La solution à un seul Etat : une nouvelle perspective ?
lundi 15 octobre 2007 - 06h:06
Remi Kanazi - The Electronic Intifada
Un avenir partagé pour les Israéliens et les Palestiniens dans une société démocratique et tolérante, où deux peuples qui se sont battus pendant des décennies conviennent de règles auxquelles ils peuvent souscrire ?
- Une simple pierre contre toute la violence de la dépossession et de l’apartheid ...
Photo : Stop The Wall
Depuis des années, le conflit israélo-palestinien est embourbé dans une série de négociations de paix ratées, empêtrant les juifs israéliens et les Palestiniens dans une lutte en apparence sans issue. Même 59 ans après la création de l’Etat d’Israël, les juifs n’ont toujours pas obtenu la sécurité qu’ils recherchent ; pour leur part, les Palestiniens - ceux qui ont été spoliés en 1948 et 1967, et les 3,8 millions qui vivent sous occupation israélienne - n’ont pas obtenu de solution juste à un conflit qui a entaché leur histoire et modelé leur identité. La communauté internationale, y compris nombre d’Israéliens et de Palestiniens, continue à souscrire à la solution des deux Etats, seule manière selon eux de résoudre le conflit.
Le nouveau livre d’Ali Abunimah, One Country : A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse, dénonce l’impraticabilité de la partition et présente une perspective de rechange qui englobe les deux peuples sur la base de l’égalité des droits. Abunimah parle de la solution d’un seul Etat.
La solution des deux Etats dans l’impasse
One country commence par révéler les différentes strates de l’occupation israélienne et la sinistre réalité de la solution à deux Etats proposée. L’idée reçue aux plans international et palestinien est la solution des deux Etats : les Palestiniens occuperaient 22 pour cent de la Palestine historique, à savoir la Cisjordanie et la Bande de Gaza, avec Jérusalem-Est pour capitale. Les Palestiniens (qui sont dans leur droit en vertu de la résolution 194 des Nations unies) insistent pour retourner dans leur patrie ou pour être dûment dédommagés de leur expulsion. Pourtant, aucun Premier ministre israélien, aucune personnalité de premier plan n’ont jusqu’ici soutenu ce droit et aucun gouvernement israélien n’a proposé le retrait complet de la Cisjordanie, de la Bande de Gaza et de Jérusalem-Est.
Abunimah révèle que pendant les entretiens de Camp David en 2000, l’offre la plus « généreuse » faite par Israël aux Palestiniens ne comprenait que 76,6 pour cent de la Cisjordanie (tandis qu’Israël aurait annexé effectivement Jérusalem-Est et les eaux territoriales de la Mer Morte) ; Israël exigeait pour sa part que « 80 pour cent au moins des colons restent sur place ». Abunimah poursuit : « Israël ... a insisté sur un contrôle permanent de l’espace aérien palestinien et sur une longue liste de lourdes dispositions de ?sécurité’ ; ces dernières enlèveraient toute indépendance réelle à l’Etat palestinien et ouvriraient les portes toutes grandes aux man ?uvres dilatoires et aux reculades comme cela s’est passé avec les Accords d’Oslo ».
Israël ne pouvait simplement pas se retirer de toute la Cisjordanie. Pour survivre, il lui fallait reculer ses frontières et augmenter le pourcentage de juifs dans la population. Une fois les colonies intégrées dans le schéma israélien, les différentes administrations états-uniennes l’ont accepté et déclaré - en privé et en public- qu’Israël avait le « droit » de garder des « parties » des colonies dans une solution finale à deux Etats. Le processus de règlement reléguait toutefois les Palestiniens dans des ghettos inaccessibles, dépeçant la terre palestinienne de telle façon qu’un Etat contigu devenait inconcevable. Israël ne s’est jamais écarté de son plan initial qui était d’annexer les colonies dans un Etat élargi. Abunimah affirme a juste titre : « Il n’est pas crédible qu’une société investisse des milliards dans des routes et des logements auxquels elle a vraiment l’intention de renoncer ».
