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Le village palestinien d’Ijzim durant la guerre de 1948

mardi 19 août 2008 - 06h:34

Efrat Ben-Zeev - Truman Institute

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Ijzim était un village relativement grand et prospère situé sur une colline à quelques km à l’est de la route Haïfa/Jaffa. En 1948, l’armée juive a forcé ses habitants à fuir en même temps qu’environ 750.000 Bédouins palestiniens urbains et ruraux...

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Vue de l’entrée du village palestinien d’Ijzim

Du point de vue historique ce village était le village natal de la famille influente al-Madi qui jouait un rôle politique important aux 19ième et 20ième siècles...

Beaucoup de villages du district du Carmel ont tenu trois mois après la chute de Haïfa. Ijzim (3.445 habitants) et ses villages voisins, Jaba’ et Ein Ghazal qui comptaient respectivement 1.322 et 2.517 habitants, ont combattu ensemble et ont été les derniers villages à tomber le 26 juillet 48. La résistance permanente et la ténacité de ces trois villages (surnommés par les Juifs « le petit triangle) sont mentionnées dans les livres israéliens qui se rapportent à la guerre. Certains rapports palestiniens racontent d’ailleurs les événements dans le cadre de la lutte nationale :

« Le triangle de Jénine était sous le contrôle de l’armée iraquienne qui a envoyé des soldats chercher les prisonniers (juifs) que nous voulions échanger contre les nôtres...Mais une nuit, un officier iraquien est arrivé...les soldats étaient bien armés et avaient une mitraillette...ils semblaient très fatigués comme s’ils étaient venus de loin. En fait ils venaient de ’Arrabeh qui se trouve au sud-ouest de Jénine, localisation du quartier général iraquien... »

Un des débats autour de 1948 concerne le rôle des « forces externes », qu’ils aient été l’Alliance des Forces Arabes (iraquiens, jordaniens, syriens etc.) ou qu’ils aient été les forces palestiniennes mobilisées...

A la suite de la chute de Haïfa, les villages du district se sont retrouvés isolés. Comme ils ne pouvaient pas pénétrer dans la ville pendant les mois de mai, juin et juillet, ils utilisaient des intermédiaires druzes pour transférer et vendre leurs produits agricoles à la ville. Une autre route pour sortir du siège menait aux forces iraquiennes stationnées à Jénine, à 20 km d’Ijzim.
Les Iraquiens étaient entrés le 15 mai 48 en Palestine avec les autres forces de l’Alliance Arabe ; Il existe toujours un débat pour savoir si les armées étrangères avaient réellement participé activement ou si leur présence était en partie symbolique et induisait en erreur les Palestiniens locaux qui comptaient à tort sur leur aide. A Ijzim, les forces étrangères n’ont joué qu’un rôle mineur surtout au moment où on avait le plus besoin d’eux.

Même si la rhétorique officielle iraquienne était fortement pro-palestinienne, en réalité, l’implication iraquienne dans la guerre a été très limitée. Les Iraquiens ont été accusé et par la Ligue Arabe et par les Palestiniens locaux de n’avoir ?pas d’ordres’ (mukuawamer en arabe iraquien dialectal) et de manquer de politique claire. En conséquence, des officiers iraquiens ont pris dans certaines localités des initiatives personnelles ...

Les Iraquiens ont néanmoins apporté une certaine aide aux combattants palestiniens locaux. On sait par exemple qu’il y a eu un flot d’armes et de produits entre le « petit triangle » et la zone occupée par les forces iraquiennes, particulièrement au moment où le « petit triangle » a été assiégé... « La nuit venue nous allions d’Ijzim à ?Ara (20 km au sud d’Ijzim) L’armée iraquienne y était stationnée. Nous ramenions des cartouches sur le dos des chameaux et au nez des juifs ... » raconte Abu Ashraf.

Mais l’armée iraquienne était un nouveau facteur qui intervenait dans l’ordre social habituel. Cela peut expliquer la réticence des villageois à laisser les iraquiens s’installer dans le village ou combattre en leur nom. Mais néanmoins quand la situation s’est aggravée (mi-juillet) les Jizmawis firent appel aux Iraquiens pour qu’ils se joignent aux combats mais l’aide n’est pas arrivée...

Les villageois parlent encore de l’échec des Iraquiens à leur porter assistance. Leurs accusations vis-à-vis de cette force militaire étrangère découlent de leurs propres expériences ; ce n’est pas une vague accusation à l’encontre des armées arabes qui avaient promis une aide et qui ne l’ont pas apportée. Rétrospectivement, les villageois regrettent le fait que s’ils avaient su à quel point l’aide que les Iraquiens étaient prêts à offrir allait être si limitée, ils auraient pu mieux s’organiser.

La chute des villages et la fuite de leurs habitants

La deuxième trêve a commencé le 19 juillet mais les Israéliens ne l’ont pas respecté en ce qui concerne les villages d’Ijzim, Jaba’ et Ein Ghazal. La dernière attaque juive a eu lieu le 24 juillet et a continué pendant 2 jours et 2 nuits. Les combattants arabes ont décidé dans la nuit du 24 au 25 de se retirer dans la direction du sud-est où se trouvait l’armée iraquienne... Le 25 les combattants ont supplié les iraquiens par radio d’appeler Comte Bernadotte (envoyé spécial des Nations Unies) qui se trouvait à Haïfa mais celui-ci n’est pas intervenu et le lendemain Ijzim est tombé...

Certaines personnes âgées et quelques femmes et enfants ont été découverts dans le voisinage des 3 villages et ont été transférés par les forces juives aux forces iraquiennes...

Quelques familles Jizmawis sont restées près d’Ijzim, certaines jusqu’en 1970 époque où elles ont finalement été obligées de partir...La grande majorité des familles se sont retrouvées très très loin de leurs villages : en Irak où elles avaient été emmenées en tant que réfugiées par le régent iraquien peu de temps après leur arrivée à Jénine à l’été de 1948 (et également en Syrie, Jordanie et en Cisjordanie)

En conclusion, le fait que les Iraquiens ne soient pas venus sauver les villageois quand la situation était désespérée, est dévastateur. L’histoire locale qui en ressort accentue le fossé entre la rhétorique politique arabe et les conditions pratiques sur le terrain. Alors que les états arabes parlaient de leurs intentions militantes, en pratique, du moins dans la région du Carmel, leur intervention a été très très limitée. Le mot « Palestine » apparaît comme deux entités différentes : celle symbolique, décousue, telle qu’elle apparaît en général au sein de l’attitude arabe et la terre réelle pour laquelle les villageois se battaient.

* Extraits du livre d’Efrat Ben-Zeev  :
(The Truman Institute, Hebrew University, Israel)
“The Palestinian village of Ijzim during the 1948 war : forming an anthropological history through villagers accounts and army documents”

Palestine Remembered - Vous pouvez consulter cet article à :
http://palestineremembered.com/Haif...
Traduction de l’anglais : Ana Cléja


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