16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Vous êtes ici : Accueil > Dossiers > Palestine > Analyses

Gaza : le calme avant la tempête ?

samedi 28 juin 2008 - 14h:46

Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


L’accord pour une trêve convenu entre le Hamas et Israël est sans précédent car c’est la première fois dans l’histoire du conflit israélo-palestinien qu’Israël accepte de négocier un cessez-le-feu avec la résistance palestinienne.

JPEG - 20.7 ko
Même pendant qu’une paix expérimentale se tient à Gaza, les Palestiniens se réunissent parmi la blocaille d’un bâtiment en Cisjordanie détruit par l’armée israélienne pendant une opération militaire le 19 juin - Photo : AFP

Vendredi dernier dans le camp de réfugiés d’Al-Maghazi dans la partie centrale de la bande de Gaza où ils habitent, Rihab, âgée de 39 ans, ne parvenait pas à convaincre son mari Saleh Abu Samha de 42 ans d’acheter des rideaux. Abu Samha a expliqué [à Al Ahram Weekly] que la raison qui faisait qu’il n’approuvait pas la demande de son épouse était que le prix des rideaux, comme toutes les autres marchandises, était incroyablement élevé en raison du blocus. Il expliquait qu’elle devrait attendre jusqu’à ce qu’une trêve réelle soit convenue de sorte que des marchandises puissent être importées d’une façon normale et à des prix inférieurs.

Beaucoup de personnes dans la bande de Gaza pensent et agissent de la même façon qu’Abu Samha. Jamal Hamid, 45 ans, est fonctionnaire, et il raconte que depuis le début du siège il n’a pas pu pas acheter de vêtements pour ses six enfants en raison des prix bien trop élevés. Il espère qu’il pourra acheter leur nouvel habillement dès que les passages-frontaliers commerciaux seront totalement réouverts et que les prix reviendront à des niveaux normaux.

Les chauffeurs de taxi n’achètent plus l’essence sans plomb au marché noir comme ils l’ont fait jusqu’à ce que la trêve soit annoncée, espérant à présent que des quantités normales seront importées une fois que le siège sera levé et que les prix auront baissé de manière significative. Un vendeur à la sauvette d’essence sans plomb n’arrivait pas à attirer l’attention d’un chauffeur de taxi qui se déplaçait lentement à l’entrée sud de la ville de Gaza jeudi dernier.

Le jeune homme qui se tenait derrière plusieurs bidons d’essence sans plomb avait pensé que les conducteurs se bousculeraient pour acheter ses produits après qu’il ait annoncé que les 20 litres étaient maintenant descendus à 250 shekels (70 dollars), tandis qu’ils avaient atteint 400 shekels (120 dollars) avant l’annonce de la trêve. Aucun des conducteurs n’a même essayé de négocier avec le jeune homme pour le convaincre de baisser son prix, parce qu’ils savaient la raison pour laquelle il avait fixé ce prix.

Un de ces conducteurs a indiqué à Al Ahram qu’à la suite de la trêve et de la réouverture des passages commerciaux, l’essence sans plomb entrerait dans la bande de Gaza en grande quantité et qu’il n’y aura plus besoin de l’acheter dans des bidons. L’essence sera vendue pour environ 80 shekels (27 dollars) les 20 litres, et les conducteurs n’auront plus besoin de recourir au marché noir plus longtemps car l’essence pourra être achetée dans les stations service, avec confiance et avec l’assurance de la qualité. Beaucoup de conducteurs soupçonnent que les commerçants mélangent l’essence sans plomb à de l’huile afin d’augmenter leurs bénéfices, et cette pratique a endommagé beaucoup de moteurs de voiture.

Bien que Israël ait violé l’accord fixant la trêve en ne permettant pas à 30% des besoins d’entrer dans Gaza, en dépit de trois jours qui se sont écoulés depuis le début de la trêve et comme stipulé par l’accord, les Palestiniens sont pleins d’espoir que la levée du blocus représente une nouvelle page dans leurs vies après de telles souffrances.

Majid Ibrahim, 41 ans et conférencier à l’université islamique de Gaza, ne peut pas cacher son optimisme au sujet de la trêve. Ibrahim a expliqué à Al Ahram que son optimisme venait du fait qu’il était persuadé que si la trêve se maintenait, les conditions dans la bande de Gaza « changeront du tout au tout ». Il a ajouté : « je pourrai certainement aller à l’université dans ma propre voiture et je ne devrai plus attendre une heure ou plus jusqu’à trouver un quelconque moyen de transport. Ceux qui ne vivent pas ici ne peuvent pas imaginer l’attente des personnes pour que le siège soit levé. Les atrocités que ce blocus a produites dépassent l’imagination. »

Ismail Balim, un fermier de Deir Al-Balah, partage les espoirs d’Ibrahim. La ferme de Balim a été détruite lors des invasions israéliennes et des affrontements le long des frontières orientales des zones résidentielles palestiniennes. Il espère que la trêve aura comme conséquence une levée complète du blocus de sorte qu’il puisse reconstruire sa ferme qui a été détruite, et obtenir l’équipement et les matériaux nécessaires pour ce faire. Balim a indiqué à Al Weekly que beaucoup de ceux dont les fermes ont été détruites au bulldozer ne peuvent pas travailler parce qu’ils n’ont pas de carburant pour leurs tracteurs. Mais en dépit de tout ce qu’il a perdu, le visage de Balim est plein d’espoir quand il parle du futur qui doit accompagner la trêve.