Que ce soit celui de Camp David de 2000 ou une foule d’autres propositions, y compris l’initiative censément pacifiste de Genève (laquelle s’écartait à peine de la proposition de Camp David), aucun plan prévoyant deux Etats séparés n’a pu satisfaire tant les Israéliens que les Palestiniens.
On attend toujours une initiative de la part de la gauche ou de la droite israéliennes qui ne se contente pas de perpétuer les erreurs d’Oslo et les politiques égotistes du« processus de paix ». Abunimah prétend que les plans recommandés par des gens de gauche, tels que Yossi Beilin, « cherchent à faire accepter aux Palestiniens l’annexion israélienne des territoires et le refus israélien de laisser les réfugiés rentrer dans leur pays ». Abunimah ajoute : « les dirigeants de la grande gauche israélienne en sont venus à embrasser un Etat palestinien en théorie tout en le sapant dans la pratique ». L’appropriation de la terre palestinienne et l’expansion des colonies se sont accélérées sous les gouvernements de gauche, brisant le mythe selon lequel seules des administrations « pacifistes » pouvaient faire la paix avec les Palestiniens. Ce qu’il faut à ces derniers, c’est un partenaire viable, prêt à traiter avec leur gouvernement sur une base d’égalité et d’acceptation ; ce partenaire ne se contenterait pas de paroles, mais poserait des actes.
Une nouvelle conception a vu le jour sous le gouvernement d’Ariel Sharon. Le militaire à la poigne de fer, autrefois obsédé par l’annexion de ce qui restait de la Palestine occupée, s’est confronté à la réalité démographique israélienne : Israël ne pouvait pas contrôler indéfiniment les territoires occupés sans assumer finalement la responsabilité de ses habitants. Cette évolution a déclenché un mouvement vers l’unilatéralisme, transformant ironiquement Sharon (aux yeux de la communauté internationale) de foudre de guerre en « homme de paix ». Le « désengagement » unilatéral articulé dans le programme du nouveau parti Kadima de Sharon essayait simplement de garantir à Israël une majorité juive fût-ce au prix d’un réaménagement militariste et territorial. Tout en se « désengageant » de la Bande de Gaza et en déménageant 8500 colons (mais en gardant le plein contrôle des frontières, de l’espace aérien et des ports de Gaza), Sharon installait 14 000 colons supplémentaires en Cisjordanie la même année. La séparation a été jugée vitale pour des raisons démographiques, le but fondamental restant d’annexer autant de territoire et d’installer autant de colons que possible.
L’accaparation continue de terres, le prolongement du mur d’apartheid, et les efforts inlassables faits pour augmenter la population de colons ne font qu’aggraver le conflit ; la leçon qu’en retirent les Palestiniens est qu’un Israël unilatéraliste se désintéresse de la paix. Selon Abunimah, l’unilatéralisme « offre à Israël un Etat juif sioniste au prix d’une perpétuelle effusion de sang, du désespoir croissant des Palestiniens, qui, en dépit de tous les efforts déployés pour les ex murer, priveront les Israéliens de la normalité à laquelle ils aspirent. Ce n’est pas une solution, mais une dangereuse délusion. Abunimah relève : « Même si la plupart des politiciens israéliens ne préconisent pas ouvertement l’expulsion des Palestiniens, il est alarmant de les voir tolérer ceux qui le font ».
Les éléments extrémistes en Israël sont aussi confrontés à une certitude décourageante : l’arrivée de juifs dans l’Etat d’Israël n’augmente pas régulièrement ; il n’est pas possible de garantir démocratiquement une majorité juive étant donné que le taux des naissances palestinien en Israël dépasse de loin celui des juifs. Certains extrémistes ont réclamé l’expulsion pure et simple de la population palestinienne vivant en Israël vers les Etats arabes voisins ; ils vont un pas plus loin que ceux qui veulent garder les Arabes hors du pays et empêcher les Palestiniens de rentrer chez eux. D’autres ont demandé des lois sur la limitation sélective des naissances pour la population arabe ; un journal de langue russe, raconte Abunimah, « a publié un article proposant que les Arabes mâles soient menacés de castration et que les familles arabes « qui ont plus d’un enfant » soient « privées de prestations sociales, renvoyées de leur emploi et soient menacées d’exil ».
