L’accueil chaleureux de Nicolas Sarkozy confirme simplement que l’Europe a décidé de reconnaître le nouveau rôle de premier plan de la Syrie en Asie occidentale et que, tôt ou tard, Washington suivra.

Nouvelle défaite pour la stratégie néoconservatrice des Etats-Unis : le président syrien Bashrar el-Assad est le véritable invité d’honneur au sommet méditerranéen organisé par le président français Nicolas Sarkozy. Bien que la Syrie se trouve toujours sur la liste des Etats voyous de Washington, c’est aujourd’hui une puissance qui monte au Moyen-Orient et un élément clé dans toute initiative diplomatique mondiale future dans la région. Pour une fois, Ehud Olmert a compris quelque chose et il est même prêt à braver l’embargo US sur la Syrie et à ouvrir des négociations secrètes avec le régime d’Assad.

Dans un long entretien accordé à la télévision française, le président syrien a dit clairement qu’il était prêt à normaliser les relations avec Israël et à ne pas se courroucer d’avoir été mis sur le banc des accusés comme si la Syrie était le problème et non, entre autres choses, les 41 ans d’occupation du Golan syrien par Israël.

Au début, j’avais interprété l’attitude défensive d’Assad dans cet entretien comme une position de faiblesse, un recul face au ton agressif de la journaliste française. Très vite, cependant, j’ai compris que le dirigeant syrien s’exprimait dans une position de force : l’accueil chaleureux de Nicolas Sarkozy confirme simplement que l’Europe a décidé de reconnaître le nouveau rôle de premier plan de la Syrie en Asie occidentale et que, tôt ou tard, Washington suivra.

La Syrie est la clé de toute stabilisation au Liban ; la Syrie peut isoler l’Iran ; la Syrie peut affaiblir considérablement les organisations islamiques, telles que le Hezbollah, en fermant sa frontière avec le Liban et en arrêtant les fournitures d’armes. Bref, la Syrie peut modifier le rapport des forces au Moyen-Orient et contribuer à un renforcement appréciable des positions occidentales dans cette zone. Cependant, tout cela dépend de la capacité de Washington à cesser son attitude anti-syrienne. Une lecture attentive du rapport Baker-Hamilton nous confirme que ce sera en effet la politique de la prochaine administration américaine, quel que soit le vainqueur de la course à la présidence des Etats-Unis.

Pendant ce temps, le petit gang de néoconservateurs US toujours aux affaires à la Maison-Blanche continuera de se comporter avec la Syrie comme avec un ennemi, consacrant plus de temps à l’Iran, au Hezbollah et aux autres forces qui résistent à l’Empire, pour se préparer pour la prochaine offensive américaine. Une telle offensive pourrait avoir lieu dans les quelques mois à venir : dans un article publié il y a quelques jours dans le New York Times, l’analyste néoconservateur israélien, Benny Morris, a publiquement appelé à une attaque préventive contre l’Iran dans les 10 mois à venir. Sans aucun doute, Morris n’a pas sorti cet article de sa seule cervelle, il a exprimé l’opinion des factions bellicistes étasunienne et israélienne.

Bush et Olmert sont en route, le premier pour la poubelle de l’histoire, comme l’un des pires présidents que les Etats-Unis n’aient jamais eus, le second pour la prison, comme l’un des politiciens les plus corrompus de l’histoire d’Israël. Les deux sont intéressés pour rester dans la mémoire collective de leur peuple respectif autrement que comme un rigolo et un escroc. Une guerre pourrait bien être pour eux le moyen d’y parvenir.

Michel Warschawski est journaliste et écrivain. Fondateur du Centre d’information alternative (AIC) en Israël, il est l’un des représentants du courant radical antisioniste en Israël.

Parmi ses livres : Sur la frontière (Stock - 2002), A tombeau ouvert - la crise de la société israélienne (La Fabrique - 2003), A contre ch ?ur (Textuel - 2003).

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20 juillet 2008 - Alternative Information Center - Traduction : JPP