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Le géant égyptien se met en marche

jeudi 10 avril 2008 - 05h:44

Abd-al-Bari Atwan

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L’Egypte est comme l’éléphant ; lourd dans son mouvement, patient dans son endurance, mais quand il se met en marche, il ne s’arrête plus jusqu’à ce qu’il détruise tout ce qui est sur son passage, notamment si son estomac était vide et ses enfants sans nourriture.

La grève et les manifestations qui ont eu lieu hier dans les villes égyptiennes, ne sont que le début, ou le début de la fin de ce régime. Car ce qui compte, ce n’est plus le succès de la grève ou son échec, mais que ce géant que représente cette base populaire commence à se rebeller contre la faim, l’oppression et la corruption, et qu’il élève sa voix en protestant.

Une trentaine d’années de fausse paix et de promesses mensongères, et d’implication humiliante dans les projets de guerres américaines contre les Arabes et les Musulmans, a conduit le brave et patient peuple égyptien vers la faim et vers la mort dans les queues d’attente pour le pain, alors que les autres peuples progressent, s’épanouissent, et se transforment en tigres économiques.

Le président égyptien, Anwar As-Sadate a promis aux Egyptiens la prospérité dans les trois ans suivant la signature de l’accord de paix. Trente ans plus tard, la prospérité est au rendez-vous, pas pour le peuple, mais pour un petit groupe de l’entourage du palais présidentiel. Un groupe qui a sucé le sang des pauvres et des miséreux et qui les a transformés en des instruments pour servir sa cupidité et son pillage des ressources du pays.

Il y a trente ans, les Egyptiens faisaient rarement la queue pour se procurer des poulets des coopératives d’achat. Et en 1977, dans l’intifada du pain, ils ont crier des slogans contre le prix du kilogramme de viande à une livre égyptienne. Maintenant, les pauvres, et c’est la grande majorité, ne trouvent même pas une galette de pain.

Je vivais en Egypte où j’étais étudiant dans l’une de ses universités, à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix et durant la guerre d’usure (entre 1968 et 1970, Ndt), avant que le pays ne vire vers l’Ouest et ne se soumette au Fonds Monétaire International. Et je peux affirmer que les coopératives étaient pleines de toute sorte de nourriture, et que les enfants d’Egypte portaient des vêtements en laine et en coton ainsi que des chaussures égyptiennes d’excellente qualité, depuis le président de la république jusqu’au plus petit fonctionnaire dans l’état.

Les vêtements et les produits de luxe étaient vendus dans une petite rue nommée « Ash-Shawaribi » qui était majoritairement fréquentée par les étrangers et par peu d’Egyptiens.

Ce qui est remarquable, c’est que le kilogramme de viande se vendait à sa saison pour moins de 45 ?qirsh’ (un centième de livre égyptienne, Ndt), ç.à.d. moins que la moitié du prix officiel fixé par le gouvernement, à cause de l’abondance du produit et le soutien de l’état aux plus pauvres. Mais aujourd’hui, le prix a atteint 45 livres égyptiennes.

La grande et majestueuse Egypte a été vendue au nom de la privatisation aux Etats-Unis et à Israël pour un vil prix qu’a touché un groupe de l’entourage du président Moubarak, ses deux fils et l’élite au pouvoir. Et depuis, ce groupe n’a que le souci de réaliser plus de profit et d’empocher plus de milliards. Entre eux, les gens de ce groupe ne parlent que des langues étrangères et snobent le dialecte égyptien aimé par trois cents millions d’Arabes, en le considérant comme la langue du sous-développement et pour se montrer différents de l’écrasante majorité des braves et endurants Egyptiens.

J’ai été choqué quand un jour j’ai entendu une dame égyptienne de la classe des chats engraissés, que j’ai rencontrée un peu par hasard, dire qu’elle refusait d’utiliser la livre égyptienne car c’était en dessous de son niveau, qu’elle préférait utiliser le dollar ou bien les cartes de crédit occidentales, et qu’elle voyageait toujours avec les compagnies aériennes étrangères pour qu’elle n’ait pas affaire à la classe inférieure de son peuple.

