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Le camp de Nahr el-Bared : la vie reprend

dimanche 30 décembre 2007 - 07h:17

Cirepal

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Au premier jour de la fête d’al-Adha, une manifestation importante de la population de Nahr el-Bared a circulé dans les rues du camp avant de se rendre au cimetière.

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Souad al-Sayyed vit toujours dans une salle de classe avec son bébé âgé de quelques mois, né après qu’elle ait quitté son logement de Nahr al-Bared - Photo : : Lucy Fielder/IRIN

Elle était impressionnante, par le nombre des participants et leur vivacité, affirmant haut et fort la volonté de retourner au camp et de le reconstruire, rappelant à ce qui tient lieu de gouvernement libanais, à l’UNRWA, aux responsables politiques divers, palestiniens et libanais, mais aussi à l’opinion internationale, leur responsabilité et l’engagement pris, dès la fin du combat, de reconstruire le camp.

Les Palestiniens du camp de Nahr el-Bared sont clairs là-dessus : ils ne sont absolument pas responsables de ce qui s’est passé. Ils en sont les premières victimes. En acceptant d’abandonner le camp, ils ont voulu prouver à l’armée et aux Libanais qu’ils se dissociaient des groupes armés responsables des attaques contre l’armée libanaise. Leur attitude doit être remerciée par leur retour au camp et sa reconstruction. Des engagements publics ont été pris par Sanioura et son équipe pour le retour des réfugiés, et pour la reconstruction, également. Mais Sanioura et son équipe sont à mille lieux de penser aux réfugiés palestiniens, et notamment à ceux du camp de Nahr el-bared et leurs enfants non encore scolarisés cette année.

Une conférence de « donateurs » avait été réunie pour discuter de la reconstruction, mais les organisations palestiniennes ont été surprises par le partage fait par les hommes du pouvoir libanais : l’argent des donateurs sera partagé presque à égalité entre les villages libanais voisins du camp et le camp, prenant prétexte des quelques obus tombés sur ces villages. Un responsable palestinien s’écrie : « mais la somme que vous nous réservez ne suffit même pas à compenser un des grands magasins bombardé ou pillé ! » En fait, le gouvernement anticonstitutionnel libanais veut plutôt rallier la population libanaise à sa politique, en l’achetant grâce à l’argent fourni par les donateurs. C’est ainsi qu’agit ce gouvernement. Il a déjà fait le coup avec l’argent des donateurs pour la reconstruction de certaines régions bombardées lors de l’agression israélienne du Liban : l’argent devant assurer la reconstruction des régions sinistrées a été globalement avalé dans des projets de « développement » dans d’autres régions.

Des pertes irrécupérables

Les pertes à Nahr el-Bared sont énormes : affaires personnelles de la population, fruit du travail de plusieurs générations, mais aussi stocks de marchandises, voitures, sans parler des maisons détruites entièrement ou en partie. Le photographe du camp est attéré : toutes les photos, depuis la construction du camp, jusqu’à présent, ont péri. Il en pleure presque. « C’est l’histoire du camp et de ses habitants. Je prenais en photos les naissances, les mariages, les enterrements, sans parler des photos lors des fêtes dans les écoles, des remises de diplômes. J’avais dans mon studio l’histoire de toutes ces familles qui forment la population du camp de Nahr el-Bared ». Il ne parlait pas de ses affaires personnelles perdues et enterrées, mais de l’histoire du camp, effacée sans crier gare.

Les centres médicaux privés ou associatifs sont entièrement détruits. Presque plus rien. Dans un des centres privés, formé de deux étages, les médecins et employés s’affairent à sa reconstruction. Ils avaient des appareils plus ou moins sophistiqués, un seul a survécu. Les salles sont en train d’être repeintes, et le médecin responsable montre dans la salle au rez-de-chaussée où s’entassent quelques stocks de médicaments : « le pillage n’a touché que les médicaments difficiles à trouver ou chers. Il ne reste que les aspirines et les pommades légères. »