Les groupes réclamant l’expulsion des Palestiniens, tels que Yisrael Beytenu et l’Union nationale ne sont pas des factions marginales sans pouvoir. Le dirigeant de Yisrael Beytenu, Avigdor Lieberman, est maintenant Ministre des affaires stratégiques et Vice Premier Ministre tandis qu’Yisrael Beytenu fait partie du gouvernement de coalition dirigé par Kadima depuis octobre 2006. Les craintes devant de telles politiques extrémistes se sont avivées après la guerre de l’été contre le Liban qui a forcé des centaines de milliers de Libanais à fuir leurs maisons. Ces attitudes extrémistes renforcent l’échec du « camp de la paix » israélien et illustrent plus avant l’infaisabilité de la solution des deux Etats.
Abunimah critique globalement la solution des deux Etats en se fondant sur une argumentation que tout lecteur cherchant une nouvelle approche à la solution du conflit jugera essentielle. Abunimah propose :”La création d’un seul Etat pour les juifs israéliens et les Palestiniens pourrait en théorie résoudre les questions les plus inextricables : le sort des colonies israéliennes construites depuis 1967, les droits des réfugiés palestiniens et le statut de Jérusalem ». L’alternative est un conflit perpétuel, le manque de sécurité pour les juifs et les Palestiniens ainsi que des troubles régionaux et la poursuite de la politique étrangère partiale pratiquée par les Etats-Unis ; celle-ci ne profite à personne si ce n’est à quelques privilégiés en Israël, en Amérique et à une poignée de collaborateurs au sein de l’Autorité palestinienne.
Des destins entrelacés
Au fil du temps, la plupart des Israéliens et des Palestiniens se sont rendus compte qu’indépendamment du règlement du conflit, les juifs et les Palestiniens d’Israël continueront à vivre ensemble et les Palestiniens des territoires occupés resteront sur leur terre. Abunimah propose une solution qui répond aux besoins géographiques des deux peuples. Il affirme : « Le principal attrait d’un seul Etat démocratique est qu’il permet aux deux peuples de profiter du pays entier et d’y vivre tout en sauvegardant leurs communautés respectives, compte tenu de leurs besoins spécifiques. Cette formule offre la possibilité de déterritorialiser le conflit tout en neutralisant la démographie et l’ethnicité comme sources de pouvoir et de légitimité politique ».
Abunimah trace un plan de huit principes (basé sur la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’accord de Belfast) pour la solution d’un seul Etat. Les documents et les modèles réputés sur lesquels il se base, donnent à son raisonnement une crédibilité qui manque vraiment à la solution des deux Etats. Bien que l’appel à la solution des deux Etats ait été assorti de slogans et de promesses de paix, on ne s’est guère efforcé de préciser ce que la réalisation de la paix suppose.
Beaucoup de juifs israéliens prétendent que les Palestiniens ne veulent pas faire partie d’une société libre et juste avec les juifs d’Israël. Pourtant, tout comme dans la plupart des sociétés, les gens se retrouvent dans des domaines tels que l’économie et l’éducation, et se séparent dans les conflits et l’oppression.
Abunimah signale : « En Israël, bon nombre d’électeurs arabes ont traditionnellement soutenu le parti travailliste pour des raisons de politique économique et sociale en dépit de son idéologie sioniste qui les rebute. « La route vers la solution d’un seul Etat ne sera pas facile, mais c’est la seule réalisable qui garantisse la sécurité des deux peuples. Abunimah cite souvent le processus démocratique belge « une démocratie moderne pratiquant le suffrage universel... avec des garanties modestes » comme un modèle vers lequel Israéliens et Palestiniens pourraient se tourner. La Belgique poursuit son travail de réforme constitutionnelle qui, dit Abunimah, a fait baisser le séparatisme dans la société belge [concernant l’exemple belge, les avis sont partagés - N.dT].
Nombre de détracteurs d’Abunimah craignent que la formule d’un seul pays pourrait en fait réussir au détriment des idéaux de domination et d’exclusion politiques. La perspicacité d’Abunimah donne des raisons d’espérer. Son approche est profondément sincère ; elle mérite l’admiration et devrait être prise au sérieux. La raison principale pour laquelle la solution d’un seul pays proposée par Abunimah peut réussir tient à ce qu’elle fait avancer les deux peuples sur un pied d’égalité.
