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Attention à Barak

samedi 29 décembre 2007 - 06h:42

Ran HaCohen - The Electronic Intifada

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Le ministre de la “Défense” israélien, Ehoud Barak, est assurément l’homme politique le plus dangereux du Moyen-Orient.




Ahmadinijad ne peut qu’en rêve posséder les pouvoirs - politiques et militaires, conventionnels et non conventionnels - détenus déjà par Barak. Netanyahou et d’autres politiciens israéliens d’extrême droite disent ce qu’ils pensent, ils sont marqués comme extrémistes, de sorte qu’ils sont dans le collimateur en permanence. Barak est plus extrémiste que Netanyahou, mais c’est un extrémiste qui avance masqué.

Celui qui a mis à bas le processus d’Oslo et qui est à l’origine de la Seconde Intifada, celui qui a anéanti le camp de la paix israélien de l’intérieur, répandant la légende des « offres généreuses » rejetées par les Palestiniens, persuadant les Israéliens qu’il avait « démasqué » Arafat et qu’ils n’avaient pas de partenaire palestinien - celui-là continue de se qualifier comme le « leader du camp de la paix israélien ». C’est là l’un des traits les plus dangereux de Barak : sa capacité inhérente à mentir, à se présenter comme l’opposé absolu de ce qu’il est réellement.

Barak n’a pas changé. Comme le quotidien israélien Yedioth Ahronoth le publiait il y a juste quelques mois (« Un leader travailliste plus à droite que Netanyahou », 10 août 2007), Barak a présenté la relance des négociations pour la paix comme « un fantasme », il a déclaré « qu’il n’y avait aucune différence entre le Hamas et le Fatah », promis qu’il « ne lèverait aucun barrage routier en Cisjordanie », et répété sa phrase sacrée : « Il n’y a aucune possibilité d’accord avec les Palestiniens ».

Effectivement, Barak s’est opposé tout au long au sommet d’Annapolis. Son opposition s’est muée en soutien réservé seulement quelques semaines avant, quand il est apparu clairement que la rencontre ne serait rien d’autre qu’une séance de photos. Soudain, et pour être sûr que rien ne pourrait ressortir de ce nouveau processus, Barak a répété ses appels à la reprise des négociations avec la Syrie, simultanées avec le volet palestinien. Une combine barakienne typique : en poussant à la relance de discussions de paix avec la Syrie, Barak renforce sa fausse réputation d’homme de paix tout en travaillant sciemment au sabotage de toute perspective de paix.

Dans un rapport officiel rédigé alors qu’il était Premier ministre en 2000, et qu’Ha’aretz s’est procuré et a publié récemment (le 13 décembre 2007), le chef de cabinet de Barak écrit que la reprise des négociations avec la Syrie avait alors conduit à une méfiance et des tensions extrêmes du côté palestinien et, au surplus, alors que la délégation israélienne n’était pas en mesure d’assurer les négociations des deux côtés simultanément. En d’autres termes, la reprise des négociations avec la Syrie est une mesure test qui garantit que du côté palestinien, ça ne marchera pas, et Barak s’est servi de cette sale carte pour la deuxième fois.

Barak a promis qu’il quitterait la coalition d’Olmert après la publication du rapport final de la commission Winograd, lequel probablement blâmera Olmert pour avoir perdu la guerre contre le Liban en été 2006. Il a, depuis, laissé entendre, par le biais de ses « assistants », qu’il ne tiendrait pas sa promesse (Barak ne parle jamais aux médias, il leur envoie ses « assistants » faire quelque allusion sur ses intentions, de sorte que nul ne peut le tenir responsable de propos qu’il n’a pas réellement tenus). Il est fort probable que dans sa logique perverse, Barak planifie son retour au poste de Premier ministre au moyen d’une « petite » guerre. Une fois Olmert discrédité officiellement pour son échec dans la guerre du Liban, Barak, en tant que ministre de la Défense, peut espérer s’attribuer tout le mérite d’une prochaine victoire : une vaste opération dans la bande de Gaza (« qui se dessine toujours plus nettement » comme il le répète inlassablement), une guerre contre la Syrie, une attaque sur l’Iran, ou une combinaison de tout cela. Une telle guerre constituerait aussi un excellent prétexte pour rompre sa promesse de sortir de la coalition : après tout, il serait « irresponsable » de partir alors qu’une guerre est imminente.

Barak ne sait que trop bien comment lancer Israël dans une guerre, même dans le dos du gouvernement si nécessaire : après tout, c’est le général Barak qui, au début des années 80, a recommandé à ses supérieurs militaires d’user de tromperie afin d’attirer le gouvernement et l’opinion d’Israël dans une guerre au Liban.

