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La guerre en Irak est la plus grande imposture de l’Histoire

lundi 24 mars 2008 - 23h:00

Abd Al-Bari Atwan

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La guerre en Irak est la plus grande imposture de l’histoire et la principale victime de cette imposture, c’est le peuple irakien, puis la nation arabe, écrit Abd Al-Bari Atwan.

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Les coûts de la guerre américaine contre l’Irak sont terribles à la fois sur les plans humains, économiques et politiques. La volonté impérialiste d’accaparement des ressources irakiennes s’appuie sur une violence sans limites - Photo : AFP

Un mois environ après l’entrée des forces américaines à Bagdad et la chute du régime irakien, une compagnie pétrolière britannique (B.P) m’a invité à faire une conférence à Dubaï, devant un groupe d’experts réunis en colloque pour étudier les possibilités d’exploitation qu’offrait l’Irak après l’occupation, et quelle serait la physionomie du monde arabe, une fois le pays transformé en oasis de prospérité, d’opulence et, bien entendu, de démocratie.

Les participants, à l’exception de quelques experts arabes qu’on pouvait compter sur les doigts de la main, furent surpris par le sombre tableau que je dessinai de l’Irak après l’occupation, qui allait se transformer en une zone de chaos et de violences, parce que c’est un pays rude, réfractaire à l’occupation, qui possède un riche héritage de résistance aux envahisseurs. La consternation se lisait sur les visages aux yeux bleus et à la peau blanche, qui semblaient dire : qu’est-ce que ce bavardage ? Qui nous a amené ce spécialiste qui ne comprend rien à la région ?

J’appris par la suite que la compagnie avait ouvert une enquête sur l’affaire, que son président avait demandé le film de la conférence et que la personne qui m’avait fait venir risquait des remontrances et peut-être le licenciement.

Le deuxième incident survint lorsque Andrew Neel, journaliste britannique et animateur célèbre d’émissions politiques sur la chaîne télévisée BBC, m’invita à participer, en tant qu’intervenant de choix, à son émission hebdomadaire où était programmée la situation de l’Irak après la libération. Je traçai un tableau sombre de la situation, et il entra dans une colère noire, tandis qu’autour de la table se trouvaient également Michael Portillo, ex ministre britannique de la Défense , et Diana Abbott députée au Parlement. Il me dit textuellement : « Je vous assure que dans 18 mois (deux semaines après l’occupation), l’Irak sera devenu un symbole de démocratie, de prospérité économique dans tout le Tiers Monde ».

Je lui répondis : « Je vous assure que dans 18 ans, l’Irak sera toujours un état déliquescent, sans sécurité ni stabilité, lassé de la démocratie. » Et nous convînmes qu’il m’inviterait dans son émission, une fois écoulé le délai de 18 mois qu’il avait fixé, afin que nous voyions qui avait prévu juste et qui était dans le faux. A ce jour, Mister Andrew Neel n’a toujours pas rempli son engagement et à plusieurs reprises, il m’a rayé de son émission, alors que les producteurs s’étaient entendus avec moi pour que j’intervienne sur des sujets sans lien avec l’Irak, et cela parce qu’il ne veut pas me voir dans le studio ni nulle part ailleurs.

Le plus inouï, c’est ce que j’ai vécu en octobre 2003, soit six mois après l’invasion, lorsque le Club de la presse de Dubaï m’invita à participer à un colloque ; les organisateurs voulaient réchauffer l’atmosphère et la présidente du club, Mona Almarri, avait délibérément choisi feu Ahmed Al Rabae pour représenter la partie adverse, parce qu’elle connaissait nos relations conflictuelles à travers des débats sur certaines chaînes arabes.

Le colloque commença comme convenu puisque notre confrère Youssef Ibrahim, un américain d’origine égyptienne qui travaillait pour le New York Times prit, la parole, puis le docteur Ahmed Al Rabae ; lorsque arriva mon tour de parler, j’exprimai ma certitude que le peuple irakien allait résister à l’occupation, et ma confiance dans son solide sentiment national et son identité arabe, profondément enracinée, et je critiquai l’invasion américaine ; c’est alors que je fus pris à partie par le docteur Al Rabae, ainsi que par le groupe des rédacteurs en chef qui étaient en première ligne, et quelques Irakiens partisans de l’occupation qui agissaient sous la bannière de l’occupant, enrôlés à son service depuis plusieurs années, comme nous l’avons su plus tard. Ils dénoncèrent sans relâche, tout en me mettant sur le banc des accusés, les agents de Saddam Hussein, les fosses commune, le trafic de bons d’essence ; et le plus grave, c’est que pendant plus de quatre ans, on ne m’invita plus au colloque annuel du club de la presse .

Et ce que nous ne pourrons pas oublier, c’est que certains groupes et organisations koweïtiens allèrent, par l’intermédiaire de SMS, jusqu’à diffuser mon numéro de téléphone portable auprès de la plupart des abonnés au réseau koweïtien, en leur demandant de m’adresser, immédiatement après la chute de Bagdad, le plus possible d’injures et de sarcasmes. Les messages émanaient de gens de tous genres et de tous âges ; la plupart d’entre eux étaient d’une obscénité inimaginable de la part d’un peuple arabe et musulman, d’autant plus que certains venaient de femmes ou de jeunes filles, et cela jour et nuit, si bien que j’ai été contraint de demander un nouveau numéro de téléphone. Mais j’ai conservé tous les SMS sur mon ancien téléphone ainsi que le numéro de leurs auteurs, pour le souvenir, comme trace de l’état de notre nation et du lamentable niveau de langage, de civilité et de conversation où sont tombés certains de ses habitants.

