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Comment le Pentagone est devenu accro aux mercenaires

vendredi 2 novembre 2007 - 19h:53

P. W. Singer - Salon.com

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En Irak, plus de 160 000 salariés de sociétés privées assurent de nombreuses missions qui, dans d’autres conflits, auraient été confiées à des soldats. Cette véritable armée parallèle agit en toute impunité.

Le 16 septembre dernier, un convoi formé d’hommes de la société Blackwater fait son entrée sur une place bondée, près du quartier de Mansour, dans la capitale irakienne. Les versions sur la fusillade qui s’ensuit divergent. Les employés de cette entreprise de sécurité assurent avoir été attaqués par des hommes armés et contraints de répliquer afin de se frayer un chemin pour sortir de la place. De leur côté, les autorités irakiennes affirment que ce sont les Américains qui ont ouvert le feu les premiers. [Le 7 octobre dernier, le gouvernement irakien a annoncé que la commission d’enquête mise en place par le Premier ministre n’avait trouvé aucune trace des tirs que les agents de Blackwater auraient essuyés avant la fusillade.] Dans le même temps, les autorités américaines ont lancé leur propre enquête, dont les conclusions seront certainement inconciliables avec celles des Irakiens.

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Des "employés" de Blackwater au centre d’entraînement de Moyock (Caroline du Nord) - Ph. : DR

Une seule chose est sûre : cette fusillade, qui a occasionné la mort de 17 civils irakiens, a provoqué la colère de la population et du gouvernement irakiens. Le lendemain des événements, le Premier ministre, Nouri Al-Maliki, a qualifié la fusillade de crime et a annoncé que son gouvernement retirait à Blackwater le droit d’opérer en territoire irakien et qu’il poursuivrait en justice tout contractuel étranger impliqué dans la fusillade. Mais les choses sont loin d’être aussi simples : tout d’abord, en dépit de leur mission de sécurité auprès des responsables américains en Irak, les gardes du corps de Blackwater n’ont jamais obtenu aucune autorisation de la part du gouvernement irakien. Ensuite, le flou juridique entourant le statut des contractuels pourrait leur permettre d’échapper à la justice irakienne en raison d’un mandat hérité de l’Autorité provisoire de la coalition, l’organe de gouvernement américain en Irak dissous il y a plus de deux ans.

Le scandale Blackwater a mis en lumière de nombreuses zones d’ombre liées au statut légal, à la gestion et au contrôle des forces militaires sous contrat privé en Irak, dont les effectifs - estimés à plus de 160 000 hommes - sont au moins équivalents à ceux des soldats américains déployés dans le pays. Or les sociétés de sécurité privées semblent avoir fait plus de dégâts qu’autre chose dans la lutte contre l’insurrection. Pis encore, le gouvernement américain n’est plus en mesure d’assurer ses missions les plus fondamentales : mener et gagner une guerre. L’externalisation massive des opérations militaires a créé une véritable dépendance envers des sociétés privées comme Blackwater. A en juger par la situation en Irak, il semble que les Etats-Unis soient prisonniers d’un cercle vicieux. Il leur est désormais impossible de mener la guerre sans ces contractants militaires privés, et impossible de la gagner avec eux.

Après la guerre du Vietnam, les Etats-Unis ont opté pour une armée professionnelle constituée de volontaires. Les chefs militaires ont alors mis en place toute une série de garde-fous afin de veiller à ce que la politique étrangère du gouvernement soit toujours en phase avec la volonté du peuple américain. Sous l’impulsion du chef de l’état-major de l’époque, le général Creighton Abrams (1972-1974), les militaires ont voulu s’assurer que le gouvernement ne se lancerait pas dans une guerre sans le soutien nécessaire de la nation. C’était la “doctrine Abrams”, qui depuis a subi le même sort que les centres d’appels délocalisés en Inde : elle a été externalisée.