Parmi les autres centres médicaux, une antenne du centre Shifaa situé à Baddawi. Installé aux abords du vieux quartier, il n’en reste plus rien. Mais une nouvelle équipe a ouvert une antenne dans un garage, provisoirement. Le médecin de garde, 24 heures sur 24, assure les premiers soins, avec un léger stock de médicaments, trié et installé dans le fond de la pièce, près du lit pour l’auscultation. Tous les médecins palestiniens des deux camps, et notamment de Nahr el-Bared, se sont constitués en réserve pour « tourner » sur les différents centres médicaux récemment installés, celui de l’union des médecins palestiniens, le centre Shifaa, le Croissant rouge palestinien. Tous assurent des permanences pour les familles qui sont retournées au camp.

Et la reconstruction d’une partie du camp se poursuit, malgré la pluie et la boue, en ces jours d’hiver. Le local des scouts, entièrement pillé et saccagé, est pris en main par les jeunes membres, tous ensemble : ils enlèvent les gravats, à la main, repeignent les murs où des inscriptions obscènes et racistes ont été écrites par des soldats de l’armée libanaise. Les propriétaires des maisons sont également en plein travaux. Ils sont aidés en cela par une association européenne qui, après avoir établi les dégâts pour toutes les maisons du nouveau quartier, verse une somme d’argent après devis, pour la reconstruction, et surtout pour les portes et les fenêtres.

La rivière al-Bared traverse le camp. Jadis, un pont permettait de passer d’une partie du camp à l’autre, mais aujourd’hui, le pont est détruit. Le « Islamic Relief » a installé un pont en bois, pour les piétons, mais les voitures doivent traverser d’une rive à l’autre, en s’enfonçant dans la rivière. De l’autre côté de la rive, se trouvent les maisons préfabriquées installées par l’UNRWA pour les familles évacuées des écoles libanaises. Beaucoup de familles se plaignent de cette installation de fortune : l’eau pénètre par le toit, par les « murs » et à partir du sol, et d’autre part, les cloisons sont si minces que les familles n’ont aucune intimité.

Où sont les dirigeants du Fateh el-islam ?

Mais le premier souci de la population de Nahr el-Bared reste cependant la suite de cette affaire. Plus de trois mois après la fin des bombardements, la population est en colère et s’interroge : à quoi cela a-t-il servi, sinon à détruire le camp ? Où sont les membres du Fateh el-islam responsables soi-disant de la destruction du camp ? Envolés, disent-ils. Entre les dirigeants qui ont disparu et qui se sont évaporés et les membres arabes qui ont été remis à leurs pays, qui reste-t-il ? Pour des responsables du camp, ce n’est que la preuve d’une machination diabolique pour détruire le camp, expulser sa population et accorder la nationalité libanaise à une partie, selon un plan américano-arabe pour supprimer le droit au retour des réfugiés Palestiniens.

Plus personne ne parle plus d’ailleurs de Fateh el-islam. Des nouvelles sporadiques nous informent que Shaker Absi est retourné en Irak, après avoir été en Jordanie, après avoir passé pour mort lors du bombardement du camp. N’est-ce pas la preuve d’un coup monté pour la destruction du camp ? Le camp détruit, on dirait que cette organisation qui avait fait parler d’elle et avait été considérée pendant plusieurs mois comme la principale source de tous les maux libanais, voilà qu’elle disparaît d’un coup, comme elle est apparue. Il y a de quoi être en colère, pour la population de Nahr el-Bared et il faut craindre le pire, pour les Palestiniens du Liban, car à tout moment, un scénario aussi diabolique peut être monté, un autre camp peut être détruit pendant que la vie continue ailleurs.

Ni Tawtîn, ni tarhîl, mais retour au camp pour le retour en Palestine

C’est pourquoi, pour la majorité des responsables des organisations palestiniennes, la reconstruction et le retour au camp sont le chemin certain pour le retour des réfugiés en Palestine. Le retour au camp signifie garder la question des réfugiés ouverte et maintenir la cohésion de la population réfugiée, et surtout, rester sous l’administration de l’UNRWA. Il s’agit d’un enjeu important. Si le dossier de Nahr el-Bared passe entre les mains des « pays donateurs » ou d’une quelconque commission internationale, cela signifie qu’il ne s’agit plus de « réfugiés palestiniens » mais d’une population étrangère, palestinienne en l’occurrence, dont l’installation doit être réglée, au Liban ou ailleurs.

