Les négociations sur une trêve entre Israël et le Hamas, par l’entremise de l’Égypte, ont pour l’instant survécu mais en alimentant les soupçons entre le Fatah et le Hamas.

Malgré le calme précaire qui règne dans Gaza suite au ralentissement des agressions israéliennes, la Cisjordanie a son lot quotidien d’incursions, de kidnappings et de destructions - Photo : AFP

Les négociations sur une trêve entre Israël et le Hamas, par l’entremise de l’Égypte, ont pour l’instant survécu malgré les perturbations à l’accalmie temporaire qui règne sur le front des opérations armées à Gaza.

Mais ce faisant, elles ont alimenté les suspicions et la rivalité entre le mouvement de résistance islamique et l’Autorité Palestinienne représentée par le Fatah.

Les assassinats d’activistes du Jihad Islamique et des brigades des martyrs d’Al-Aqsa par Israël mercredi dernier en Cisjordanie ont renforcé en Palestine la perception que Tel-Aviv instrumentalise les négociations dans le seul but de semer la suspicion entre des groupes palestiniens alliés.

L’envoi de roquettes sur le sud d’Israël par le Jihad islamique a suscité un raid israélien sur la bande de Gaza et mis à l’épreuve l’alliance entre le Hamas et ce groupe, ainsi que la capacité du Hamas à contrôler le lancement de roquettes par ce groupe.

Les assassinats pouvaient aussi avoir pour but de faire apparaître le Hamas comme négociant avec l’optique de ses seuls intérêts politiques, aux dépens d’autres groupes - une conclusion déjà annoncée et promue par l’Autorité palestinienne qui a été tenue à l’écart des négociations.

Mahmoud Abbas, le Président palestinien, qui avait donné initialement son accord pour la médiation égyptienne, semblait excédé par la perspective se profilant à travers ces négociations ; une reconnaissance israélienne de deux gouvernements palestiniens distincts - un dans la bande de Gaza et un en Cisjordanie.

Lors d’une rencontre avec des reporters en Jordanie, Abbas a accusé le Hamas de vouloir arriver à un accommodement avec Israël lui garantissant que les chefs du Fatah seront désormais les nouvelles cibles des assassinats politiques perpétrés par Israël.

Selon des reporters qui ont assisté à la rencontre, Abbas paraissait en colère, insistant que le Hamas était en train d’utiliser les négociations sur la trêve pour atteindre un accord plus large, écartant ainsi l’autorité palestinienne et la remplaçant même comme partenaire principal dans les négociations avec Israël.

Les attaques transfrontalières

Niant les accusations, Hamas a argumenté que ses attaques à la roquette ont forcé Israël à reconnaître son impact et à arrêter les raids sur Gaza alors que Abbas a échoué, jusqu’à présent, à arrêter les incursions israéliennes en Cisjordanie.

Alors qu’ils ne revendiquent pas l’attaque de la semaine dernière sur un séminaire juif d’extrême droite à Jérusalem ayant fait huit morts parmi les étudiants, les officiels du Hamas croient pourtant que la fusillade fut cruciale dans la décision qui a mené Israël à engager des pourparlers pour une trêve, laissant Abbas apparaître comme étant incapable de protéger les Palestiniens en Cisjordanie.

Israël a justement semblé approuver ce dernier point en aggravant ses incursions militaires dans plusieurs communautés en Cisjordanie mercredi dernier, faisant plusieurs arrestations parmi les militants palestiniens recherchés et laissant cinq morts.

Mais derrière la bravade du Hamas et les accusations de Abbas se cache une histoire plus complexe.

Alors que chacune des deux principales factions craint que l’autre n’arrive à un accord avec Israël, elles sont en contact constant, à travers les médiateurs, pour reprendre des discussions en vue d’une réconciliation.

Réconciliation

Le paradoxe est que les deux principaux protagonistes, le Hamas et le Fatah, essaient de consolider leur autorité sur une terre fragmentée par l’occupation israélienne, tout en reconnaissant que leurs divisions sont préjudiciables pour le peuple palestinien.

Chaque côté garde alors l’option de la réconciliation ouverte, pour ses finalités propres.

Pour Abbas, un accord de réconciliation signifie la réaffirmation de la responsabilité de l’Autorité palestinienne sur la Cisjordanie et Gaza alors que pour le Hamas un accord de réconciliation devrait amener la reconnaissance de son pouvoir politique et la fin du contrôle absolu exercé par le Fatah sur les institutions gouvernementales palestiniennes.

Les deux buts peuvent ne pas être mutuellement exclusifs, mais pour le moment ce sont la peur et la suspicion - aggravées par les négociations sur la trêve impliquant la reconnaissance par Israël du règne de Hamas à Gaza - qui dominent les relations.

L’entente qui a amené le calme vendredi soir à Gaza, suivant la fusillade de Jérusalem, est censée expirer ou alors être renouvelée, dépendant de l’issue des médiations en cours.