Fait désolant : environ un mois après la chute de Bagdad, cinq lettres successives du l’ex président Saddam Hussein, écrites de sa main, sont arrivée sur le fax de notre journal ; il affirmait que la Résistance allait se poursuivre et assurait à la nation arabe que l’Iraq ne se soumettrait pas. Puis est venu le doute sur l’authenticité de ces lettres lorsque certains de ses proches se sont ralliés à l’armée américaine et ont changé leur fusil d’épaule en un temps record.

Je n’ai pas de pouvoirs surnaturels pour savoir ce que les autres ignorent, je n’ai pas de titre universitaire dans les sciences de l’avenir, je ne suis ni magicien, ni astrologue, ni géomancien ni devin. Mais l’expérience nous a appris que tous les peuples de la terre ont résisté et résistent à l’occupant jusqu’à ce que, défait, il retire ses troupes. Dans l’histoire du monde et en particulier l’histoire du monde arabe, les forces d’occupation n’ont jamais été victorieuses, et le sort de l’occupation israélienne en Palestine ne fera pas exception.

C’est le cinquième anniversaire de l’occupation de l’Irak, et nous ne voyons pas un seul de ces Irakiens qui dansaient de joie le jour de l’entrée des chars américains au c ?ur de la capitale d’Haroun el Rachid, se réjouir ou se congratuler avec ses semblables ; pas un seul pour dire que ce jour est le Jour de la Libération, comme l’a décidé l’assemblée de l’Autorité Irakienne qui, surgie immédiatement après l’occupation, a réuni la fine fleur de ceux qui ont conspiré contre leur pays, facilité l’invasion et se sont employés à lui fournir une couverture légale avec des turbans de différentes couleurs, de toutes confessions et de toutes origines.

Les réalisations les plus marquantes des dirigeants de l’Irak nouveau sont d’avoir supprimé les étoiles du drapeau irakien, pillé des dizaines de milliards sur les revenus du pétrole, favorisé l’éradication de l’identité irakienne et le morcellement confessionnel, répandu une culture de la mort, érigé des murs de séparations et des points de contrôle, généralisé la corruption, massacré le visage multiculturel du pays, poussé à l’exode la classe moyenne et procédé aux assassinats des professeurs.

Rien d’étonnant au fait que se multiplient les voix qui regrettent le régime de l’ex président Saddam Hussein, non pas par amour pour lui, mais par haine de la situation catastrophique dans laquelle est plongée le pays, sans sécurité, sans travail, sans stabilité... mais aussi sans eau, ni électricité, ni dignité personnelle ou nationale. Et les pires ennemis du régime précédent disent qu’il y avait au moins un régime, quitte à qualifier ensuite ce régime de dictatorial ou de répressif, alors que maintenant règne une anarchie sanglante et féroce.

Lorsque dans une interview au Wall Street Journal, Larry Lindsey conseiller économique du président Bush a évalué le coût de la guerre d’Irak à au moins 200 milliards de dollars, la Maison Blanche s’empressant de démentir cela vigoureusement, y voyant de l’exagération. Le néo conservateur, Paul Wolfowitz, vice-ministre de la Défense, l’un des principaux artisans de la guerre d’Irak, a déclaré que le pétrole irakien amortirait les dépenses de reconstruction et d’équipement. Et le ministre de la Défense, Donald Rumsfeld, d’affirmer que le coût de la guerre n’excèderait pas les cinquante milliards de dollars. Actuellement le Congrès américain estime le coût de la guerre à plus de dix fois les évaluations du malheureux conseiller, limogé par la Maison Blanche pour incompétence et inefficacité.

La guerre en Irak est la plus grande imposture de l’histoire et la principale victime de cette imposture, c’est le peuple irakien, puis la nation arabe, en particulier ceux de ses dirigeants qui y ont participé directement ou indirectement. Quant à nous, dans ce journal, nous n’avons jamais été dupes et nous avons dit que la véritable guerre débuterait après la chute de Bagdad, et non avant.

Il ne suffit pas d’énumérer les pertes ou de nous enfoncer dans les comparaison, ce qu’il faut c’est demander des comptes à tous ceux qui ont causé ce désastre, à commencer par le président Georges Bush, en passant par son allié Tony Blair, pour finir par la cinquième colonne irakienne.

Que les martyrs de cette guerre, dont le nombre s’élève à plus d’un million d’Irakiens, reposent dans leurs fosses communes avec l’assurance que des gens ne les oublient pas et veulent que soient châtiés tous ceux qui ont fait de leurs enfants des orphelins, qui ont détruit l’unité de leur pays et l’ont noyé dans le sang.

Du même auteur :

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18 mars 2008 - Al Quds Al Arabi - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.alquds.co.uk/
Traduction de l’Arabe : Anne-Marie


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