Jamais les entreprises de sécurité n’ont été aussi présentes qu’en Irak. Les estimations sur le nombre de contractants privés varient fortement. En 2006, le Commandement central des forces américaines (CENTCOM, qui supervise les opérations en Irak et en Afghanistan), parlait de 100 000 hommes, tandis qu’en 2007 un rapport interne du ministère de la Défense avançait le chiffre de 160 000 contractants privés, soit presque autant que les troupes américaines déployées sur le terrain à cette date. Pourtant, même cette dernière estimation est à nuancer, puisque les employés de plusieurs grandes sociétés, notamment ceux sous contrat avec le département d’Etat, avec d’autres agences officielles américaines et avec des organisations non gouvernementales, n’ont pas été comptabilisés dans ce rapport.

Mais ce ne sont pas tant les chiffres qui font débat que le rôle joué par ces contractants. Outre leur participation à l’élaboration de la stratégie et à la formation des troupes américaines avant l’invasion, ces entreprises se sont également chargées des problèmes logistiques pendant la phase de préparation de la guerre. Les sociétés privées n’ont pas seulement construit le vaste camp militaire américain de Doha, au Koweït, qui a servi de tête de pont pour l’invasion, elles en assurent également la gestion et la surveillance. Pendant l’invasion, en mars 2003, des contractants privés se sont occupés de l’entretien et du chargement de nombreux matériels militaires hautement sophistiqués tels que les bombardiers stratégiques B-2 et les hélicoptères Apache. Ils ont même assisté les soldats dans le maniement de certains dispositifs de combat comme les batteries de missiles Patriot ou le système antimissile Aegis utilisé par la marine.

Ces diverses sociétés - des plus connues comme Vinnell et MPRI aux nouvelles venues comme la société britannique Aegis - jouent un rôle croissant depuis l’invasion de l’Irak. Kellogg Brown and Root, l’ancienne filiale de Halliburton [une entreprise dirigée de 1995 à 2000 par le vice-président américain Dick Cheney], qui est désormais une société indépendante, est actuellement chargée du soutien logistique aux troupes américaines, ainsi que de nombreuses fonctions allant de la gestion des cantines au ravitaillement en carburant et en munitions. D’autres entreprises participent à la formation des forces de sécurité locales, notamment de la nouvelle armée irakienne et de la police nationale. Viennent ensuite les sociétés telles que Blackwater, dont les employés sont présents et jouent un rôle actif sur le théâtre même des opérations.

Ces contractants s’occupent de tout, de la surveillance des infrastructures et des bases militaires américaines à la sécurité des diplomates, des personnalités de passage et de celle des convois “importants” - probablement le travail le plus dangereux qui soit en Irak. On parle généralement de “sociétés de sécurité” et de “gardes du corps”, ce qui évoque les services de sécurité d’un centre commercial et les gardes du corps des stars d’Hollywood. Or les activités des hommes qu’elles emploient sont tout autres puisque ces derniers recourent à des techniques et à des équipements militaires pour s’assurer du bon déroulement de leur mission. Auparavant, ces emplois auraient été confiés à des soldats. En 2006, le directeur de l’association des sociétés de sécurité privées en Irak estimait à un peu plus de 48 000 le nombre de salariés travaillant pour les 181 sociétés de ce type présentes dans le pays.

La préparation et la conduite de cette guerre ont donc toujours été envisagées avec la participation du secteur privé. Pourtant, contrairement à ce que pensent certains tenants de la théorie du complot, ce n’est pas ce secteur qui tire les ficelles et décide de déclarer la guerre. Mais il est bel et bien devenu un acteur incontournable, celui qui permet d’effectuer des missions sans cela irréalisables sur le plan politique. Il a en effet permis au pouvoir exécutif de décider d’opérations militaires et au Congrès de les autoriser et de les financer, tout cela sans s’embarrasser de la “doctrine Abrams”.

Pour mieux comprendre cette idée, il est plus facile de raisonner à l’envers. L’un des principaux problèmes auxquels sont confrontées les troupes américaines en Irak concerne le manque d’effectifs. Mais ce n’est pas parce que les militaires privés constituaient l’unique recours que le gouvernement américain a décidé de faire appel à eux ; c’est plutôt parce que les autres possibilités n’étaient pas politiquement souhaitables.

