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La réalité d’un seul Etat

vendredi 16 novembre 2007 - 10h:43

Ben White - The Electronic Intifada

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Les 450 000 colons israéliens environ qui sont en Cisjordanie et à Jérusalem-Est font que la « solution à un seul Etat » est plus une « réalité à un seul Etat ».

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Une homogénéité territoriale qui va du Jourdain à la Méditerranée.
(Anat Zakai/MaanImages)




Il y a quelques semaines, l’Oxford University Union tenait un débat sur la « solution à un seul Etat » en Palestine/Israël. Avant même l’intervention des orateurs cependant, l’évènement a fait l’objet d’une âpre controverse à cause d’allégations selon lesquelles les organisateurs de l’Union avaient cédé à des pressions et annulé la participation de Norman Finkelstein. Ghada Karmi, Ilan Pappe et Avi Shlaim - qui devaient intervenir et qui portent la contradiction à Finkelstein - se sont retirés par solidarité (1).

Bien qu’intéressante, l’esclandre risquait d’occulter ce qui était au c ?ur de la motion proposée : la grande nécessité de débattre de la meilleure voie à tracer pour la Palestine/Israël. Même si des initiatives privées proposent par-ci par-là des solutions « innovantes », venant de tous les bords du spectre politique, leurs « innovations » se limitent généralement à rechercher comment, avec minutie, masquer le vol de la terre par Israël ou comment présenter de la meilleure façon le refus d’appliquer les droits vitaux des Palestiniens (2).

Il ne faut pas rechercher le véritable changement paradigmatique dans un débat opposant la solution à « deux Etats » à celle « d’un Etat », ou qui rentrerait dans cette opposition, car un tel débat passe à côté de l’essentiel. La question n’est pas de proposer une « solution à un seul Etat », elle est de reconnaître la « réalité d’un Etat unique ». Ceci résulte de l’intégration, par Israël, de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie au sein de l’infrastructure et de la construction juridique de l’Etat juif depuis 1967, dans la mesure où il y a annexion de fait, sinon de droit.

On l’observe clairement sur le terrain quand, par exemple, on se rend en voiture de Tel Aviv au bloc de colonie de Gush Etzion [au sud-ouest de Bethléhem] sans aucun changement perceptible au niveau de la souveraineté territoriale. Les réseaux routiers qui traversent la Cisjordanie ne sont qu’une partie de l’homogénéité territoriale qui va du Jourdain à la Méditerranée. Ces sont les mêmes sources aquifères qui fournissent l’eau à la fois aux Palestiniens et aux Israéliens, mais actuellement sur une base discriminatoire imposée par la force par Israël. Depuis les « zones tampon de sécurité » à la frontière jusqu’aux colonies, les territoires occupés ont été morcelés et colonisés, absorbés physiquement et bureaucratiquement.

Plus éloquent encore, dans les secteurs où la terre palestinienne a été confisquée en Cisjordanie - ce que l’architecte israélien, Eyal Weizman, appelle « un archipel non contigu de milliers d’îles séparées » -, c’est la loi israélienne qui est applicable (3). Ces « terres d’Etat » sont créées de telle sorte que les colons vivant dans les colonies puissent bénéficier des droits ordinaires reconnus aux citoyens israéliens (juifs).

Curieusement, bien qu’une propagande israélienne simpliste ait toujours prétendu qu’il n’y avait en réalité pas d’occupation mais seulement « une administration », le langage et le contexte de l’occupation ont, à certains égards, facilité la colonisation israélienne des « territoires ». L’occupation, en laissant croire à une situation provisoire, a servi pour donner une apparence de légitimité à certaines mesures de « sécurité » (voire à la construction de colonies) en dépit de leur caractère définitif délibéré.

