Siège de Gaza : témoignage (5) - La ferme florale d’Hassan Sheikh Hijazi
mardi 26 février 2008 - 05h:55
PCHR Gaza
Lorsque Hassan Sheikh Hijazi a débuté sa ferme de production de fleurs en 1991, elle était florissante.
« Notre affaire familiale marchait très bien » dit-il. « Nous exportions des centaines de milliers de fleurs au Pays Bas et de là elles étaient vendues à travers toute l’Europe. Les marchands reconnaissaient que nos fleurs étaient de bonne qualité et Gaza était ouverte au commerce ».
- Hassan Sheikh Hijazi est dans l’incapacité de vendre ses fleurs...
Le climat côtier étant doux et la terre bien drainée, la Bande de Gaza est un lieu idéal pour cultiver commercialement des fleurs. Il y a plus d’une centaine de petites fermes de fleurs dans toute la Bande de Gaza, fermes qui emploient quelques 7.000 ouvriers agricoles.
La majorité des fermes sont situées autour de Beit Lahia dans le nord de la Bande ; mais Hassan Hijazi et sa famille vivent juste en dehors de Rafah, dans le sud de la Bande de Gaza où ils possèdent une petite ferme florale de 2.4 hectares. Ils font pousser des ?illets et des chrysanthèmes. Après plus de 17 ans comme fermier de fleurs commercial, Hassan est aujourd’hui le dirigeant de l’Union local des Cultivateurs de Fleurs.
« Il y a 10 ans, les cultivateurs de Gaza exportaient 80 millions de fleurs par an en Europe, y compris des roses » raconte-t-il. « Mais ces dernières années ont été extrêmement difficiles et cette année a été encore pire. J’ai exporté cette année exactement 20.000 fleurs à cause des bouclages. J’ai perdu plus d’un million de shekels, mais chaque ferme florale a connu le même sort. Nous perdons tous de l’argent maintenant ».
Le chiffre d’affaires moyen de l’industrie commerciale des fleurs de Gaza est de 13$ millions.
Mais cela coûte plus de 5$ millions aux cultivateurs pour planter et entretenir leurs fleurs, chaque kilomètre carré (dunam) coûte environ 30.000 shekels (7.500$) pour la plantation et 1.000 shekels de plus (250$) pour les entretenir. Une bonne année peut donner jusqu’à 120.000 fleurs par dunam. Selon l’Autorité Palestinienne, 45 millions de fleurs coupées ont été exportées de Gaza en 2006 se qui représente plus de 3% de toutes les exportations.
Mais cette année, selon l’Association Agricole de Beit Hanoun, les cultivateurs de Gaza n’ont eu le droit d’exporter que 5.5 millions de fleurs coupées, rapportant un profit total de 28.000$ à répartir entre eux. Les bouclages ravagent l’industrie commerciale de fleurs, certains fermiers, n’ayant plus les moyens de les faire pousser, n’ont pas d’autre choix que d’arracher des milliers de fleurs. Ces dernières semaines, des manifestations ont eu lieu à Beit Hanoun et à Rafah. Pour symboliser les pertes injustifiées de leur travail, les cultivateurs ont offert des bouquets aux femmes et aux filles et ont nourris les vaches et les chèvres de brassés de fleurs coupées.
Ahmed Fujou travaille depuis 13 ans sur la ferme d’Hassan Hijazi. Il propose de nous faire faire le tour de la ferme. Nous déambulons le long d’un chemin boueux et en moins de 10 minutes, nous nous retrouvons entourés de rangées de serres remplies d’ ?illets (prêtes à l’export).
« Nous possédons 50 différentes teintes d’ ?illets » dit Ahmed tandis que nous nous promenons entourés de fleurs rouge et blanche, jaune et rose. « Nous aurions dû cueillir toutes ces fleurs, mais cela ne servirait à rien. Nous ne pouvons même pas vendre les fleurs cueillies. Je vais vous montrer ».
Ahmed nous guide à l’intérieur de l’entrepôt de la ferme vers une immense chambre frigorifique industriel. Quand il ouvre la porte, on voit qu’elle est remplie d’ ?illets et de chrysanthèmes d’une variété de couleurs inimaginables. « Il y a plus de 100.000 fleurs ici » explique Ahmed. « Mais nous ne pouvons pas les exporter à cause des bouclages. Nous avons une autre chambre réfrigérée avec la même quantité de fleurs. Nous espérions pouvoir au moins exporter certaines d’entre elles. Mais Gaza est bouclé, alors nous allons devoir éteindre les réfrigérateurs et donner ces fleurs au bétail. Nous n’avons même plus les moyens de payer les factures d’électricité ». Le bouclage de Gaza a provoqué un déficit d’électricité journalier dans toute la Bande de Gaza.
Nous retournons boire un café dans la maison d’Hassan où nous rencontrons son fils Mohammed. « Mon père a aujourd’hui 60 ans » dit Mohammed. « Il devrait être en train de profiter de sa retraite mais au lieu de cela, il va devoir liquider sa ferme. Mais cette affaire ne concerne pas que mon père : il s’agit de la destruction de Gaza ».
Hassan et Mohammed Hijazi disent qu’ils sont en colère et frustrés du fait qu’Israël est réellement en train de tuer toute l’industrie agricole de la Bande de Gaza. Mis ils considèrent également que l’Autorité palestinienne et l’Union Européenne ont leur part de responsabilité en étant restés silencieux face à ces bouclages permanents.
« Honte à Israël » dit Mohammed Hijazi. « Mais honte aussi à l’Autorité Palestinienne. Mon père représente beaucoup de fermiers locaux dans le sud de la Bande mais personne du Ministère de l’Agriculture ne nous a même contactés pendant cette crise. Et honte à l’Union Européenne car elle non plus n’a rien fait. Pourquoi restent-ils silencieux et permettent-ils que cela nous arrive ? Dites moi : quel risque y-a-t-il à exporter des fleurs ? »
Lisez les autres témoignages :
24 février 2008 - PCHR Gaza - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.pchrgaza.org/files/campa...
Traduction : Ana Cléja