Le problème du manque d’effectifs aurait pu être résolu par une décision du pouvoir exécutif d’envoyer davantage de soldats réguliers que les 135 000 prévus à l’origine. Mais cela revenait, pour les artisans de la guerre - et notamment pour le ministre de la Défense de l’époque, Donald Rumsfeld -, à reconnaître publiquement qu’ils avaient eu tort de balayer les critiques de plusieurs généraux (comme celle d’Eric Shinseki, qui avait prévenu qu’une occupation de l’Irak nécessiterait bien plus de troupes). Sans compter qu’une augmentation du contingent en Irak aurait lourdement pesé sur les opérations américaines en Afghanistan et dans le reste du monde. Une autre solution aurait consisté à faire appel massivement aux réservistes et à la garde nationale. Mais une telle initiative n’aurait pas manqué de provoquer l’indignation de l’opinion publique, ce qui est bien la dernière chose que souhaitaient les chefs de l’exécutif et du Congrès à la veille de la difficile élection présidentielle de 2004.

Certains proposèrent de demander l’aide de pays alliés comme cela s’était passé en Bosnie et au Kosovo, où l’OTAN et d’autres pays membres des Nations unies avaient participé aux opérations militaires. Mais cela aurait nécessité de faire de rudes compromis, tels que déléguer certains commandements aux Nations unies ou à l’OTAN, ou repousser la date de l’invasion, ce qui n’était pas du goût de Washington. Il fallait donc que cette guerre “se finance elle-même”, pour reprendre les termes du secrétaire adjoint à la Défense de l’époque, Paul Wolfowitz, avant l’invasion. Tous ceux qui participeraient à l’offensive allaient se payer sur la bête. En outre, l’hostilité à la guerre, largement partagée dans le monde, ne laissait guère de doute quant à un éventuel ralliement de l’OTAN ou des Nations unies.

Plus de mille salariés de sociétés de sécurité sont morts en Irak

Le secteur militaire privé apportait une réponse toute trouvée à tous ces problèmes. Il permettait d’augmenter le nombre des troupes sans prendre le moindre risque politique. Et c’est dans l’indifférence générale que les employés des sociétés privées ont été recrutés, déployés et même tués en Irak. L’aggravation des pertes humaines de l’armée américaine menaçait de miner le soutien populaire à cette guerre, mais les morts des sociétés privées n’apparaissent dans aucun décompte et n’ont donc aucun impact. En juillet 2007, les compagnies privées de sécurité avaient dénombré plus de 1 000 morts et près de 13 000 blessés au sein de leurs personnels. (Encore une fois, ces chiffres sont à manier avec précaution, la seule source fiable de renseignements étant le nombre de demandes formulées par ces entreprises auprès des sociétés d’assurances, puis transmises au ministère du Travail américain.)

Et ce bilan n’a cessé de s’alourdir depuis l’envoi de renforts militaires décidé par Bush, en janvier 2007. Les employés des sociétés privées meurent désormais au rythme de neuf par semaine. Cela signifie que les pertes humaines du privé ont été plus lourdes que l’ensemble des pertes des armées de la coalition et nettement plus que celles enregistrées dans n’importe quelle division américaine. Quand on observe le bilan catastrophique de la guerre en Irak pour la sécurité des Etats-Unis et leur image dans le monde, on comprend que l’aide des militaires privés est peut-être ce qui nous aura coûté le plus cher.

La “doctrine Abrams” reposait sur le principe qu’en l’absence du soutien populaire nécessaire pour impliquer la nation entière dans une guerre, la meilleure chose à faire était probablement de ne pas faire la guerre du tout. C’est aux historiens qu’il reviendra de dresser un bilan final de cette guerre. Une chose est sûre, cependant, les sociétés de sécurité n’ont pas seulement rendu possible ce conflit, elles ont aussi renforcé nos pires travers en temps de guerre. Les défenseurs du secteur militaire privé se plaisent à souligner que cette guerre est l’opération militaire la mieux organisée et la mieux ravitaillée de toute l’histoire des Etats-Unis.

Selon Doug Brooks, membre de l’International Peace Operations Association, une association qui représente les intérêts de ce secteur, “le fait que nos soldats partent aujourd’hui en Irak et trouvent le moyen de prendre du poids par des températures de 50 °C montre bien que nous les ravitaillons de façon satisfaisante, peut-être même trop”. Brooks a raison à plus d’un titre. Les soldats américains déployés en Irak comptent bien parmi les mieux lotis de notre histoire militaire, essentiellement grâce à l’externalisation de presque tous les services logistiques et de la chaîne de ravitaillement. Ce dispositif s’est pourtant révélé particulièrement inefficace et a sapé nos efforts de lutte contre l’insurrection.

