16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Annapolis : un sommet gratuit, cela n’existe pas

mardi 27 novembre 2007 - 06h:19

Akiva Eldar - Ha’aretz

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Il est vrai, qu’à ce jour, le président américain George W. Bush n’a pas fait montre de beaucoup de sagesse dans ses relations avec le Moyen-Orient. Mais il est difficile de croire que le dirigeant de la superpuissance et ses aides ne reconnaissent pas les risques qu’ils ont pris en tenant le sommet d’Annapolis. On n’a pas à être Henry Kissinger pour se rendre compte que le sommet ne peut se permettre de déboucher sur rien. L’importance de la réalisation, ou la profondeur de l’échec, seront proportionnelles au niveau de fréquentation des délégations et au nombre d’heures d’émissions de télévision, principalement dans le monde arabe.

Les dirigeants arabes n’envoient pas leurs ministres des Affaires étrangères pour fournir à Bush et au Premier ministre Ehud Olmert une photo de groupe à Annapolis pour leurs albums. S’ils ne rentrent pas chez eux avec un plan pour mettre fin à l’occupation israélienne, ils devront expliquer à leurs populations les raisons pour lesquelles ils ont passé tant de temps dans des hôtels de luxe à Annapolis tandis que les enfants palestiniens fouillaient dans les ordures pour y chercher de quoi manger. Tôt ou tard, les États-Unis auront à apporter à leurs amis arabes des réponses.

Bush n’a pas besoin de réinventer la roue pour faire en sorte que les déclarations de demain à Annapolis ne finissent pas au fond de tiroir à coté de la Feuille de route et des plans Mitchell, Tenet et Zini. Les principes de l’accord sur le statut final et les conditions de sa mise en ?uvre sont plus ou moins connus. Le défi pour les Etats-Unis est de savoir comment en finir avec le dilemme de "la poule ou l’oeuf" : la paix (la fin de l’occupation) devra-t-elle précéder la sécurité, ou la sécurité devra-t-elle passer avant la paix ? C’est le rôle des Etats-Unis de créer un pont entre les préoccupations d’Olmert qui veulent que si un accord de règlement final oblige Israël à se retirer de la "Judée et Samarie", le Hamas prendra alors le contrôle de la zone, et celles du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas qui affirme qu’un accord mettant fin a l’occupation est la seule chose qui arrêtera le Hamas.

Du fait de la faiblesse politique d’Abbas et Olmert, le pont américain, dont la pierre angulaire sera posé aujourd’hui, doit être plus stable que les dirigeants qui le traversent. La clé réside dans la volonté du président de créer une réalité extérieure, internationale, qui soit plus forte que l’intérieure, la réalité politique en Israël et en Palestine. En d’autres termes, le processus doit être plus fort que ceux qui y participent. Si l’Arabie saoudite et ses amis dans le monde arabe doivent participer à la prochaine ’conférence de la paix’ sans être amenés un jour à souhaiter qu’Annapolis n’ait jamais eu lieu, trois conditions essentielles doivent être remplies.

La première condition est que la base du processus soit la résolution 1515 du Conseil de sécurité, qui a été adoptée à l’unanimité en juin 2004. Selon cette résolution, la solution à ce conflit est l’établissement d’un Etat palestinien indépendant aux côtés de l’État d’Israël (et non d’un État juif), sur la base de la Feuille de route. La vision de Bush de deux États doit être ajoutée dans la balance, et surtout, l’initiative de paix arabe, qui comprend la normalisation des relations avec Israël et tous les membres de la Ligue arabe. L’acceptation de l’initiative comme pierre angulaire permettra au Roi saoudien de visiter ouvertement Jérusalem, au lieu d’essayer de trouver des moyens d’éviter la délégation israélienne à Annapolis.

La deuxième condition est de fixer une date (qui n’a pas besoin d’être définie comme une "date limite") pour achever le processus, en fournissant une description détaillée des étapes intermédiaires et le calendrier de leurs réalisations. Par exemple, cela impliquerait de confisquer toutes les armes illégales ou l’évacuation des avant-postes. Israël a convenu d’un calendrier lors de l’établissement de la Feuille de route et il est maintenant temps de le mettre à jour.

La troisième condition est d’établir un mécanisme crédible pour superviser la mise en oeuvre de chaque étape. Cela signifie qu’Israël ne pourra plus être à la fois juge et partie. Le juge doit être le plus neutre possible, afin que sa décision puisse être acceptable pour les deux parties.

M. Bush Senior avait compris qu’un sommet gratuit était une chimère. Le lendemain de la conférence internationale qui a eu lieu 16 ans plus tôt à Madrid, l’administration américaine a risqué une confrontation directe avec Israël et la communauté juive aux États-Unis. Bush a obligé les Israéliens à choisir entre les colonies et les garanties de prêts devant servir à payer l’absorption des nouveaux immigrants ; entre le sabotage des relations avec les États-Unis et les progrès du processus de paix. Madrid a abouti à la signature des Accords d’Oslo sur la pelouse de la Maison Blanche, à Camp David II et au plan du projet de Clinton. Malheureusement, cela s’est également terminé par sept ans de violence.

JPEG - 3.2 ko
Akiva Eldar

Un autre sommet de la paix qui ne modifierait pas l’occupation et un autre accord qui dépendra des grâces de ceux qui s’y opposent non seulement n’apportera pas la paix - mais l’éloignera encore plus.


Avec nos remerciements à K.


Du même auteur :

- Comment Israël en est arrivé là
- Deux cadavres chaque nuit
- Sachez-le, les enfants : ceci est la Ligne Verte
- Quarante ans d’ambiguïté

Akiva Eldar - Ha’aretz, le 26 novembre 2007 : No such thing as a free summit
Traduction : Blog d’Alain Gresh, Nouvelles d’Orient


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.