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Le fils qui était mort et celui qui ne l’était pas

dimanche 23 mars 2008 - 06h:24

Mohammed Omer - IPS

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Gaza - La famille était en deuil de son fils de 16 ans, Ahmed Abu Salamah. Les restes de ce qui semblait être son corps avaient été enterrés. Après une période de deux semaines de deuil, la famille a découvert qu’Ahmed était vivant dans l’unité de soins intensifs de l’hôpital d’al-Shifa de la ville de Gaza.

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Le corps d’un Palestinien assassiné par l’armée israélienne est transporté dans les rues de Gaza - Photo : Mohammed Omer

Mais un garçon avait été enterré. Et une autre famille avait passé deux semaines à l’extérieur des soins intensifs, pensant que le garçon qui s’y trouvait était le leur. Mais c’était leur garçon qui était mort.

La découverte de l’erreur a amené de la joie à la famille d’Ahmed Abu Salamah. Mais il a plongé la famille de l’autre garçon dans une douleur infinie. Cette famille s’était rassemblée dans l’hôpital et avait prié tous les jours pour le garçon en soins intensifs.

Une chose est ressortie de ce malentendu, quelque chose que tout le monde a compris. Le corps du garçon enterré avait été à tel point déchiqueté qu’il était devenu méconnaissable. Et il est de même avec le garçon en soins intensifs.

« Israël utilise des missiles et du matériel qui met en lambeaux et brûle au-delà de toute possibilité de reconnaissance les êtres humains qu’ils ciblent et ce, à tel point qu’une mère n’arrive pas à identifier le corps de son propre fils » raconte à IPS le Docteur Raed-al-Arini, le directeur des relations publiques de l’hôpital al-Shifa.

Israël utilise des matériaux interdits tels que le DIME (Dense Inert Metal Explosive)* et du phosphore blanc dit-il.

Ahmed souffre d’une hémorragie cérébrale et son corps est couvert de graves blessures. Il avait quitté la maison le 1er février raconte sa mère, et a été peu de temps après touché par un tir de missile d’un F-16 juste à l’extérieur de sa maison. Ce jour là, 55 Palestiniens ont été tués dont beaucoup de civils et d’enfants.

Durant trois jours, la famille ne trouvait aucune trace d’Ahmed. Puis elle a reçu un appel de l’hôpital disant que les restes d’un corps qui se trouvait à la morgue était celui d’Ahmed.

Mais deux semaines plus tard, les amis d’Ahmed ont prévenu sa mère Karima que son fils était toujours vivant. Elle s’est précipitée à l’hôpital. « J’ai secoué son lit et quand il a ouvert les yeux, je lui ai dis « c’est ta mère ; je suis ici avec toi ».

Mais l’autre côté de l »histoire est encore celui d’un deuil qui a suivi un espoir.

Le corps complètement mutilé que la famille Salamah avait enterré était celui de Mohammed Hejazi, un garçon de 17 ans du même quartier. La mère de Mohammed, Aminah Hejazi et sa famille sont restés chaque jour pendant deux semaines à l’extérieur de l’unité de soins intensifs, pensant que le garçon dans cette unité était leur fils Mohammed.

Le visage d’Ahmed est recouvert de bandages. Les garçons avaient à peu près la même taille et la famille Hejazi pensait que c’était Mohammed. « Au début, je me suis demandée si c’était vraiment mon fils, mais de toutes façons j’ai ressentie le besoin d’être à ses côtés. » raconte Aminah. Mais les jours passants, elle dit qu’elle s’est mise à croire qu’il était vraiment son fils jusqu’au moment où l’autre famille est arrivée à l’hôpital et que les docteurs lui ont annoncé la nouvelle.

Aminah sanglote en racontant ce moment. La famille est brisée dit-elle. Son mari ne veut pas croire que Mohammed soit mort.

Tout comme la famille Salamah avait fait plus tôt, la famille Hejazi a monté une tente de deuil afin de recevoir les condoléances des amis et des voisins. De l’autre côté, beaucoup d’amis d’Ahmed qui avaient pensé qu’ils ne le reverraient jamais plus après l’enterrement, passent leur temps à aller à l’hôpital pour le voir.

Ahmed ne peut pas parler à ses amis. Il est conscient, ses yeux sont ouverts, mais il est paralysé et il est dans un état critique. Les docteurs disent qu’ils manquent de médicaments pour le soigner.

Aminah pleure la mort de son propre fils et prie pour le garçon qui a survécu. « Je prie pour que Dieu le guérisse » dit-elle en pleurs.

* Le DIME est un nouvel armement à base de carbone et de tungstène. Il est très performant pour détruire des cibles humaines tout en ne causant que peu de dégâts dans un rayon très limité de quelques mètres. Les blessures provoquées sont très difficiles à traiter en raison du grand nombre d’éclats microscopiques projetés ce qui exige généralement des amputations.
Ce nouvel armement aurait été utilisé à Gaza en 2006 lors de l’opération « Pluie d’Eté » mais Israël dément.

22 mars 2008 - IPS (Inter Press Service News Agency) - Vous pouvez consulter cet article à :www.ipsnews.net/news.asp?idnews=41684
Traduction de l’anglais : Ana Cléja


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