Dans un conflit comme celui-ci, l’intention vaut l’action : si deux personnes avancent sur le bon chemin et qu’elles agissent en bonne foi, la crainte de l’autre reculera lentement avec chaque pas positif. [One Country] n’est pas un piège ouvrant aux Palestiniens l’accès à l’ensemble de la Palestine historique. Abunimah s’emploie pendant tout le livre à aborder non seulement les problèmes palestiniens tels que leur droit au retour et leurs droits de propriété ; il discute aussi des droits de propriété des juifs qui ont perdu leur maison après 1948 dans le monde arabe.
En outre, Abunimah comprend l’importance du retour en Israël des juifs de la diaspora. Feu Edward Said partageait cette opinion : le peuple palestinien ne peut pas avancer en marginalisant la population juive ; le but est plutôt de raffermir les deux communautés qui entreprendraient le chemin ensemble.
Abunimah aborde des questions controversées telles que le système éducatif israélien, la disparité de financement entre juifs et Palestiniens pratiquée par la société israélienne et il présente « une suggestion pour un avenir partagé par les Israéliens et les Palestiniens dans une société démocratique et tolérante, où deux peuples qui se sont battus pendant des décennies conviennent de règles auxquelles ils peuvent souscrire ».
Néanmoins, il est difficile d’imaginer comment Israéliens et Palestiniens peuvent faire l’inimaginable et forger un avenir commun après tant d’années de conflit. Les uns et les autres ont beaucoup à apprendre du modèle sud africain et de la chute de l’apartheid. Abunimah rappelle que la paix et la réconciliation semblaient impossibles aux Afrikaners blancs et à la population noire autochtone. La domination blanche de l’Afrique du Sud avait duré 400 ans ; les deux ethnies racontaient leur histoire à leur façon. Une solution pacifique au conflit semblait inconcevable et pourtant c’est ce qui est arrivé.
Abunimah signale les similarités évidentes entre la narration sioniste de l’histoire et celle des Afrikaner blancs toutes deux « modelées par des souvenirs d’expulsions, de persécution, de rédemption et de résurrection et inspirées par la recherche obstinée de la survie nationale ». Les deux groupes ont établi leur revendication sur le mythe de populations autochtones non civilisées qui rejetaient par haine la domination des nouveaux venus. A en croire les sionistes et les Afrikaners, ils apportaient à leurs populations non civilisées respectives une meilleure vie et de nouveaux progrès technologiques. Ils prétendaient que la population autochtone aurait dû apprécier leur arrivée.
Il n’est pas surprenant que le gouvernement israélien ait été un partisan affirmé du gouvernement d’apartheid, même après le revirement de la communauté internationale et l’institution de sanctions. Abunimah : « Les arguments des sionistes et des pionniers afrikaners plaçaient Palestiniens et Africains devant un choix implacable : se soumettre ou disparaître ». La population afrikaner était aussi persuadée que si elle devait lâcher le contrôle et donner des droits à la barbare population africaine, celle-ci utiliserait ce nouveau pouvoir pour chercher à la détruire. Les sionistes suivent le même raisonnement : remettre le contrôle à la population palestinienne équivaudrait à faire rejeter les juifs à la mer. La chute de l’apartheid et le processus de réconciliation opéré en Afrique du Sud ont détruit le mythe selon lequel la population noire marginalisée et opprimée chercherait à se venger. Selon Abunimah, une fois que les blancs ont été forcés de surmonter leur peur de la suprématie et de la vengeance noires, il est devenu beaucoup plus facile de mettre en oeuvre une solution juste et d’engager la réconciliation.
Il explique que la réconciliation a été principalement le fait de Nelson Mandela : « Mandela encouragea les Sud Africains à embrasser tout Afrikaner qui abandonnerait l’apartheid, moyennant quoi les Afrikaners ont acquis leur légitimité aux yeux des autres Sud Africains, légitimité qu’ils avaient été incapables d’arracher pendant les siècles de leur domination. Cette man ?uvre, incroyablement simple et puissante, a pourtant échappé jusqu’ici à la plupart des Israéliens et des Palestiniens ».