Le Hamas attend des réponses pour un ?accord forfait’ qui l’amène à arrêter le lancement des roquettes sur Israël en échange d’un arrêt de toutes les opérations militaires israéliennes, la levée du blocus de Gaza, et la réouverture du passage de Rafah et des autres passages.

Les officiels de l’Autorité Palestinienne craignent qu’il n’y ait plus dans l’’accord forfait’ que ce que le Hamas prétend - ils soupçonnent le Hamas d’être prêt à accepter une ouverture unilatérale du passage de Rafah avec l’Égypte sans impliquer l’Autorité dans la supervision de ce point de frontière.

Abbas ne s’attend pas à ce que Israël accepte un cessez-le-feu sans impliquer l’Autorité palestinienne, mais suspecte le Hamas de poursuivre exactement ce but tout en se passant de l’Autorité palestinienne.

Les officiels du Hamas ont réitéré que Abbas reste le président légitime du peuple palestinien, mais cela n’a pas suffi à dissiper les soupçons que ce groupe - qui a réussi par la lutte à arracher au Fatah le contrôle de la sécurité à Gaza en juin dernier - est occupé à saper l’autorité de Abbas.

Israël ambigu

Pendant ce temps, Israël reste ambigu. Publiquement, il refuse de parler au Hamas alors qu’il a en fait engagé des négociations indirectes avec le groupe, laissant Abbas conjecturer dans un suspense inconfortable.

Un officiel du Hamas appelle le calme actuel "l’accalmie de l’anxieux".

Le Hamas médite sur ses options politiques et militaires et sur comment utiliser une trêve avec Israël pour consolider sa nouvelle, mais potentiellement temporaire, vigueur politique pour réorganiser ses militants dans la perspective d’une agression israélienne renouvelée.

Israël, quant à lui, a jusqu’à maintenant utilisé la période de calme pour créer plus de suspicions entre le Fatah et le Hamas en laissant chacune des factions conjecturer sur ses plans militaires et politiques, bénéficiant ainsi du manque de communication entre les deux parties.

Un article récent écrit par Robert O’Malley (International Crisis Group) et Hussein Agha, ancien conseiller de l’Autorité palestinienne, analyse comment Israël, le Hamas et l’Autorité sont pris dans un noeud de relations réciproques de peur mutuelle et perpétuelle.

Les auteurs montrent comment Israël a peur d’un accord Hamas-Fatah /Autorité palestinienne, alors que l’Autorité a peur d’un accord Hamas-Israël, et le Hamas d’un accord Autorité palestinienne/Fatah-Israël.

Ils concluent que les trois parties peuvent être chacune assurée qu’il y a très peu ou pas de chances pour un accord entre n’importe laquelle des paires des trois parties

Par contre, aucun accord n’est nécessaire, ni entre les factions palestiniennes, ni entre aucune d’elles et Israël, pour perpétuer les peurs des deux factions rivales palestiniennes.

Le Hamas est suspicieux vis-à-vis de tout nouvel arrangement sécuritaire avec Israël ou les Etats-Unis qui a pour but de l’anéantir.

De son côté, l’Autorité palestinienne a peur autant de l’appui iranien au Hamas que d’un accord de sécurité entre le Hamas et Israël qui entérinerait et formaliserait la division politique entre Gaza et la Cisjordanie.

Ceci laisse Israël avec les mains libres pour jouer un côté contre l’autre et se jouer des deux à la fois pendant que le Hamas attend des réponses des négociations sur la trêve et l’Autorité palestinienne attend la reprise des pourparlers de paix.

La réaction en Cisjordanie

L’état élevé de nervosité était clairement palpable dans les réactions des deux parties aux incursions israéliennes en Cisjordanie.

En interrogeant les officiels du Hamas le journaliste est informé que les incursions sont un témoignage autant de la complicité de l’Autorité palestinienne que de la faiblesse du gouvernement de cette Autorité, si ce n’est sa faillite annoncée.

Un officiel de l’Autorité palestinienne, alignée sur le Fatah, explique toutefois les incursions comme une indication sur le fait que le Hamas et Israël sont proches d’un accord.

L’objectif principal d’Israël de faire pression sur les leaders palestiniens pour qu’ils cessent toute forme de résistance sur leur propre territoire, sans s’occuper des droits nationaux des Palestiniens, est souvent absent des analyses. Et son absence nous apparaît comme un oubli volontaire et une étroitesse de vue.

Une semaine de calme sur le front à Gaza est aussi en train de devenir une opportunité manquée pour capitaliser sur le renouvellement du sentiment d’unité populaire palestinienne nourri par une semaine qui fut témoin de la pire des agressions israéliennes contre le peuple palestinien assiégé.

* Lamis Andoni est analyste politique à Al Jazeera

Du même auteur :

 Financer l’occupation
 Les Palestiniens aspirent à l’unité

12 mars 2008 - Al Jazeera.net - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/NR/exe...
Traduction de l’anglais : Sophia - http://lespolitiques.blogspot.com/