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Exploiter politiquement la misère qui sévit dans Gaza ?

vendredi 28 décembre 2007 - 06h:47

Ramzy Baroud

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Ne laissons pas l’inhumanité devenir la norme. Si nous lui permettons de triompher dans Gaza, nous le referons ailleurs.

Un intense débat à propos de Gaza commence à s’estomper tandis que le statu quo est figé --- et de façon prévisible --- par ceux qui ont les armes les plus grosses. Mais dans quelle mesure la douleur humaine peut-elle être politisée, transformée en polémique intellectuelle incapable de la moindre influence sur les vies des personnes concernées ?

L’apparition au niveau politique du mouvement Hamas en janvier 2006 comme premier mouvement d’opposition dans le monde arabe à prendre le pouvoir en utilisant des moyens pacifiques et démocratiques a été contrecarrée avec succès par une main de fer, maniée conjointement par les Etats-Unis, Israël et des Palestiniens renégats et scissionnistes. Puis l’histoire a été comme à l’habitude récrite par le vainqueur. Ainsi le Hamas, un parti incarnant les institutions démocratiques dans les territoires occupés est devenu le parti qui « a renversé » la démocratie « légitime » d’Abbas. Aussi étrange qu’une telle idée paraisse (un gouvernement se renversant lui-même), elle a pris sa place dans les annales des médias occidentaux comme vérité indiscutée.

On s’attendait à ce que toutes les parties concernées, directement ou par un autre biais, définissent leur position à partir de cette affirmation trompeuse, et c’est ce qu’elles ont fait pour aller dans le sens de leurs propres intérêts. Certains ont éprouvé peu de difficulté à désavouer la démocratie palestinienne dans son ensemble.

Le gouvernement des Etats-Unis, Israêl, l’Union Européenne, et les divers gouvernements arabes non démocratiques se sont trouvés enchantés par les résultats de la lutte intra-palestiniennne. Ils ont loué Abbas et sa faction comme étant de vrais et légitimes démocrates et ont condamné ceux qui étaient en désaccord avec lui. Les pays tels que la Russie, l’Afrique du Sud et quelques états du Golfe ont suivi le mouvement, après une certaine hésitation et en traînant les pieds, mais en étant trop faibles ou indécis pour s’opposer au statu quo.

Sur le front palestinien, les choix étaient plus difficiles, mais néanmoins ceux qui n’étaient préalablement ni alignés sur le Fatah ni sur le Hamas se sont placés rapidement du côté qui les arrangeait le mieux. Les gauchistes connus, par exemple, qui parlaient comme ils le font toujours comme s’ils étaient des représentants de la voix de la raison, ne pouvaient maintenant risquer de perdre le bénéfice de ce que quelques ONGs (Organisations Non-Gouvernementales) plutôt inefficaces avaient réalisé dans le cadre d’une gestion sur le modèle « du stock d’épicerie » (nom que beaucoup de Palestiniens emploient pour se moquer à leur façon de plusieurs des ONGs).

La crainte de perdre leur liberté de mouvement et l’accès aux institutions financières européennes et américaines a poussé beaucoup de Palestiniens à totalement désavouer [ce qui s’est passé à] Gaza. La sympathie de millions de personnes à travers le monde à l’égard des Gazaouites perpétuellement opprimés est restée la plupart du temps abstraite. L’abandon a prévalu et s’est rapidement ajouté au sentiment général d’impuissance depuis longtemps lié à la situation en Palestine en général et à Gaza en particulier.

Pour distraire l’attention générale, Abbas et le premier ministre israélien Ehud Olmert se sont précipités à Annapolis pour une séance-photo obligée. Aiguillonnés par le champion auto-proclamé de la démocratie, le président Bush, les deux responsables sont sur une nouvelle voie pour la paix. Le spectacle commandité par les Etats-Unis a atteint son but. Des dates [butoir] telles que janvier 2006, entre d’autres, sont maintenant complètement passées à la trappe ; les nouvelles dates, la nouvelle rhétorique et les nouvelles promesses remplacent les anciennes ; tous les yeux sont maintenant tournés vers Abbas et Olmert, Ramallah et Tel Aviv, avec des appels à de futures conférences et à de douloureux compromis. Et Gaza devient une note en bas de page, oubliée ou dérangeante...