Abunimah dit que les Palestiniens doivent s’inspirer de l’ANC (Congrès national africain) de Mandela et de sa Charte de la liberté, qui inciterait les Palestiniens à tendre la main au peuple israélien. Malheureusement, ce sont habituellement les opprimés qui doivent faire preuve de leur désir de paix et d’espoir et qui doivent engager une campagne interne et globale pour faire lever les mesures injustes qui leur sont imposées. Les Palestiniens ne sont pas encore arrivés à ce modèle parce que, dit Abunimah, leurs blessures sont récentes, tandis que les Sud Africains noirs avaient subi la domination blanche depuis plus de 400 ans. Il dit que c’est la raison pour laquelle le principe de l’égalité calmera les peurs des deux peuples. « Dès qu’Israéliens et Palestiniens s’engageront à une égalité complète, rien ne justifiera des Etats séparés.
Vers un nouveau mouvement palestinien
Ali Abunimah lit des extraits de One Country et répond aux questions à la Faculté de droit de Columbia.
(nigelparry.net)
- Ali Abunimah
Il faut absolument que les Palestiniens utilisent et développent leur mouvement de résistance. Bien que celui-ci se soit étendu en Palestine, il lui reste beaucoup à faire. Des manifestations, comme celle contre le mur d’apartheid à Bil’in (qui regroupait non seulement des Palestiniens, mais aussi des juifs israéliens et des militants internationaux) sont des pas essentiels dans la bonne direction ; toutefois elles ne se sont pas étendues aux territoires occupés et en Israël au point de toucher sensiblement la société israélienne.
Le mouvement mondial de désinvestissement a suscité de l’intérêt et a établi un dialogue entre plusieurs églises et de nombreux syndicats d’enseignants et de travailleurs. Les arts et la culture ont servi de modèles de résistance ; on citera : l’exposition Made in Palestine aux Etats-Unis, le tremplin fourni par ?My Name is Rachel Corrie après qu’une compagnie théâtrale l’eut retiré de l’affiche à New York, la quantité de festivals de films palestiniens dans le monde entier et le mouvement hip hop palestinien qui s’est répandu non seulement dans les territoires occupés, mais dans toute la diaspora. En outre, beaucoup d’individus et de groupes ont utilisé internet comme moyen de documenter et de faire connaître la narration palestinienne, notamment Electronic Intifada (dont Abunimah est cofondateur). Mettre sur pied et soutenir ces formes de résistance et trouver de nouvelles méthodes sont des initiatives vitales pour le peuple palestinien et ses sympathisants.
Sur le plan interne, les groupes palestiniens maintiennent leur supériorité morale depuis qu’ils ont cessé leurs attentats suicides ciblant des civils ; ils doivent toutefois poursuivre leur campagne de résistance. D’après Abunimah : « C’est seulement quand les pressions internes et externes ont rendu le monopole du pouvoir trop coûteux que les blancs ont cherché une issue et ont écouté sérieusement les idées de l’ANC. Il s’ensuit qu’il est aussi essentiel de poursuivre la résistance et la lutte pour que le statu quo coûte plus cher à la partie dominante. Toutefois, un équilibre délicat suppose que la résistance exige un prix qui évite de créer tellement de nouvelles souffrances que la réconciliation devienne impossible ».
Il est facile aux Israéliens et aux Américains de se dérober aux négociations en proclamant qu’ils ne les engageront qu’après la fin des attaques aux roquettes lancées par les Palestiniens (attaques qui ont tué moins de cinq Israéliens ces cinq dernières années). En revanche, disent les Palestiniens, comment pouvons nous arrêter les attaques alors qu’Israël mène des « opérations » dans les territoires occupés et tue souvent plus de cinq civils par jour ? Néanmoins, des négociations vers un avenir commun doivent avoir lieu, comme ce fut le cas en Afrique du Sud, et elles doivent se poursuivre, que le conflit se calme ou non. Abunimah explique : « Tout comme Israël, le gouvernement blanc d’Afrique du Sud maintenait qu’il ne négocierait pas aussi longtemps que la violence continuait » ; et pourtant Abunimah cite l’ancien Président du régime d’apartheid F.W. de Klerk qui a dit : « L’Afrique du Sud se consumait dans la violence, mais personne ne s’offrait le luxe de croire que nous pouvions attendre de négocier jusqu’à la fin de la violence ».