Suleiman Bin Awad, qui possède un atelier de mécanique pour voitures, soutient que la trêve changera sa vie et celle de ses collègues. Dans beaucoup de cas ils n’ont pas pu répondre aux demandes de leurs clients à cause du manque de pièces de rechange. Il a expliqué à Al Weekly que « n’importe quel changement positif aura un effet sur la vie des gens. En ce moment les gens vivent un enfer qui n’a rien à voir avec ce que vous pouvez attendre d’une vie normale. »

Ceux qui espèrent tant d’une trêve parlent facilement de leurs dures expériences sous le blocus. Ibrahim Emad, 54 ans, vit dans le camp de réfugiés d’Al-Maghazi au centre de la bande de Gaza et il explique à Al Ahram que les conditions de vie « deviennent insupportable, parce que tous les aspects de la vie se sont sévèrement dégradés et la capacité qu’ont les gens à s’adapter aux conditions s’est affaiblie. Pendant plus de 10 jours, ma famille et moi n’avons fait qu’un repas par jour parce qu’il n’y a pas assez de gaz pour faire cuire les aliments, et comme j’ai de l’asthme, nous ne pouvons pas employer du bois de chauffage pour faire la cuisson. »

Awad Selasil, 41 ans, a essayé toute la semaine dernière de trouver une paire de chaussures après que les siennes soient devenues inutilisables. Il est allé dans la plupart des magasins de chaussures dans les environs de la ville d’Al-Shajaieh dans Gaza mais il n’a pu trouver ce dont il avait besoin. Par conséquent, il n’a pas eu d’autre choix que d’aller dans un des magasins de cordonnerie dont les affaires ont prospéré à Gaza. Maintenant pourtant, il est plein d’espoir qu’Israël permette l’entrée dans Gaza des articles dont les gens ont besoin, y compris des chaussures.

Les observateurs de la scène palestinienne soutiennent que l’accord pour la trêve comporte des contraintes importantes pour les organisations de la résistance palestinienne. Nehad Al-Sheikh Khali, un chercheur palestinien, soutient que l’accord de trêve accepté par le Hamas et Israël par l’intermédiaire de l’Egypte est un précédent, car c’est la première fois dans l’histoire du conflit israélo-palestinien qu’Israël a accepté de négocier un cessez-le-feu avec la résistance palestinienne.

« L’accord entre Israël et les organisations de la résistance révèle son incapacité à les désarmer, et laisse supposer que sa capacité à garantir la sécurité à ses colons dépend de la volonté de la résistance palestinienne, » dit-il au Weekly. Cheik Khalil explique aussi qu’Israël a cédé sur deux de ses premières conditions à la trêve, qui étaient l’arrêt de la contrebande d’armes par la frontière avec l’Egypte, et que la trêve soit conditionnée par la libération par le Hamas du soldat israélien Gilad Shalit.

Même l’acceptation par le Hamas de limiter la trêve à la bande de Gaza n’est pas vue comme un recul pour la résistance, selon l’opinion de Khalil. En revanche, cela signifie que les mouvements de résistance [en Cisjordanie]sont libres de réaliser des opérations contre l’armée et les colons israéliens. Les tirs réalisés par les résistant palestiniens jeudi dernier au nord de la Cisjordanie et qui ont blessé trois colons n’ont pas été traités par Israël comme une violation de la trêve, donne-t-il comme exemple. Pourtant Khalil croit toujours possible qu’Israël ait accepté la trêve pour se dégager [sur le front sud]avant de s’attaquer au programme nucléaire iranien. Il n’est pas dans l’intérêt d’Israël de poursuivre son siège contre Gaza en même qu’il attaquerait l’Iran, explique-t-il.

Quant au membre du bureau politique du Hamas, Jamal Abu Hashim, il ne se fait aucune illusion sur les raisons israéliennes d’accepter la trêve. Abu Hashim a indiqué au Weekly qu’il était persuadé qu’Israël avait pu être d’accord sur une trêve afin de créer les conditions qui permettraient par la suite la récupération de Shalit puis ensuite une campagne militaire majeure contre la bande de Gaza.

Pourtant Abu Hashim se sent également assuré qu’Israël n’y aura pas recours parce qu’il se rend bien compte qu’il ne réussira pas à détruire la résistance et permettra seulement aux mouvements de résistance de recruter plus de combattants. « Israël sait que la résistance l’attend de pied ferme s’il devait entreprendre n’importe quelle entreprise comme envahir la bande de Gaza, » dit-il. « Israël a été d’accord sur une trêve par crainte des résultats d’une telle entreprise. »

Du même auteur :

- Le goulag israélien
- Casser les règles du jeu
- Gaza condamnée à la mort lente
- Gaza : au-delà du désespoir

27 juin 2008 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2008/903...
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.