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Sur l’humiliation et la mort des enfants dans Gaza

jeudi 3 juillet 2008 - 06h:57

Ramzy Baroud

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Une fillette palestinienne de Gaza, âgée de six ans a été tuée par des tirs israéliens le 12 juin. « Les médecins disent que la petite fille a été décapitée par un obus tiré par un tank, » a rapporté l’Associated Press le jour suivant.

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Jeunes palestiniens victimes de tirs israéliens dans la bande de Gaza

Les militaires israéliens ont prétendu avoir ouvert le feu pour riposter contre des « militants tirant des fusées vers Israël ». De façon impassible, l’Associated Press en déduit que « des fusées et des obus de mortiers sont envoyés par des militants depuis Gaza vers Israël presque quotidiennement. » Le récit d’à peine quelques lignes se conclut avec une autre affirmation des militaires israéliens : « Le tir s’est produit près de la frontière où des militants ont tiré 30 fusées vers Israël ce mardi. »

Il ne s’agit pas ici d’une autre déclamation au sujet de reportages déshumanisés dans lesquels la mort de Palestiniens innocents est tellement souvent attribuée, d’une manière ou d’une autre, à des « militants ». L’évocation de cette tragédie si récente — on apprendra plus tard que la petite victime s’appelait Hadeel Al-Smeiri — n’a pas non plus pour objet de souligner les crimes quotidiens commis par les militaires israéliens contre les Palestiniens dans les territoires occupés, crimes passant en général inaperçus et vite enterrés sous des nouvelles de moindre importance, ni pour objet de mettre en relief la cruauté de l’affirmation selon laquelle les Palestiniens sont à blâmer de forcer Israël à procéder à de tels « actes tragiques de représailles ».

Cet évènement m’a frappé comme étant significatif pour tenter d’analyser les reportages dominants et la cruauté qu’ils requièrent pour pouvoir défendre la décapitation d’une fillette de six ans pour causes de représailles. Tout aussi dérangeant est le fait que les organisations palestiniennes ne voient pas dans la mort de Hadeel une raison impérative pour l’unité : en revanche, ces organisations continuent avec leurs manoeuvres politique comme si elles disposaient du luxe d’un temps infini alors que les Palestiniens abandonnés sont opprimés quotidiennement. Cette situation n’est à l’origine d’aucune initiative sérieuse si ce n’est des tirs inutiles de fusées qui ne font qu’alimenter encore plus de violence de la part des Israéliens et servent de prétexte au lent génocide des Palestiniens emprisonnés dans Gaza.

Certains Palestiniens, particulièrement ceux qui se trouvent dans le camp du premier ministre de Mahmoud Abbas, agissent toujours selon leur sens des priorités.

Jeremy Bowen de la BBC a écrit le 11 juin : « L’humiliation du juin 2007 [quand le Hamas a pris le contrôle de Gaza] ne sera pas facilement oubliée par les gens du Fatah. Ces 12 derniers mois la simple suggestion qu’ils devraient essayer de mettre un terme à leur conflit avec le Hamas obtenait à coup sûr une réponse colérique des personnages haut placés dans l’entourage de Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité Palestinienne... Un de ses ministres était tellement furieux toutes les fois que je l’interrogeais à ce propos que sa voix faisait grimper dans le rouge les cadrans des appareils d’enregistrement de la BBC. »

En lisant ce qui précède je me suis demandé si le ministre répondrait avec une telle colère si Bowen lui demandait son point de vue sur le meurtre de Hadeel ou sur le fait que le propre peuple du ministre est mis en cage, non seulement à Gaza, mais dans de grandes portions de la Cisjordanie, derrière les barrières militaires israéliennes, les clôtures électriques et les murs de sécurité.