Ceux-là sont les fruits de la culture de la paix et de l’inclinaison devant les Etats-Unis, et le fait de rejoindre les rangs des modérés et de nanifier le rôle de l’Egypte, d’un état pionnier à un état suiviste qui se soumet aux diktats de Condoleezza Rice et qui n’ose pas discuter.

Les Etats-Unis sont le plus grand producteur et exportateur de blé dans le monde, alors pourquoi ne s’empressent-ils pas pour secourir leur allié, le président Hosni Moubarak qui les a aidés dans toutes leurs guerres en Irak et en Afghanistan, et peut être contre l’Iran et la Syrie dans l’avenir, et qui est devenu son agent pour la paix et la normalisation dans la région ?

La réponse est simple, c’est que le problème n’est pas dans les Etats-Unis mais bien dans le régime égyptien lui-même, qui ne sait pas comment gérer ses alliances pour les utiliser dans l’intérêt de son peuple et de ses générations futures. Car le seul souci de ce régime est de rester au pouvoir quelqu’en soit le prix, tout en augmentant les dépôts de son entourage dans les banques étrangères.

Trente ans de mensonges et de tricheries, de publication de statistiques falsifiées sur les taux de la croissance économique et sur l’augmentation des réserves nationales en devises étrangères, et de promesses de prospérité et d’augmentation du pouvoir d’achat, pour que finalement le peuple égyptien se retrouve à faire la queue pour le pain durant plus de huit heures par jour, et que, jusqu’à maintenant, onze personnes sont devenues les martyrs de ces files d’attente.

L’Egypte est maintenant sans économie, sans politique et sans direction, comme une planche de bois flottant sur un fleuve impétueux et qui ne sait pas où, quand et comment elle va s’arrêter, une planche sans gouvernail et dont le capitaine a fui ses responsabilités vers son monde privé dans sa résidence de vacances à Charm Al-Cheikh, loin des problèmes et ce tout ce qui dérange.

Les tragédies de l’Egypte aujourd’hui sont nombreuses, mais la plus importante est cette élite corrompue sans conscience parmi les professionnels des médias et les écrivains, dont le métier est de falsifier les vérités, d’anesthésier les citoyens avec des promesses mensongères de prospérité et de stabilité, et de soutenir une politique qui a conduit le pays et les gens vers la falaise.

Nous ne généralisons pas, mais nous pensons particulièrement à ce groupe qui domine les médias étatiques d’influence, car ceux-là ont trahi leur conscience nationale et professionnelle en cachant la corruption, et ils en font désormais partie.

Le peuple égyptien commence à se rebeller, à rompre le cercle de silence, et à faire entendre sa voix haut et fort en demandant un changement radical, et il arrivera certainement à ses objectifs. C’est ce que nous apprennent les expériences honorables que ce peuple a traversées pendant huit mille ans de civilisation et d’innovation. Et dans sa rébellion se trouve le début de la fin de cet état d’humiliation subie par cette nation. Car depuis que l’Egypte est sortie du rang des pays Arabes avec les accords de Camp David, sa situation ne cesse de dégringoler. Et il se peut que ce qui est arrivé hier soit le début de la sortie de l’Egypte et de tous les Arabes de ce sombre tunnel.

Les forces de sécurité ont peut-être réussi cette fois-ci à écraser les manifestants et à terroriser le peuple, en affichant sa force et en faisant descendre des dizaines de milliers de ses membres dans les rues et les grands carrefours. Mais la question reste ouverte concernant la prochaine étape et concernant les plans du gouvernement pour remédier à la crise croissante de la faim et pour satisfaire les besoins essentiels pour environ quatre-vingt millions égyptiens.

Du même auteur :

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- Liban 2006 : un aveu officiel de défaite

7 avril 2008 - Al Qods Al Arabi - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.alquds.co.uk/index.asp?f...
Traduction de l’arabe : Iyad


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