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Tout autour, la tempête fera rage (2)

vendredi 26 octobre 2007 - 06h:43

Gideon Spiro - Hagada Hasmalit

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« En l’honneur des valeurs de l’armée israélienne »

Une information publiée dans Ma’ariv et Yediot Aharonot (16 octobre 2007) rapportait que sept soldats du 890e régiment de parachutistes avaient été jugés dans une sorte de tribunal de campagne et condamnés à 56 jours de prison par le commandant de régiment, le lieutenant-colonel Yaki Dolef, pour avoir chanté des chansons obscènes dans le réfectoire. Les soldats ont réagi par une espèce de mutinerie, en lançant une grenade fumigène et en abandonnant leur arme au QG du régiment.

Le porte-parole de l’armée a fait savoir que les soldats avaient été jugés parce que « leur comportement était contraire aux valeurs de l’armée israélienne ».

Avec ce bref communiqué de presse, on a, concentré dans une coquille de noix, tout l’univers des valeurs de l’armée d’occupation.
Si vous chantez des chansons gaillardes, c’est contraire aux valeurs de l’armée, mais si vous tuez des enfants, faites sauter des maisons, brimez et humiliez jour après jour des milliers de personnes, faites irruption de nuit dans les maisons et détruisez tout ce qui se trouve sur votre chemin, si vous arrêtez des milliers de personnes pour des détentions arbitraires, là, non seulement vous n’agissez pas à l’encontre des valeurs de l’armée mais vous avez droit, en dignes gardiens de la nation, à une petite tape amicale du chef d’état-major et du Ministre de la Défense.

Mon message aux soldats de l’occupation israélienne est simple : les chansons gaillardes ne sont pas un sommet de la création humaine, mais il vaut mieux que vous chantiez autant de grossièretés qu’il vous plaira et que, simplement, vous refusiez de remplir les missions d’occupation, grossières et laides.

« En l’honneur de l’Etat d’Israël »

Un citoyen britannique, occupé au saint ouvrage de l’élimination des bombes à sous-munitions que l’Etat d’Israël a tirées en quantités phénoménales en direction de centres de population civile libanaise, a été tué en voulant désarmer une de ces fameuses bombes. Ce civil est une victime de l’agressivité et des crimes de guerre d’Israël lors de la seconde guerre du Liban.

Le gouvernement de sa gracieuse Majesté n’a pas encore adressé de vives protestations à Israël ni de demande de versement d’indemnités comme on l’attendrait d’un gouvernement respectant la vie de ses ressortissants, mais voilà : les deux gouvernements se comportent de manière irresponsable à l’égard de la vie humaine, à l’heure où ils se sont établis dans des guerres choisies, l’un en Irak, l’autre en Palestine et au Liban.

« Les kapos »

Dans une interview accordée par le ministre et colon Avigdor Lieberman à la chaîne officielle de la télévision israélienne, celui-ci a comparé à des kapos les gens de Yesh Gvoul et autres militants de mouvements pacifistes.

Qu’étaient les kapos ? L’encyclopédie en ligne Wikipédia les définit comme suit :

« Kapo était le nom donné, à l’époque du génocide juif, au détenu qui supervisait les autres détenus dans les camps de concentration. Les SS nommaient les kapos pour qu’ils veillent à ce que les détenus exécutent leurs ordres. Ils étaient responsables de l’exécution des tâches et de la discipline, de l’ordre et de la propreté parmi les détenus, parfois en les humiliant et en les frappant, formant une composante du régime de terreur que les nazis instauraient dans les camps ».

Dans la mesure où je compte parmi les fondateurs de Yesh Gvoul, je me vois comme un de ces kapos version Lieberman.

Pourquoi sommes-nous des kapos ? Parce que nous estimons que ceux qui perpètrent des crimes de guerre doivent en répondre devant la justice. Et si l’Etat d’Israël et son appareil judiciaire ne sont pas capables de juger les criminels de guerre et leur offrent leur soutien, alors il n’y a pas d’autre moyen que de solliciter l’aide des organismes internationaux qui ont été créés à cette fin.

Lieberman et ses semblables ne sont pas opposés au fait que des tribunaux internationaux jugent des criminels de guerre, pour autant que les criminels israéliens jouissent d’une immunité. Et c’est justement là que nous sommes en désaccord avec Lieberman et le gouvernement israélien : nous considérons que les criminels de guerre israéliens n’ont pas droit à une immunité.