En dépit du scandale provoqué par l’affaire Blackwater, l’opinion publique américaine est encore très ignorante des activités des entreprises sous contrat. Leurs employés ont beau représenter plus de la moitié des effectifs présents en Irak, ils ne sont quasiment jamais mentionnés dans les reportages et les articles sur l’Irak publiés et diffusés par les médias américains. Pourtant, vus du côté irakien, ces hommes incarnent l’un des aspects les plus visibles et les plus détestés de la présence américaine en Irak. “Ils bloquent les routes et conduisent en sens inverse. Ils ne font que tuer”, accusait récemment Um Omar, une habitante de Bagdad. Il est important de souligner que le fait que les mercenaires n’obéissent pas à la hiérarchie militaire ne suffit pas aux civils irakiens pour les différencier des soldats réguliers de l’armée américaine.

Tous les employés de ces sociétés ne se comportent pas de manière “non professionnelle” comme des “cow-boys” ou comme des “assassins”, ainsi qu’on a pu le dire des hommes de Blackwater ou d’autres entreprises. La plupart sont d’anciens soldats parfaitement compétents. Mais leur mission privée diffère de l’objectif principal de l’armée américaine. Le travail de ces gardes du corps militaires est jugé par leurs supérieurs sur leur seule capacité à conduire leur client d’un point à un autre, et non sur leur aptitude à gagner le c ?ur des Irakiens en cours de route. Cette obsession de la protection aboutit à des pratiques insupportables pour les Irakiens.

Afin de minimiser les risques d’attaque, les employés de sécurité privés conduisent en sens inverse de la circulation, percutent des véhicules civils, lancent des grenades fumigènes et tirent des coups de feu pour avertir du passage d’un convoi. Après avoir passé un mois avec les employés de Blackwater à Bagdad, le journaliste Robert Young Pelton a déclaré : “Ils sont réputés pour leur agressivité. Ils utilisent leurs armes comme des klaxons.”
Dès 2005, certains militaires américains en Irak comme le colonel Hammes s’inquiétaient de voir que l’accomplissement de leur mission par les militaires privés leur “créait de nouveaux ennemis”. En janvier 2007, le colonel Peter Mansoor, grand expert de la lutte anti-insurrectionnelle, déclarait avec force : “Quand ils foncent au milieu des voitures ou quand ils tirent sur un véhicule suspect, ils font peut-être leur travail mais ils nuisent à notre mission, qui est de mettre la population de notre côté. Je préférerais de loin que tous les hommes armés participant à la lutte contre l’insurrection soient soumis à la hiérarchie militaire.”

Des civils participaient aux interrogatoires musclés d’Abou Ghraib

Malheureusement, les sociétés de sécurité privées ont également été impliquées dans d’autres abus bien moins médiatisés que la dernière bavure de Blackwater. Ainsi, la totalité des traducteurs et la moitié des hommes chargés des interrogatoires dans la prison d’Abou Ghraib étaient des salariés privés employés par les sociétés Titan et CACI. L’armée américaine a découvert que les employés de ces sociétés étaient impliqués dans 36 % des abus perpétrés entre 2003 et 2004 dans cette prison et a établi la culpabilité de six d’entre eux pour différentes exactions. Pourtant, alors que les soldats réguliers impliqués dans les mauvais traitements commis sur les détenus à Abou Ghraib ont dû répondre de leurs actes devant une cour martiale, trois ans après les faits, aucun employé de sociétés contractantes citées par les rapports d’enquête de l’armée n’a fait l’objet d’une accusation, d’un jugement ou d’une quelconque condamnation.

En 2006, des vidéos mises en ligne sur Internet montraient des employés de la société Aegis en train de tirer sur des civils avec en fond sonore une chanson d’Elvis Presley, Runaway Train, et témoignaient d’expéditions punitives sauvages d’un responsable de la société Triple Canopy (qui fait aujourd’hui l’objet de poursuites judiciaires après que deux de ses collègues ayant avoué avoir été témoins des fusillades ont été renvoyés).

