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Frontières et lignes de front

jeudi 24 avril 2008 - 05h:32

Dina Ezzat - Al-Ahram Weekly

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Le défi auquel fait face l’Egypte sur sa frontière avec Gaza porte au c ?ur de cette question : le dialogue peut-il être un moyen médiateur entre des calendriers régionaux divergents ?

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L’Egypte a renforcé les mesures de sécurité sur la frontière à Rafah, montrant qu’elle ne tolèrera pas la répétition de l’incursion de janvier par les Palestiniens assiégés.




Le calme règne sur la frontière entre l’Egypte et Gaza, pour le moment. Sous la surface, cependant, une vive tension entre l’Egypte et le Hamas est latente. Les déclarations du Hamas, la semaine dernière, selon lesquelles le franchissement en masse du mur en janvier par les Palestiniens pourrait se répéter, ont conduit « inévitablement » l’Egypte à réagir de façon énergique, menaçant « d’une réaction sévère » et renforçant ostensiblement la sécurité sur la frontière.

Mercredi, les craintes du Caire, fortes pendant le week-end, de cette éventualité et de ses conséquences politiques et humanitaires, s’étaient quelque peu atténuées. « Mais nous restons sur nos gardes » souligne un officiel égyptien. Pour sa part, le Hamas n’exclue pas la possibilité d’un tel franchissement de la frontière. Ce serait, selon le mouvement, une simple réaction des un million et demi de Palestiniens qui étouffent sous le siège. Le Hamas veut faire appel à l’aide égyptienne, pas à sa colère, assure son porte-parole.

Lors d’une récente réunion où Al-Ahram Weekly était présent, le vice-président du bureau politique du Hamas, Moussa Aboumarzouk, actuellement à Damas, a mis en avant qu’il n’était pas dans l’intérêt du Hamas de saper la sécurité nationale égyptienne. « Nous voulons travailler ensemble, pas mettre l’Egypte en colère contre nous. Ceci est dans notre intérêt, et c’est aussi dans l’intérêt des Egyptiens » dit-il.

Actuellement au Caire pour s’entretenir avec l’ancien président américaine Jimmy Carter sur les chances de paix au Moyen-Orient, les dirigeants du Hamas, Said Siyyam et Mahmoud Al-Zahhar, vont aborder la question de la frontière avec de hauts responsables de la sécurité égyptienne. « Nous voulons que rien ne vienne opposer les peuples palestinien et égyptien » déclare Siyyam à la presse, avant sa mission. On s’attend à ce que la délégation du Hamas appelle l’Egypte à ouvrir et à gérer le passage de Rafah qui relie Gaza avec l’Egypte. L’Egypte avait rejeté une même demande d’un an venant du Hamas faite en dehors d’Israël et de la communauté internationale.

S’agissant de l’ouverture et du fonctionnement du passage insiste l’Egypte, le Hamas, l’Autorité palestinienne qui siège à Ramallah et Israël doivent arriver à un accord. Le Caire insiste plus particulièrement pour que le Hamas accepte de laisser l’Autorité palestinienne gérer le passage conjointement avec Israël et une mission d’observation de l’Union européenne, conformément à l’accord frontalier négocié en 2005. « Que le Hamas et l’Autorité palestinienne s’entendent, et l’Egypte fera tout ce qu’elle peut. » a annoncé, mardi, l’ambassadeur d’Egypte à Washington, Nabil Fahmi.

Selon Ezzedine Choukri-Fishere, directeur du Groupe international de crise (ICG) pour le projet de paix arabo-israélien, la réconciliation nationale palestinienne est vitale, pas seulement en vue d’objectifs immédiats pour gérer la situation sur le terrain - à Gaza et sur la frontière avec l’Egypte - mais aussi pour renforcer la position palestinienne dans les négociations avec Israël. ICG met en garde devant tout ce qu’implique actuellement le siège [par Israël], les attaques de l’armée et l’isolement du Hamas à Gaza ne sont pas le bon moyen pour promouvoir la stabilité et le rétablissement de la paix entre « tous les Palestiniens et Israël ».

« Si vous excluez et accablez le Hamas, vous arriverez à ce que le Hamas se mettra en travers de ce que vous ferez » déclare Choukri-Fishere. « Et cela, le Hamas peut le faire de bien des façons. » Choukri-Fishere est convaincu que la seule façon d’améliorer les conditions de la crise humanitaire à Gaza et de prévenir une scission entre Gaza et la Cisjordanie qui serait désastreuse, c’est en implicant le Hamas.

Mais, est-il possible d’engager le Hamas et de garantir la réconciliation nationale palestinienne tout en écartant les alliés du Hamas dans la région, Syrie, Hezbollah et Iran ? Et dans quelle mesure les tensions actuelles entre le Hamas et l’Egypte sont-elles une manifestation des rivalités régionales entre les « modérés » soutenus et appuyés par les USA et les « extrémistes » ciblés et décriés par les USA ?

Venue au Qatar, lundi, pour une conférence sur la démocratie au Moyen-Orient, la ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni, a appelé les Etats arabes à considérer Israël comme un modéré en guerre contre l’extrémisme. « Nous, les modérés de la région, sommes tous membres du même camp, confrontés aux mêmes défis posés par les extrémistes » dit-elle.

A Bahreïn, lundi prochain, la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, rencontrera les ministres des Affaires étrangères d’Egypte, de Jordanie et le Conseil de coopération des six États arabes du Golfe, pour débattre précisément de cette question : la confrontation poursuivie entre les « modérés » et les « extrémistes » au Moyen-Orient. Pour le Hamas, le Hezbollah, la Syrie et l’Iran, cette association de tutelle en « 6+2+1 » n’est qu’un mécanisme visant à les isoler.

Choukri-Fishere convient que pour comprendre les tensions actuelles entre le Hamas et l’Egypte, il faut prendre se concentrer sur un contexte régional plus large. Il préconise en particulier de mettre la Syrie dans le coup. Cependant, l’analyste de l’ICG pense que le Hamas peut - et doit - faire beaucoup plus pour apaiser les craintes égyptiennes : « Une part substantielle (du problème) vient de l’Egypte et du Hamas (seuls) ».

A en juger par les appréciations des officiels égyptiens, pour Le Caire et ses principaux alliés, spécialement Riyad, le moment n’est pas encore venu pour cette politique de large implication. Cette semaine, tant l’Egypte que l’Arabie saoudite ont rejeté la proposition de pourparlers avec la Syrie, telle que présentée par le président du parlement libanais, Nabih Berri, lequel pense qu’une telle conférence tripartite serait déterminante pour mettre fin à la crise politique qui dure au Liban.

D’un autre côté, l’Egypte et l’Arabie saoudite sont réservées quant à la volonté de Washington pour que la prochaine réunion de Bahreïn adopte une position intransigeante à l’égard de l’Iran, du Hamas et du Hezbollah. Selon des sources égyptiennes, Le Caire et Riyad, quoique à différents niveaux, vont s’efforcer à Bahreïn de contenir le conflit des Américains avec l’Iran.

Cette politique visant à éluder la confrontation tout en évitant une large implication apportera-t-elle stabilité et opportunités pour la paix ?


Du même auteur :

- "Une bande à part"
- "La guerre par d’autres moyens"
- "Guerre de 67 : l’armée israélienne accusée d’avoir massacré des prisonniers"

Al-Ahram Weekly On-line - 17 - 23 April 2008 - traduction : JPP


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