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Irak : Blackwater et ses soeurs

lundi 4 février 2008 - 05h:57

Ghassan El-Ezzi - Confluences Méditerranée

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Le 19 septembre dernier, le gouvernement irakien a annoncé que la société américaine Blackwater se verrait retirer son autorisation et que la législation concernant les sociétés de sécurité privées, nationales et étrangères, serait révisée.

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Blackwater : un groupement de psychopates raciste et violents

Cette décision fait suite à « l’agression brutale perpétrée par des employés de Blackwater contre des citoyens irakiens, causant la mort de plusieurs civils innocents », selon Ali Addabagh, porte-parole du chef du gouvernement, Nouri Almaliki ; le ministère de l’Intérieur, a-t-il ajouté, allait mener une enquête sur les circonstances de l’évènement et présenter le dossier à la justice.

La société s’est défendue en disant que ses membres avaient ouvert le feu alors que leur convoi subissait une attaque armée et que des civils avaient été touchés par erreur (dix au moins ont été tués). Lors d’un entretien avec Almaliki, Condoleeza Rice a présenté des excuses mais la société a poursuivi ses activités, sans être inquiétée ni se voir retirer son autorisation, comme l’avait annoncé le gouvernement irakien, apparemment impuissant face aux sociétés privées américaines qui travaillent sur le sol irakien et sont tenues de se plier à la loi irakienne, malgré leurs accords avec les forces d’occupation américaines.

Ainsi une société de sécurité privée serait plus forte que le gouvernement irakien ? N’est-ce pas étonnant ? En ce qui concerne seulement l’Irak, les sociétés de sécurité emploient plus de cent mille hommes -militaires et civils-, ce qui fait d’elles la seconde armée d’occupation après l’armée américaine. Leurs tâches vont de la protection des diplomates et des hommes politiques, la formation, l’édification de barrages, l’interrogatoire des détenus jusqu’à la réalisation d’opérations militaires d’envergure.

Leur existence devint célèbre quand, en 2004, quatre de leurs membres furent assassinés à Fallouja et leurs cadavres carbonisés exposés sur les piliers d’un des ponts de la ville. Cette image, diffusée par les médias internationaux, conduisit les Marines à mener une vaste offensive contre Fallouja.

Les sociétés militaires privées, comme les autres sociétés, recherchent le profit, mais traditionnellement, elles vendent des services qui sont placés sous la responsabilité des forces armées nationales. Les sociétés de ce genre ont fleuri après la fin de la Guerre froide, avec le souffle de la mondialisation libérale, opérant dans plus de cinquante régions sensibles dans le monde, notamment là où il y a une présence américaine, Washington ayant signé plus de trois mille contrats avec de semblables sociétés dans les dix dernières années.

Ainsi le contribuable américain est-il, au fond, le principale bailleur de fonds de ces sociétés dont l ?importance augmente au point de compromettre, au moins en partie, les forces armées régulières. Cette industrie est restée largement dans l’ombre jusqu’en 2001, quand un avion de la CIA a abattu par erreur, au-dessus du Pérou, un avion civil qui transportait plusieurs mercenaires américains ; il s’est avéré par la suite que cet avion de la CIA était utilisé sous contrat par une société privée, la société « Aviation Development Corp ». Lorsque, à l’automne 2003, des combattants palestiniens tuèrent trois Américains à Gaza, , il s’avéra que les trois hommes travaillaient pour une société militaire privée , « Dyn Corp » venant de Virginie.

Sur le modèle des hommes d’affaires et des commerçants, les ministères de la défense, de l’Intérieur, et les forces de sécurité et de renseignements des grandes puissances ont recours aux services de ces sociétés de sécurité privées dont le revenu, dépasse, aux seuls Etat Unis, les cent milliards de dollars par an et qui sont soutenues par les lobbies et les groupes de pression influents à Washington. Dans la seule année 2001, dix sociétés militaires privées ont dépensé 32 milliards de dollars dans des opérations de lobbying et offert 12 milliards de dollars aux partis officiels à Washington.

Fondée en 1998, la société Blackwater a son siège en Caroline du Nord ; considérée comme une des société influentes ; elle emploie des dizaines de milliers d’hommes qui opèrent dans toutes les parties du monde ; elle possède un armement très sophistiqué et une petite flotte qui mouille dans le port de Norfolk ; elle remplit des missions délicates sur le sol même des Etats-Unis : ainsi, elle forme les membres de la Sécurité et de la Police aux rafles et à la libération des otages.

L’Irak occupé constitue une véritable mine d’or pour ces sociétés dont les tâches vont assurément continuer à se développer avec l’échec américain à contrôler la situation. Elles contribuent à alléger le coût politique de l’occupation et à pourvoir au besoin croissant de soldats de réserve et d’alliés. Elles ne sont pas tenues de publier leurs pertes en hommes et en matériel, leurs activités, leurs effectifs, la nature de leurs équipements et de leurs armes, etc. Employant des ressortissant de dizaines de nationalités, elles fournissent à l’administration Bush une alliance internationale d’un genre différent en Irak, bien supérieure en nombre à toute force alliée régulière.

Si elles demandaient des rémunérations élevées pour leurs services,- ce qui serait naturel en regard des dangers immenses auxquels elles sont confrontées-, cette dépense ( (le contrat de Blackwater en Irak atteint cinq cent millions de dollars par an pour un effectif de 20 000 hommes), resterait plus rentable, du moins sur le plan politique, que l’envoi de davantage de troupes régulières sur le champ de bataille. N’oublions pas que les dirigeants politiques et les officiers supérieurs en place à Washington possèdent ces sociétés où ils occupent des postes importants.

Mais comme le but sacré de ces sociétés est de gagner beaucoup d’argent, la morale et la discipline ne font pas partie de leurs principes. Elles traitent les gens avec une brutalité barbare et en Irak, circulent des récits terrifiants au sujet du comportement de leurs membres désignés par les termes de « Mossad » ou de « chiens de guerre ».

Et pour de l’argent, ceux-ci peuvent se retourner contre leurs maîtres. Selon le Washington Post , le Procureur général de Raleigh en Caroline du Nord -où se trouve le siège de Blackwater- détient suffisamment d’indices pour accuser cette société de trafic d’armes en direction de l’Irak où des organisations considérées comme terroristes les utilisent. Le journal « News Observer » publié en Caroline, a révélé que deux employés de la société avaient reconnu leur implication devant le juge d’instruction. Le député démocrate Henry Waxman a accusé l’inspecteur général du Département d’Etat, Howard Krongard, d’entraver les investigations lancées pour établir si « une grande société de sécurité privée » travaillant pour le compte du Département d’Etat faisait entrer clandestinement des armes en Irak » .

On objectera qu’il n’y a là rien de nouveau. Depuis la nuit des temps, les empires font appel aux services de mercenaires, à ceci près que, une fois qu’ils sont recrutés, leur activité est assujettie à la loi. Ce qui est nouveau, c’est que par le biais de ces entreprises, les armées régulières sont intégrées dans l’économie de marché libérale, ce qui conduit, dans tous les sens du terme, à un bouleversement dans la guerre avec, en toile de fond, l’amenuisement des prérogatives et du rôle de l’Etat, et peut-être même de son existence, en tant qu’unique détenteur de la violence légale, selon l’expression de Max Weber.

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24 septembre 2008 - Confluences Méditerranée - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduit de l’Arabe par Anne-Marie


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