Le tribunal international de La Haye, les tribunaux britanniques ou belges, ou la Cour des droits de l’homme à Strasbourg : sont-ce là des instances avec qui collaborer serait comme collaborer avec les Nazis ? Bien sûr que non, et dès lors, les perles qui sortent de la bouche de Lieberman ne sont que de complètes absurdités comme on en trouve chez les nationalistes de toutes les nations et dans toutes les langues.

J’ai l’honneur d’annoncer que je collabore volontairement et par conviction avec des tribunaux de droits de l’homme de La Haye, Strasbourg, Londres et autres, et si Lieberman et ses pareils voient en moi un kapo, je ne peux que secouer la tête en me désolant de ce que le bonhomme soit aussi ignorant de l’histoire des Juifs aux temps modernes.

Il y a encore, venant essentiellement de journalistes comme Ben Dror Yemini, Dan Margalit, Joseph Lapid et leurs équivalents dans le système politique, un autre type de réactions aux propos de Lieberman consistant, grosso modo à dire : la comparaison de Lieberman est offensante, mais de quoi la Gauche se plaint-elle, alors qu’elle recourt, elle aussi, à la comparaison avec les nazis ?

Il faut prendre la mesure de cet argument.

Une comparaison n’est pas l’autre. Il y a des comparaisons absurdes, simplement pour l’excitation, et il y a des comparaisons justes et pertinentes : il ne faut pas confondre les unes avec les autres.

Quand l’Etat d’Israël instaure une loi interdisant à ses seuls citoyens arabes l’unification familiale à l’intérieur d’Israël, avec un conjoint venant des territoires occupés, il s’agit bien d’une loi offrant un petit parfum de Nüremberg, un type de discrimination raciste dont nous avons été victimes ; dès lors, la comparaison est correcte. Lorsque des garde-frontière israéliens maltraitent de jeunes Palestiniens rencontrés en chemin, leur donnent des coups assassins, leur brisent les os et les forcent à boire leur urine, ce sont des violences de nazis, et là, la comparaison est à sa place. Lorsque des soldats israéliens attrapent de jeunes Palestiniens, leur écrivent des chiffres sur le bras, les obligent à creuser leur tombe puis les font se coucher et commencent à les couvrir de monceaux de terre, ce sont des violences puisées à l’école nazie dont nous avons été victimes, et la comparaison est dès lors à sa place.

Lorsque le gouvernement israélien construit des routes pour Juifs uniquement, cela rappelle une exclusion sur base nationale, ethnique ou religieuse dont nous avons été les victimes dans l’Allemagne nazie, et la comparaison est par conséquent pertinente. Lorsque l’ancien député Meir Kahana traitait les Arabes de chiens et proposait des lois raciales, même la Cour suprême, qui manifeste pourtant une grande compréhension pour le racisme israélien dans les Territoires occupés, n’a pas pu se retenir d’établir une comparaison entre les lois de Kahana et les lois raciales nazies. Et là encore, la comparaison était pertinente.

Une conclusion générale s’impose : une comparaison dont la visée est de combattre le racisme et la discrimination ne suit pas la même logique qu’une comparaison faite pour ancrer le racisme et la discrimination et les perpétuer.

On a entendu des pacifistes appeler à porter plainte en diffamation contre Lieberman. Je suggère que l’on soupèse au mieux une telle démarche à laquelle je m’oppose pour plusieurs raisons.

D’abord, pour le principe de la liberté d’expression. Lieberman n’a pas calomnié quelqu’un personnellement mais est resté dans le domaine de la généralité politique. Que Lieberman dise tout ce qu’il veut, il faut l’affronter sur la scène publique. Toute limite mise à sa liberté d’expression est susceptible de nous revenir comme un boomerang.

Ensuite, je ne suis pas sûr que les tribunaux nous suivraient. L’orientation à droite a aussi gagné l’appareil judiciaire, et le nombre de décisions de justice appuyant la discrimination, le racisme et l’apartheid ne cesse de croître d’une manière inquiétante.

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Gideon Spiro

Si les plaignants devaient tomber sur un juge colon - et, pour notre honte, il y en a déjà quelques-uns dans l’appareil judiciaire israélien, dans la justice de paix comme dans les tribunaux de districts - ou sur un juge de droite dans le style de Rubinstein à la Cour suprême, nous pourrions y perdre notre chemise et beaucoup de sous.

Gideon Spiro est un des fondateurs de Yesh Gvoul, ("Il y a une limite").


Du même auteur :

- 12e anniversaire de l’assassinat d’Yitzhak Rabin
- La Cour de l’expulsion : que celui qui est surpris se lève

Gideon Spiro - Hagada Hasmalit, le 18 octobre 2007
Traduit de l’hébreu par Michel Ghys


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