Les deux objections principales opposées habituellement à la solution d’un seul Etat sont qu’elle mènerait à une effusion de sang énorme et qu’elle serait impossible à mettre en ?uvre. L’une ou l’autre de ces objections, voire les deux, sont soulevées non seulement par les apologistes vindicatifs du sionisme, tels qu’Alan Dereshowitz, mais aussi par des observateurs bien intentionnés. Annonçant la « mort » de l’Oxford Union, Dershowitz prétendait que la « solutions dite à un seul Etat était tout simplement une façon d’arriver, par la démographie, à ce que le monde arabe n’était pas parvenu à réaliser par les agressions militaires » (4). « Démographie », c’est le mot décent pour le « peuple ». Dans une rhétorique qui ferait la fierté de tout partisan qui se respecte de la suprématie raciale, les Palestiniens sont, individuellement et collectivement, catalogués comme une menace.

De plus, il est scandaleusement mensonger de prédire l’apocalypse avec une solution à un seul Etat, tout comme de garantir un bain de sang ou « un génocide contre les Juifs ». « L’Etat unique » « existe », et la question pendante, le véritable débat, concerne davantage quel doit être son caractère. Des lois et des droits différents vont-ils continuer à s’appliquer sur la base de l’ethnie des citoyens ? Cet Etat sera-t-il un Etat d’apartheid, d’exclusion, ou une démocratie où les Juifs n’auront pas plus de privilèges que les Palestiniens ?

Loin d’être de l’imaginaire utopiste, les modalités pratiques pour un Etat unique sont en permanence exposées, débattues par des spécialistes, chacun dans leur domaine. Ce week-end (les 17/18 novembre), SOAS The School of Oriental and African Studies accueille une conférence à Londres, organisée par le Groupe « Un Etat », appelé Contestons les frontière. Un ensemble d’universitaires et de militants « vont essayer de tout mettre sur la table, des idées comme le bi-nationalisme, le fédéralisme, le multiculturalisme, afin de « contribuer au long processus d’élaboration d’un nouveau paysage politique qui ne s’appuiera sur aucun exclusivisme d’aucune sorte » (5).

Parmi les gens prévus pour participer à la conférence, on compte des professeurs d’histoire, de géographie, de d’aménagement et de sciences politiques. Beaucoup, comme Ilan Pape, Joseph Massad, Nur Masalha, Tikva Honig-Parnass, Ali Abunimah et Ghada Karmi, ont déjà écrit sur l’impératif moral et sur la faisabilité concrète du modèle à un Etat. Il y a d’autres écrits disponibles comme les livres Overcoming Zionism, de Joel Kovel, Where Now for Palestine ? de Jamil Hilal, et The One-State Solution de Virginia Tilley.

Dire que la « solution à un Etat » est peu réaliste ou équivaut à la « destruction » d’Israël, dissimule mal le code utilisé pour défendre l’indéfendable et une recette pour un conflit sans fin dans un pays en fait impossible à partager. Il leur faut maintenir, contre toute attente, la fiction sioniste selon laquelle la Palestine était une terre sans peuple pour un peuple sans terre. C’est pour entretenir l’illusion que les territoire occupés, si complètement colonisés, pourraient devenir un « Etat palestinien », auquel il ne manquera de l’apartheid que le nom.


Ben White est journaliste indépendant, spécialisé sur la Palestine/Israël.
Son site : http://www.benwhite.org.uk, et son adresse : ben@benwhite.org.uk


Notes

1) Voir les commentaires de Ghada Karmi sur Comment is Free et ceux sur Juifs sans frontières pour certaines allégations et objections qui ont pu être avancées.
2) Right Road to Peace du député israélien Benny Elon, et OneVoice Movement de l’homme d’affaires américain né au Mexique, Daniel Lubetzky en sont deux exemples.
3) Eyal Weizman : Hollow Land : Israel’s Architecture of Occupation (2007), p. 121.
4) Alan M. Dershowitz : Oxford Union est morte, Frontpage Magazine.
5) http://www.onestate.net/programme.htm.

Du même auteur :

- Expropriations bureaucratiques - 7 septembre 2007 - The Electronic Intifada.


Sur la solution un ou deux Etats :

- Un ou deux Etats pour Israël et la Palestine ? - 22 août 2007 - débat entre Uri Avnery et Ilan Pappe.
- La solution à un seul Etat : une nouvelle perspective ? - 15 octobre 2007 - Remi Kanazi - The Electronic Intifada.

13 novembre 2007 - The Electronic Intifada - Traduction : JPP


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