Le gouvernement de Sanioura avait souhaité faire appliquer le plan américain, consistant à accorder la nationalité libanaise et à installer en dispersant une partie des réfugiés de Nahr el-Bared (tawtîn), et pousser à l’émigration une autre partie (tarhîl). D’où le mot d’ordre national palestinien refusant tawtîn et tarhîl à la fois, réclamant le retour et la reconstruction du camp.

En réalité, au Liban, la question de l’installation définitive des Palestiniens est majoritairement refusée, sauf, semble-t-il, pour le clan Harîrî - Sanioura, mais pour différentes raisons : si une grande partie refuse le tawtîn pour ne pas bousculer l’équilibre confessionnel sur lequel est bâti le Liban, une autre partie le refuse pour réclamer le droit au retour des réfugiés et c’est à ce stade que les avis divergent. Le refus du tawtîn doit être accompagné du refus du tarhîl, soit l’émigration forcée des Palestiniens avec l’aide des ambassades étrangères, et il semble que des forces politiques libanaises agissent pour pousser les Palestiniens à partir, surtout après le climat de suspiscion créé lors de la crise. Les combattants du Fateh el-islam avaient lancé quelques obus sur les villages voisins et l’armée libanaise a subi d’importantes pertes humaines, ce qui fut largement suffisant pour susciter un climat épouvantable contre les Palestiniens dans certains milieux libanais, et notamment dans le nord du pays.

Quant au clan Harîrî - Sanioura, leur approbation du plan américain, visant à installer une partie des Palestiniens au Liban, en leur accordant la nationalité, vise plusieurs buts : appuyer la confession sunnite, à laquelle ils appartiennent et auxquels les Palestiniens appartiennent aussi, même si ces derniers ne se sont jamais sentis concernés par ces divisions subtiles libanaises. Ensuite, utiliser la population palestinienne en tant que forces armées dans les conflits internes au Liban, et notamment pour faire face au Hizbullah. Ce plan américain aurait été soutenu par une partie de l’équipe saoudienne au pouvoir qui aurait financé le Fateh el-islam.

Bien que le bombardement et la destruction de Nahr el-Bared n’ont pas entièrement rempli l’objectif, à cause de la détermination de la population palestinienne à retourner, et aussi, parce le pouvoir libanais a dû se désolidariser entièrement de Fateh el-islam, même s’il a réussi à assurer la fuite et le départ de plusieurs de ses têtes, il n’en reste pas moins que le plan n’est pas entièrement étouffé. Il y a quelques semaines, une tension éclatait dans le camp de Borj el-Barajneh, dans la banlieue sud de Beirut : des informations laissaient entendre que le parti de Harîrî était en train d’armer des Palestiniens pour les utiliser contre le Hizbullah, dans les quartiers voisins. Mais le Hizbullah, et notamment son secrétaire général, sayyid Hassan Nasrullah, rassura l’ensemble : il n’y aura pas une nouvelle guerre des camps, il l’empêcherait coûte que coûte, en empêchant sûrement toute utilisation de la population palestinienne comme menace sécuritaire.

Il semble de plus en plus que la situation dans les camps palestiniens du Liban soit entièrement liée à la situation politique du pays. Que ce soit pour le retour des habitants de Nahr el-Bared, la reconstruction du camp, ou plus globalement, la vie, le travail et l’activité des Palestiniens, il semble qu’ils dépendent de plus en plus de la situation interne dans ce pays, qui vit les moments les plus difficiles de son histoire, ayant été pris en otage par les Etats-Unis dans sa guerre contre l’axe de la résistance.

29 décembre 2007 - Traduit et diffusé par CIREPAL (Centre d’Information sur la Résistance en Palestine)-cirepal2005@yahoo.fr


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