Blackwater n’est donc pas seul à compromettre les efforts des soldats américains pour conquérir le c ?ur des Irakiens. Mais la société s’est forgé une solide réputation parmi la population irakienne, notamment à cause de son rôle particulièrement exposé de protection des convois de responsables américains.

L’affaire Blackwater a fait scandale non seulement en Irak mais dans tout le monde musulman. Tous les médias régionaux se sont penchés sur cet épisode en insistant sur la responsabilité du gouvernement américain, qui a engagé “ces mercenaires arrogants à la gâchette facile”, comme on a pu le lire dans le Gulf News, un quotidien anglophone édité aux Emirats arabes unis.

Les futurs manuels d’histoire sur la guerre en Irak insisteront sur certains tournants décisifs dans la lutte contre l’insurrection depuis l’invasion et les discours victorieux de Bush sur la “mission accomplie” de 2003. Il sera certainement question, entre autres, de la bataille de Falloudjah, des abus commis sur les prisonniers d’Abou Ghraib et de cette fusillade dans Bagdad qui a coûté la vie à 17 civils et causé l’indignation de tout un pays, tout en paralysant les opérations américaines. Seule différence avec les conflits du passé, le dénominateur commun de tous ces évènements est la présence des mercenaires.

Ni les sociétés de sécurité privées en général, ni Blackwater en particulier ne sont les seules responsables des problèmes que rencontrent les Etats-Unis en Irak. Nous pouvons être certains que l’Histoire retiendra une longue liste de personnalités ou d’organisations fautives. Mais, si ces sociétés ont bien rempli leur contrat, il semble que l’externalisation massive de l’effort militaire se soit faite au détriment de la lutte contre l’insurrection. A l’heure actuelle, le gouvernement américain se penche enfin sur la question, mais il devrait voir plus loin que les problèmes évidents de transparence, de contrôle ou même de responsabilité légale des contractants privés. I

l convient de tout mettre à plat et de revoir le rôle des contractants, notamment dans les opérations de lutte contre l’insurrection ou les missions ponctuelles où aucun débordement ne devrait être toléré. L’arrêt momentané des opérations américaines de diplomatie, de reconstruction et de renseignements après la suspension de Blackwater montre à la fois l’importance du rôle joué par les sociétés de sécurité privées et le terrible engrenage dans lequel nous nous sommes fourrés. Mais il ne suffit pas de faire ce constat. Il faut rendre au gouvernement les missions qui lui reviennent, c’est-à-dire l’affectation des forces armées sur le champ de bataille, la sécurité des responsables gouvernementaux, des convois et autres cibles potentielles, ainsi que la conduite des interrogatoires, des missions de renseignements et les ravitaillements essentiels comme le carburant ou les munitions.

L’important est de reconnaître que les opérations de lutte contre l’insurrection et les missions ponctuelles de sécurité se déroulent sur une ligne de front mouvante. L’amiral Fallon, du CENTCOM, souligne que les militaires privés ne doivent pas faire office d’“armée de remplacement”. “Mon instinct me dit qu’il serait préférable et plus simple qu’ils portent tous l’uniforme et obéissent tous à mon commandement”, dit-il.

Le retour de ces fonctions purement militaires ou gouvernementales à leurs justes exécuteurs prendra du temps, il faudra réaffecter des personnels et modifier les contrats existants. Mais si le Pentagone et le département d’Etat se montrent réticents ou incapables de mettre à plat le système et de rendre au gouvernement les moyens d’accomplir ses missions constitutionnelles, ce sera alors au pouvoir législatif de le faire. Le Congrès a financé toute une série d’externalisations sur lesquelles il ne s’est jamais clairement prononcé : il est aussi grand temps d’agir. Seule une décision directe et honnête peut nous sortir de ce cercle vicieux et éviter une catastrophe. Reste à savoir si nos dirigeants auront le courage de dire non.

Nous connaissons malheureusement déjà la réponse à cette question : le 21 septembre 2007, cinq jours après la fusillade de Bagdad, Blackwater reprenait ses missions de sécurité en Irak.



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P. W. Singer - Salon.com, le 2 octobre 2007 : The dark truth about Blackwater
Via le Courrier international, n° 886, le 25 octobre 2007


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