Si le ministre ne se rend pas compte de la misère dans laquelle vit la génération de Hadeel, peut-être devrait-il extraire quelques minutes dans son programme si chargé pour passer en revue quelques-unes des sinistres données à propos de l’oppression vécue quotidiennement par les enfants palestiniens. Sigrid Kaag, le directeur régional de l’UNICEF pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, a visité le camp de réfugiés de Jabaliya dans le nord de la bande de Gaza le 9 juin. Le plus pauvre des taudis de Gaza, là où est né le soulèvement de 1987, sans suprise a implosé. « Être témoin de l’impact du blocus sur les enfants de Gaza est une expérience bouleversante, » a dit Kaag. « Cette situation doit cesser. »

Selon le bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires, « à la date du 26 mai, ce sont 64 enfants qui été tués dans ce conflit depuis le début de l’année — encore plus que le nombre d’enfants tués pour tout 2007. Cinquante-neuf de ces meurtres se sont produits à Gaza tandis que 4 des victimes étaient des enfants israéliens. »

Bowen écrit encore : « Le combattant qui a vidé sa kalachnikov dans le bureau de Mohamed Dahlan, jusqu’à ce jour l’homme fort de Fatah à Gaza, a hurlé « ceci est le destin qui attend les traîtres comme cette ordure de Dahlan » pendant qu’il armait son fusil, et il a été enregistré et diffusé à la télévision pour que tous le voient. » Le ministre touve difficile de pardonner au Hamas un tel acte, oubliant commodément ce qu’ont rapporté les médias américains — Vanity Fair pour être plus précis — selon quoi Dahlan avait pris la tête d’un complot israélo-américain pour réaliser un coup de force contre le gouvernement démocratiquement élu à Gaza. Le plan a été un échec en raison de la prise de contrôle anticipée du territoire par le Hamas.

Prenons ceci en considération : L’UNICEF rapporte qu’existent « à travers la Cisjordanie environ 600 obstacles au mouvement — et la barrière séparant la Cisjordanie d’Israël — rendant difficile pour les enfants d’aller à l’école, pour les malades d’accéder aux centres médico-sociaux et aux familles de se voir... Le régime de bouclage est contraignant même pour les opérations humanitaires des Nations Unies ».

Pourtant le ministre et beaucoup d’autres comme lui, estiment que la violence du Hamas en juin 2007 est le pinacle de l’humiliation. C’est déconcertant, en effet.

Je me demande ce qui est le plus humiliant : la vue de la chaise du bureau de Dahlan pleine de trous, ou des mères, des vieillards et des enfants palestiniens alignés devant un groupe de soldats israéliens à la gâchette facile, qui se moquent d’eux dans leur arabe balbutiant en proférant chaque qualificatif raciste qu’ils connaissent ?

En attendant, de récents communiqués nous parlent des assurances données par Abbas à la secrétaire d’état Condoleezza Rice, selon lesquelles son offre de dialogue avec le Hamas était conditionnelle. Pourquoi des conditions dans des pourpalers entre des gens qui sont des frères tout en faisant bénéficier sans fin Israël de l’avantage du doute alors qu’il tire en longueur un « processus de paix » sans aucune signification et que son armée tuent à volonté des enfants comme Hadeel ?

Peut-être qu’Abbas et son ministre tellement en colère devant la BBC sont rendus confus par les sempiternelles promesses israéliennes d’un état palestinien. « Le futur état palestinien doit être établi selon les besoins de la sécurité d’Israël, y compris la surveillance du passage des frontières et le désarmement des militants, » a rapporté Haaretz, faisant écho à des commentaires faits par Tzipi Livni, la ministre israéliennes des affaires étrangères. Voici ce qu’il en est pour la souveraineté.

Le journal israélien poursuivait en disant : « Israël fait savoir son intention de maintenir les blocs importants de colonies en Cisjordanie dans le cadre de n’importe quel accord de paix avec les Palestiniens, et que son réseau de barrages sur les routes et de checkpoints en Cisjordanie sert à empêcher des attaques contre des Israéliens. »

Même si la promesse israélienne prend jamais forme, la ségrégation y est partout inscrite.

Les Palestiniens ne devraient pas accorder beaucoup d’attention aux visions de Livni. Ils devraient concentrer leur énergie sur l’unification de leurs rangs car rien ne met plus en colère que leur division, et rien n’est autant humiliant que de faire confiance aux armes et à l’argent d’Israël et des Etats-Unis pour maintenir leurs propres frères affamés et menacés dans Gaza.

(*) Ramzy Baroud est l’auteur de « The Second palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com »

Du même auteur :

- Légaliser l’occupation : la dernière combine de Bush en Irak
- La fin du « chaos créatif » ?
- 60 ans de négation
- La coexistence, pas l’Apartheid !

17 juin 2008 - Transmis par l’auteur - Vous pouvez consulter cet article à :
http://ramzybaroud.net/articles.php...
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach


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