Vie et faune dans la vallée du Jourdain
jeudi 24 janvier 2008 - 06h:24
Henry Martin - The Electronic Intifada
« Les Palestiniens ont une société pour la faune ? » demandèrent les soldats, incrédules...
...« A eux ? ».
« Oui, bien sûr. »
- Les collines à l’est du village de Tubas mènent à la vallée du Jourdain.
(Photo : Anna Baltzer)
La Société pour la faune de Palestine (PWLS) a récemment posé 64 nichoirs pour les effraies et les crécerelles dans la vallée du Jourdain, dans la région du village d’Atuf. Imad F. Atrash, directeur de la société, a organisé une manifestation publique, ce 2 janvier 2008, afin de fêter la réalisation de ce projet, dans l’école d’Atuf.
Au même moment, on a entendu des tirs de l’armée israélienne qui faisait des exercices à moins de quinze cents mètres de là. Comme les bénévoles installaient la sono et l’exposition, une jeep de l’armée israélienne est passée sans s’arrêter, sans doute intriguée par le rassemblement.
Atrash a parlé de son voyage depuis Bethléhem jusqu’ici, en vallée du Jourdain, en passant par le check-point al-Hamra. Il avait été arrêté par les soldats qui voulaient savoir pourquoi il se déplaçait dans le secteur. Il leur a parlé de son emploi à la Société pour la faune de Palestine. « Les Palestiniens ont une société pour la faune ? » demandèrent les soldats, incrédules. « A eux ? ». « Oui, bien sûr » leur a-t-il répondu.
Les affiches et les panneaux d’information risquaient de s’arracher sous les rudes coups du vent d’est du désert, des enfants ont commencé à se rassembler et à s’y intéresser alors que l’installation prend tournure. Pendant que des orateurs interprétaient l’hymne national de Palestine, les anciens de la région se sont rassemblés avec les notables de l’Autorité palestinienne, notamment le ministre de l’Environnement et le gouverneur de Tubas, bien fier dans sa robe couleur or, une rose à son revers.
Les discours qui commémoraient les nichoirs ont réussi à parler non seulement de l’occupant et de la grandeur de Mahmoud Abbas et de Yasser Arafat (aucun des deux n’est pourtant réputé pour son altruisme pour les oiseaux), mais encore de la guerre du Vietnam et de la révolution en Union soviétique.
L’ensemble s’est ensuite rendu à pied dans l’un des champs tout proches. Les bénévoles ont récupéré deux nids de hiboux pour les montrer à la foule, et Atrash a donné sa conférence (ce qui a plus à voir avec l’initiative) sur les façons dont les chouettes construisent leurs nids et se nourrissent, expliquant l’importance de la population de hiboux pour le monde agricole. Tout aussi importante, la sensibilisation pour créer des sites de nidification. Il existe des superstitions chez les gens de la région selon lesquelles les hiboux porteraient malheur.
Toutefois, le projet ne se préoccupe pas en priorité du bien-être des oiseaux de proie palestiniens. Les oiseaux remplissent un rôle important pour la réduction du nombre d’insectes nuisibles qui font des dégâts dans les cultures, de sorte que le programme Hibou est une manière de permettre aux fermiers d’être moins dépendants des pesticides.
Le projet est financé par l’USAID, l’agence des Etats-Unis pour le développement international. L’USAID a suscité beaucoup de critiques pour utiliser son aide comme arme politique, refusant les pays qui n’acceptent pas de rentrer dans la ligne politique américaine. Le combat féroce pour le pouvoir interne dans les territoires occupés palestiniens a laissé le Fatah au pouvoir, avec son président soutenu par les Etats-Unis, Mahmoud Abbas, en Cisjordanie. Depuis lors, l’aide pour la région s’est considérablement accrue. La bande de Gaza, par contre, avec son gouvernement élu du Hamas, provocant, a été mise en état de siège comme jamais auparavant par Israël et la prétendue communauté internationale.
Nous avons tourné dans la région avec Atrash, à la recherche d’oiseaux de la vallée du Jourdain. La région est un paradis pour la faune de Palestine qui accueille un demi milliard d’oiseaux migrateurs chaque année. La Palestine, située entre trois continents, constitue un goulet d’étranglement pour les oiseaux.
En quelques minutes, nous avons repéré des alouettes huppées, des vanneaux, des petits hiboux, des crécerelles et des milans noirs. Cependant, bien que nous observions les oiseaux, ce qu’on voyait le plus dans la région était l’occupant. Entre l’école et la colonie israélienne illégale, les Israéliens ont creusé une tranchée géante, empêchant ainsi les agriculteurs d’accéder à leurs champs. Comme nous rentrions, le long de la route, on pouvait voir les restes de cinq ou six maisons détruites. Elles avaient été démolies récemment par les bulldozers israéliens parce que leurs habitants avaient eu l’infortune de naître dans une région que les Israéliens ont déclaré « zone militaire fermée ».
Telle est la vie en Palestine. La vie continue, la Société pour la faune de Palestine fait son travail et les communautés se battent pour joindre les deux bouts, pendant que les Israéliens mènent leur guerre larvée contre les habitants.
Henry Martin est engagé dans le mouvement de solidarité avec la Palestine depuis 2002, quand il s’est rendu en Cisjordanie avec ISM ([International Solidarity Movement). Depuis, il travaille sur des projets de solidarité sur le terrain, tant en Cisjordanie qu’au Royaume-Uni, avec ISM, le Programme ?cuménique d’accompagnement en Palestine et Israël (EAPPI) et Stop the Wall. Il est actuellement basé à Tubas où il fonctionne avec Brighton Tubas Friendship and Solidarity Group.
Pour plus d’infos sur la Société pour la faune de Palestine : http://www.wildlife-pal.org/.
Depuis la vallée du Jourdain - Live from Palestine - 23 janvier 2008 - The Electronic Intifada - traduction : JPP