La bande de Gaza est soumise à un blocus sévère et sans précédent, des personnes mourant faute de soins. Israël a réduit les approvisionnements en diesel à 60000 litres par jour, alors qu’il en faudrait 350000. Comment une économie déjà sous-développée peut-elle fonctionner, et encore moins les hôpitaux et les écoles, avec une quantité si faible de ressource énergétique ? La fourniture d’électricité est également sévèrement limitée, selon la recommandation de la cour suprême israélienne, et le chômage est au niveau le plus haut qu’il ait jamais connu (près de 75%). Le million et demi d’habitants est littéraire emprisonné dans une cage de 365 kilomètres carrés sans le moindre endroit pour respirer, avec peu de nourriture, peu d’énergie, et il est plus ou moins directement dit que toutes ces personnes méritent leur sort.

Si les médias font mention de Gaza, c’est toujours dans un contexte d’exploitation politique. Par exemple : « trois militants sont tués par des missiles israéliens ; l’armée israélienne affirme que les militants étaient sur le point de tirer des fusées vers Israël ; les dirigeants du Hamas restent provoquants, » et ainsi de suite... Une grande partie de l’information est maintenant concentrée sur l’augmentation des torts imputés au Hamas, chaque action ou inaction étant gonflée hors de proportion. Le résultat en est que quelle que soit la souffrance supportée par les Gazaouites, la faute en revient à la menace militaire représentée par le Hamas et ses « forces obscures ».

Si les violations des droits de l’homme commises par le Hamas sont toutes liées à l’état de siège, les actes meurtriers et le chaos qui se sont développés dans les circonstances qui ont précédé cet état de siège restent complètement occultés. Gaza est devenu le moyen de montrer aux Palestiniens et à d’autres ce qu’ils ne doivent pas faire s’ils ne veulent pas se voir condamnés au même sort.

Les Palestiniens de Cisjordanie sont invités à comparer les images de la police barbue et en colère du Hamas réprimant des manifestations, avec le verbe si respectable d’Abbas dans des conférences internationales au milieu de visages sains et suralimentés.

Les vraies raisons pour imposer ces souffrances à Gaza sont entièrement occultées, excepté par quelques journaux arabes et progressistes comme celui-ci. La discussion maintenant est déplacée du traitement immédiat par quelques médias vers des conférences universitaires, des livres et de longs essais ; des parallèles sont abondamment faits entre Gaza et d’autres zones soumises à l’influence des Etats-Unis.

Ce n’est pas pour refuser tout crédit à ceux qui ont eu le courage de prendre la bonne position vis à vis des événements dramatiques qui se déroulent dans Gaza. Beaucoup possèdent assez de sens de l’humanité pour séparer la politique qui a conduit Gaza à un isolement complet du fait que ce sont de vraies personnes qui souffrent, avec des sentiments, des espoirs et des aspirations, endurant des souffrances et mourant sans aucune nécessité sous nos yeux mêmes. Le camp pro-israélien est implacable dans sa justification du racisme et de la brutalité infligés par Israël aux Palestiniens, utilisant les mêmes arguments éculés tels que la sécurité d’Israël et son droit à l’existence, accusant ses détracteurs d’anti-sémitisme à toute occasion.

Mais quel argument pourrait être invoqué par ceux qui se disent préoccupés par la souffrance humaine mais perdent de vue la misère qui règne dans Gaza ? Je ne peux croire à aucune justification de l’apathie face à un enfant en train de mourir, qu’il soit noir, blanc, arabe, juif ou quoi que ce soit d’autre.

Ne laissons pas l’inhumanité devenir la norme. Si nous lui permettons de triompher dans Gaza, nous le referons ailleurs.

(*) Ramzy Baroud est l’auteur de « The Second palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com »

Site Internet :
www.ramzybaroud.net

Du même auteur :

- Somalie : ce que la presse ne vous dit pas
- Le vrai but d’Annapolis, et pourquoi cela ne pouvait pas marcher
- Paix et démocratie
- Une cause à défendre : la dignité du Monde Arabe

19 décembre 2007 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2007/876...
[Traduction : APR - Info-Palestine.net]


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