraient-elles été tirées d’un jeune Palestinien sous la torture ? Etait-ce seulement moi qui étais visé, ou quelqu’un portant un nom semblable ? Mon « crime » a-t-il été de me trouver dans la même classe ou le même réfectoire que quelqu’un dont Israël pense qu’il pose un danger ? Je n’ai pas le moyen de le savoir et je n’ai donc aucun moyen de me défendre.

Mon éducation est ma porte sur l’avenir. Le Master que j’aurais obtenu à l’UC San Diego en informatique, je n’aurais pas pu l’avoir à Gaza. Et je ne suis pas le seul ; des centaines d’étudiants palestiniens qui rêvent d’améliorer leur vie, sont bloqués intellectuellement à Gaza. Les portes de notre prison à ciel ouvert ont été pratiquement claquées.

Israël a resserré les restrictions économiques en 2006 après la victoire aux élections du Hamas. Dans l’espoir d’affaiblir le Hamas, Israël a progressivement aggravé les restrictions à la liberté de mouvement des marchandises et des personnes entre la Bande de Gaza et le reste du monde, maintenant sous un siège quasi-total environ 1,5 million de civils palestiniens depuis plus d’un an.

J’ai heureusement bénéficié du soutien de personnes dans le monde entier. Des journalistes ont voulu entendre mon histoire. Les officiels étasuniens qui m’ont vu à Amman et à Jérusalem à mon retour, étaient aimables et semblaient embarrassés par ma situation.

Malgré la manière dont j’ai été traité, je sais que la plupart des Etasuniens sont gentils et animés de bonnes intentions. Ce qui m’est arrivé est contraire à la bonne volonté que manifeste le peuple étasunien. Les politiques d’Israël, qui relèguent les Palestiniens dans la situation carcérale de Gaza et dans un statut d’apartheid en Cisjordanie, ne font pas progresser la cause de la paix. Les Etats-Unis devraient utiliser leur considérable influence auprès d’Israël pour faire progresser la cause de la liberté et des droits égaux à la fois pour les Palestiniens et les Israéliens.

Les Palestiniens ont été dépossédés de leurs terres depuis 60 ans. Toutefois, quand nous avons la chance d’étudier nous persévérons et avons fait de nos vies ce que nous pouvions. Limiter nos perspectives d’éducation ne fait que perpétuer notre statut de peuple subordonné. Confiner à Gaza, les meilleurs et les plus brillants d’entre nous ne sert à rien. L’avenir sera meilleur pour tous si l’on ouvre les portes de Gaza et que l’on nous permette d’étudier et de connaître un monde plus vaste avec tous les défis, les controverses et les perspectives qu’il offre.

Fidaa Abed, boursier Fulbright, vit dans la Bande de Gaza

18 août 2008 - Online journal - Vous pouvez consulter cet article à :
http://onlinejournal.com/artman/pub...
Traduction de l’anglais : amg


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