Les leçons à tirer de l’Afrique du Sud sont précieuses tant pour les Israéliens que pour les Palestiniens. Abunimah : « Ce que les Palestiniens peuvent apprendre de l’Afrique du Sud est que la promesse d’un avenir de réconciliation plutôt que de vengeance peut enlever à un système injuste le soutien dont il a besoin pour survivre ; ces systèmes sont en effet édifiés sur la peur - dans le cas d’Israël et de l’Afrique du Sud, la peur ... d’être anéantis. Les Israéliens doivent apprendre à écouter leurs ennemis plutôt que de les diaboliser ; ils auront ainsi un avenir sûr, libéré du fardeau que représente la domination de l’autre par la force ». Cela ne veut pas dire que le processus se fera du jour au lendemain. Il passera par des étapes progressives, positives ; il peut gagner en vitesse et améliorer l’avenir des deux peuples.
Les sondages effectués parmi les Palestiniens montrent constamment que ceux-ci veulent la paix et qu’ils sont disposés à cohabiter avec les Israéliens. Les principaux griefs des Palestiniens continuent à porter sur l’injustice de l’occupation, le rejet du droit au retour et l’absence d’une proposition de règlement qui comprenne leur version de l’histoire et leurs droits. Après 39 ans d’occupation, les Palestiniens restent inébranlables dans leur demande de démocratie et d’égalité dans leur société. Bien que le Hamas ait été élu à une majorité écrasante lors des élections de 2006, les Palestiniens n’ont pas réclamé l’instauration de la loi islamique ; ils ont plutôt utilisé leur vote démocratique pour demander des réformes et expulser le gouvernement voyou et égotiste dirigé par le Fatah. Dans la solution d’un seul Etat, les identités culturelles et communautaires seraient sauvegardées, mais elles ne compromettraient pas nécessairement la faisabilité de la coexistence des deux peuples comme c’est le cas dans beaucoup d’autre sociétés composites aujourd’hui (et comme c’est le cas du 1,3 million de Palestiniens qui vivent en Israël, bien que dans une situation d’inégalité). Edward Said a dit au sujet des possibilités offertes par un seul Etat en 1998 : « Une fois que l’autre aura été initialement reconnu, je crois qu’aller de l’avant sera la seule possibilité et qu’elle sera même attrayante ».
Beaucoup d’autres grands penseurs comme Azmi Bishara, Joseph Massad et George Bisharat ont préconisé la solution d’un seul Etat pour mettre fin à l’actuel conflit.
Abunimah : « Ceux qui croient depuis des années à la solution des deux Etats ont fini par se rendre compte qu’elle n’offre que des promesses de paix illusoires ». Il serait bête de suggérer que la solution d’un seul Etat puisse se matérialiser du jour au lendemain alors qu’il reste d’innombrables obstacles à surmonter et que d’autres surgiront assurément, mais un nombre croissant de Palestiniens et d’Israéliens ont finalement conclu que la solution d’un seul Etat est la seule raisonnable pour sortir de l’impasse, ce qui augmente ses chances.
Le livre d’Abunimah peut ne pas être la clé d’une solution à un seul Etat comme l’auteur l’admet volontiers, mais il est sûrement un guide solide pouvant aider Palestiniens et Israéliens à résoudre le conflit.
Le message de One country éveille un espoir de réconciliation et trace une voie complexe, soigneusement pensée pour deux peuples qui méritent non seulement de se réconcilier, mais aussi d’avoir un avenir prospère.
* Remi Kanazi est le principal auteur du site politique Poetic Injustice. Il est l’éditeur d’un prochain livre de poésie : Poètes pour la Palestine ; pour plus d’information allez à Poetic Injustice. Vous pouvez écrire à Remi Kanazi par courriel à remroum@gmail.com
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16 janvier 2007 - The Electronc Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : amg