Même le Rwanda est plus riche

La plupart des infos internationales dans la presse populaire sont maintenant traitées comme une « information spectacle » du style : « Un homme mort un chien », « L’hôte a mangé son invité », « Une femme toilette son chat ». Depuis peu, cette sorte d’articles - tant dans le style que dans le contenu - est utilisée de plus en plus souvent pour ce qui concerne la bande de Gaza, une région sous contrôle effectif israélien, à une heure de route à peine de Tel Aviv. On nous informe du prix d’un paquet de cigarettes dans la Gaza assiégée - plus de 15 dollars - pendant que 63% des habitants de Gaza vivent avec moins de 2 dollars et demi par jour, battant le record de pauvreté du Rwanda.

On a pu voir, amusés, une émission de télévision sur un producteur de boissons non alcoolisées dans la Bande qui, sans moyen de produire du gaz carbonique, a trouvé une méthode originale pour produire du soda à partir d’une autre boisson contenant ce gaz. Ou encore sur l’augmentation dramatique du prix des ânes depuis qu’il n’y a plus de carburant pour les voitures, ou sur le transport de marchandises avec des animaux. Et de grandes photos : le producteur de boissons présentant fièrement sa trouvaille chimique, réfutant les accusations selon lesquelles elle pourrait provoquer le cancer. Un âne affamé à Gaza est adjugé à 60, 75, 100 dollars, le vendeur arguant qu’il ne peut plus le nourrir. Le chef du Hamas, Ismail Haniyeh, a félicité son peuple sur la fête musulmane d’Eid al-Adha, reconnaissant qu’il n’y a eu aucun agneau de sacrifier dans la Bande affamée.

Tenue sous un siège hermétique, après des décennies d’occupation et des années d’Intifada durant lesquelles Israël a détruit le peu d’infrastructures que la bande de Gaza n’avait jamais eues, après de nombreux mois d’un blocus total sur tous les produits - hors les produits alimentaires basiques - qui ont conduit à l’arrêt total de l’économie, avec les incursions quotidiennes des chars d’assaut israéliens, les assassinats extrajudicaires par l’aviation israélienne, et maintenant, une coupure de carburant et d’électricité imminente... la bande de Gaza (1,5 million de personnes, 80% de réfugiés) n’est plus la plus grande prison à ciel ouvert du monde. C’est un énorme laboratoire pour expérimentation humaine, tenu par l’armée israélienne.

Certaines de ces infos nous arrivent en même temps que les « bonnes nouvelles », où la communauté internationale promet de donner plus de 7 milliards de dollars à l’Autorité palestinienne sur les trois prochaines années. Certains commentateurs israéliens ont présenté cette somme promise comme la plus élevée jamais donnée à un dirigeant, quoique sensiblement inférieure à l’aide militaire américaine à la puissance régionale, Israël, sur trois années précises. D’autres ont vite calculé que chaque famille palestinienne « toucherait » environ 1 000 dollars par mois si la somme était équitablement répartie ; mais en ajoutant, triomphalement, « nous savons tous que la plus grande partie de la somme tombera dans les poches corrompues de la direction du Fatah et non dans celles du pauvre gars qui vend son âne à Gaza ». Et, poussant un dramatique soupir de désespoir et d’autosatisfaction : « une fois encore, ce sont les Palestiniens eux-mêmes qui font leur propre détresse ». Pas un seul ne prend la peine de réfléchir un peu plus : par exemple, personne ne se demande pourquoi Israël est si soucieux de continuer à fonctionner avec la direction corrompue du Fatah, même après qu’elle ait perdu le soutien de son propre peuple et été écrasée à Gaza, précisément à cause de sa corruption inhérente.

Le discours public en Israël ne pose que de bonnes questions, du genre de celles du président Shimon Peres, la semaine dernière : « Il n’y a plus un seul colon ni soldat israélien à Gaza maintenant, alors pourquoi tirent-ils sur nous ? ».

Oui, pourquoi ?



Le Dr Ran HaCohen est né aux Pays-Bas en 1964 et a grandi en Israël. Il possède un diplôme universitaire en informatique, un diplôme supérieur en littérature comparative et sa thèse est parue dans « Les Etudes juives ». Il est professeur universitaire en Israël ; traducteur littéraire (depuis l’allemand, l’anglais et le néerlandais) et critique littéraire pour le quotidien israélien Yedioth Aharonot. Les travaux de Mr HaCohen ont été publiés largement en Israël. La lettre d’Israël sort occasionnellement sur antiwar.com. Cet article qui a été publié d’abord sur Antiwar.com est rediffusé avec l’autorisation de l’auteur (version anglaise).

Du même auteur :

- "Il y a du sang dans l’air" - 29 juin 2007 - Palestine Chronicle.
- "L’embarras d’un raté" - 28 décembre 2006 - The Electronic Intifada.

Sur un thème proche :

- « Barak fracassera sur les récifs de la droite ce qui reste du Parti travailliste » - 12 février 2007 - Courrier international

28 décembre 2007 - The Electronic Intifada - Photo Barak : Moti Milrod/MaanImages - Traduction : JPP


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