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George W. Bush au chevet de son Grand Moyen-Orient

mercredi 9 janvier 2008 - 16h:47

Pierre Barbancey - L’Humanité

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Le président américain arrive aujourd’hui à Jérusalem pour une tournée éminemment stratégique sur l’une des zones les plus explosives de la planète.

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George W. Bush

George W. Bush est attendu, à partir d’aujourd’hui, en Israël et en Cisjordanie, pour la première fois depuis son accession à la Maison-Blanche, il y a sept ans. Un voyage événement donc, qui le conduira également en Arabie saoudite, en Égypte, au Koweït, à Bahreïn et aux Émirats arabes unis. Ce ne sera pas une sinécure pour l’hôte de la Maison-Blanche, loin s’en faut. Il avait d’ailleurs jusque-là soigneusement évité de s’investir personnellement dans le règlement du conflit israélo-palestinien, s’en désintéressant presque totalement lors de son premier mandat et s’appuyant surtout sur sa secrétaire d’État, Condoleezza Rice, par la suite. Celle-ci n’est sans doute pas étrangère à ce regain d’attention au plus haut niveau de l’administration américaine. Elle a, semble-t-il, convaincu son patron qu’il était temps de lâcher du lest sur cette question si les États-Unis ne voulaient pas être totalement abandonnés par leurs derniers alliés dans la région.

Pour certains, le mobile réel de George W. Bush est d’utiliser ses derniers mois à la Maison-Blanche pour tenter de rehausser un héritage diplomatique qui risque fort de n’être caractérisé que par la désastreuse aventure irakienne. « Bush se dit : "Si je peux résoudre le problème alors que Clinton et Carter et que mon papa ne l’ont pas pu, quel merveilleux héritage diplomatique je laisserais" », explique l’analyste politique Shirley Anne Warshaw. « Même s’il échoue, il pense qu’on lui saura gré d’avoir essayé. »

Zone stratégique pour les intérêts américains

Il y a peut-être un peu de cela, mais l’explication est courte. Les intérêts politiques et financiers en jeu sont trop importants pour n’être ramenés qu’à un simple problème d’ego. En revanche, les difficultés depuis la formulation puis la mise en oeuvre de la nouvelle stratégie américaine au Moyen-Orient apparaissent beaucoup plus crédibles comme explication de l’investissement personnel du président américain qui, s’il quittera ses fonctions en janvier 2009, gardera toujours un pied dans la politique et l’autre dans la finance. Deux pôles pas si éloignés, et surtout du Moyen-Orient, caverne d’Ali Baba pour les compagnies pétrolières mais aussi zone stratégique pour les intérêts américains, aux portes de la Chine et aux frontières de la Syrie, de l’Iran et des républiques d’Asie centrale.

À n’en pas douter, Bush croit toujours à cette idée énoncée en 2000, après l’effondrement de l’URSS mais avant le 11 septembre 2001, par un think tank, le « project for a new american century », selon laquelle il fallait « traduire la supériorité militaire des États-Unis en prééminence géopolitique ». De là est née la fameuse « doctrine Bush », dont la déclinaison concernant le Grand Moyen-Orient (du Maroc au Pakistan), approuvée quasiment en l’état lors d’un sommet du G8 à Sea Island, en juin 2004, consistait à amener la bonne parole aux troupeaux égarés que sont les peuples arabes, à savoir la liberté, la démocratie et, bien sûr, la libre entreprise !

Montée en puissance des mouvements islamistes

Les travaux pratiques ont commencé dès 2001, avec l’invasion de l’Afghanistan, et se sont poursuivis avec celle de l’Irak en 2003, et pourraient continuer en Iran. La « démocratie » installée dans ces pays éclate chaque jour par bombes et résistances interposées. Et dans les pays où se déroulent des élections, la montée en puissance des mouvements islamistes est aussi éclatante : Frères musulmans en Égypte, Parti de la justice et du développement au Maroc, Hezbollah au Liban (dont l’aura dépasse les frontières libanaises et du monde chiite après l’échec de la guerre menée par Israël l’été 2006), et bien sûr le Hamas dans les territoires palestiniens. De quoi certainement remettre au goût du jour chez certains édiles américains la fameuse phrase de Kissinger prononcée après la victoire d’Allende au Chili, en 1974 : « Je ne vois pas pourquoi nous devrions attendre sans bouger qu’un pays devienne communiste à cause de l’irresponsabilité de son peuple. »

C’est dans ce contexte que George W. Bush arrive à Jérusalem. En novembre, à Annapolis, lors d’une conférence qu’il avait lui-même convoquée, il s’est engagé à relancer le processus de paix en écartant tous les autres, y compris ceux qui faisaient partie du « quartet » (Russie, Union européenne, ONU et États-Unis). Il cherche ainsi à régler le problème majeur de la région (même si l’administration américaine refuse de le reconnaître) et tente de maintenir une certaine cohésion autour de la présence américaine sur place, pour le présent et pour l’avenir. Ce qui est loin d’être gagné.

En fait de processus de paix, Palestiniens et Israéliens se rencontrent régulièrement pour constater que rien n’est possible. D’autant que Tel-Aviv se moque comme d’une guigne des engagements pris. Ainsi, l’occupation se poursuit, la colonisation s’étend et les raids militaires sur Gaza comme à Naplouse se multiplient, obérant toujours plus la capacité des dirigeants palestiniens à défendre la voie diplomatique de leur peuple.

Dans un entretien publié vendredi par le quotidien Jerusalem Post, Ehud Olmert a affirmé que George Bush « ne fait pas une seule chose pour laquelle je ne serais d’accord. Il ne soutient aucune initiative à laquelle je sois opposé et ne dit rien qui puisse rendre la vie plus difficile à Israël ». C’est sans doute pour cela qu’aucun sommet tripartite n’est prévu lors du séjour de Bush (il y aura simplement des bilatérales) : l’échec serait patent. À tel point qu’on peut se demander si, en réalité, le vrai but du voyage ne réside pas dans sa seconde partie, à savoir les pays arabes.

Invitation du Qatar au président iranien

Pour Bush, il s’agit de les convaincre de l’accompagner dans sa confrontation avec l’Iran. De fait, l’Arabie saoudite et même l’Égypte ont déjà dit tout le mal qu’ils pensaient d’un possible Iran nucléaire mais ils ont aussi entendu le récent rapport des services de renseignements américains. Il se pourrait que les gouvernements arabes, auparavant si prompts à suivre le grand frère américain, et dans la crainte de perdre leur pouvoir, se soient ressaisis devant la désolante réalité de l’entreprise « bushienne ».

L’Arabie saoudite a compris le rôle qu’elle pouvait jouer auprès des sunnites, en Irak comme au Liban, et même avec les organisations palestiniennes. Et si la haine des Perses est forte chez les Wahhabites, elle ne saurait surpasser les nécessités du commerce et des profits qui seraient remis en cause par une nouvelle guerre. De fait, le rapprochement entre Téhéran et les pays membres du Conseil de coopération du golfe Persique (CCGP) est avéré. Le Qatar a lancé une invitation au président iranien, en décembre 2007, au sommet du CCGP. On estime à près de 300 milliards de dollars les investissements iraniens dans les pays du golfe Persique.

Alors que Bush a dit qu’il voulait affirmer à Israël et aux pays arabes l’engagement américain à assurer la sécurité de la région et à contenir la montée en puissance iranienne, l’incident de dimanche dans le détroit d’Ormuz ne pouvait pas mieux tomber. Il y a des hasards de calendrier comme ça...


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Pierre Barbancey - L’Humanité, le 9 janvier 2008


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