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L’échec scolaire est le prix payé par les enfants de Gaza pour le blocus international

samedi 13 octobre 2007 - 19h:12

Donald Macintyre - The Independent

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Gaza - Toujours polies et impeccables dans leurs uniformes de chemises rayées bleues et blanches, les élèves adolescentes de l’école préparatoire Al Deraj dirigée par les Nations Unies étaient au début réticentes à expliquer pourquoi elles étaient à présent dans une classe de rattrapage.

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Photo : Naela Khalil/IRIN

« Nous ne pouvons pas nous concentrer, » nous dit Kholoud Shehada, âgée de 15 ans. « Nous avons d’autres choses à l’esprit. » Quoi exactement ? Kholoud fait une pause avant de répondre en hésitant : « Mon père est sans emploi. »

Peu à peu encouragées, les filles ont commencé à parler. Elles voudraient de nouveaux vêtements pour la prochaine Eid al Fitr, une des deux grandes fêtes religieuses dans le calendrier musulman et un temps fort pour les dons et les célébrations ; mais elles savent que c’est peu probable. « Il y a beaucoup de choses dont nous manquons, » explique Raja Abu Asser, 16 ans. « Nos parents sont sans emploi. Il est même difficile pour eux d’obtenir la papeterie de base dont nous avons besoin. Les conditions de vie sont difficiles. Nous aimons notre école mais nous voudrions une fête de l’Eid qui soit heureuse. »

Et il y a d’autres problèmes à la maison, certains venant d’un taux de chômage sans précédent dans Gaza qu’un fonctionnaire de la banque mondiale a situé en juillet à près de 44%. « Certains des parents des filles se font concurrence les uns les autres, » dit Sojoud Nattat, 15 ans.

Avec leurs sourires prêts à accueillir avec chaleur les visiteurs, les filles mettent le doigt - et en les minimisant - sur seulement quelques-unes des causes qui ont entraîné une chute dans les indicateurs par rapport à l’éducation à travers la bande de Gaza ravagée au cours des deux dernières années par le conflit interne et externe et par la pauvreté toujours plus pesante.

Les chiffres de l’UNRWA [Agence des Nations Unies pour les Réfugiés Palestiniens] prouvent que dans leurs écoles - qui couvrent les besoins en éducation des familles de réfugiés qui composent les trois quarts des 1,4 million d’habitants dans Gaza - les taux d’échec aux examens d’arabe pour les catégories de 4 à 9 (des âges de 9 à 15 ans) ont augmenté de 34,9% pour la catégorie 4 jusqu’à un pic de 61,1% pour la catégorie 8.

Et les chiffres pour les mathématiques sont encore pires. Dans chaque catégorie entre 4 et 9, il y a plus de 65% d’échecs et dans la catégorie 6 le taux d’échec est même de 90%.

Et pour bien montrer que le problème est spécifique à Gaza (ou au moins aux Territoires Occupés, le système d’examen adopté en Cisjordanie rendant la comparaison impossible) les résultats sont nettement plus mauvais que ceux données par l’UNRWA dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban et en Syrie. Au Liban, un peu plus de 90% des jeunes palestiniens ont passé l’examen de licence de leur dernière année universitaire ; en Syrie juste un peu moins de 90% ont passé l’examen préparatoire d’état.

Les résultats seraient un véritable choc n’importe où ; pour les Palestiniens, et pas les derniers dans Gaza, qui considèrent l’éducation comme la valeur la plus élevée, c’est une catastrophe sociale.

Selon Amna Nabahin, la tête pensante de l’école, c’est sans aucun doute la pauvreté et le chômage qui sont en tête d’une longue liste « de facteurs en cause ». Il est évident que toutes les années d’un conflit sanglant ont leur part de responsabilité mais un enfant « dont les parents ne peuvent pas satisfaire les besoins de base comme un uniforme scolaire, l’argent des fournitures ou l’argent de poche sera anxieux et ne progressera pas dans ses études, » nous explique Amna.

Sur un fond de deux ans d’un boycott économique international draconien et - depuis le changement de pouvoir sanglant au profit du Hamas en juin - de bouclage permanent par Israël du point de passage principal de Karni qui a provoqué l’arrêt de l’industrie et le licenciement de 50 000 ouvriers, 10% des filles admettent qu’elles viennent à l’école sans avoir pris de petit-déjeuner - et le véritable nombre est probablement plus élevé. « Beaucoup de filles sont très intimidées et embarrassées à l’idée d’avouer qu’elles n’ont pris aucun petit déjeuner, » ajoute-t-elle.

Avec des donations qui au moins localement ont augmenté, Amna a mis en place un programme pour fournir gratuitement des déjeuners à l’école. La solidarité est si développée parmi les filles qu’ « une fille est venue nous dire que son père avait eu un travail et qu’elle voulait qu’une autre fille prît sa place pour les déjeuners gratuits ». Amna nous raconte aussi que la mère d’une fille qui est restée absente durant le premier mois est finalement venue la voir pour admettre que c’était parce qu’elle ne pouvait pas se procurer l’uniforme [que Mme Amna Nabahin a ensuite réussi à lui fournir].

Soit qu’ils sont trop occupés à tenter de sauver la cohésion de leurs familles ou à rechercher du travail, soit en raison de l’apathie souvent induite par le chômage, Mme Nabahin nous raconte que seulement près de la moitié des 120 parents invités à une récente réunion se sont déplacés. Un article à l’ordre du jour était la violence domestique - des maris à l’encontre de leurs épouses, des pères contre leurs enfants et des frères contre les soeurs - qui selon Mme Nabahin a augmenté au cours des deux ou trois dernières années. « Un père qui est sans emploi devient agressif et ceci affectera la vie de famille et rendra l’enfant moins créatif, » ajoute-t-elle.

Avec un nombre très insuffisant de salles de classe, le jour d’école est couoé en deux. Et avec des classes de 45 à 48 élèves, Mme Nabahin explique que « chaque fille n’a pas le droit de s’exprimer et le professeur ne peut pas suivre chaque enfant ».

En dépit de son manque chronique de ressources face à une demande qui ne cesse d’augmenter l’UNRWA fait de remarquables efforts pour résoudre la crise. Ceci inclut de remplacer les passages automatiques en classe supérieure en fin d’année par des cours de rattrapage comme ceux d’Al Deraj, en limitant la taille des classes pour les garçons - dont les résultats sont plus mauvais que pour les filles - à 30, en construisant une nouvelle université pour la formation de professeurs, à ouvrir des classes supplémentaires en arabe et en mathématiques, et à recruter 1500 nouveaux assistants professeurs à travers le territoire. « L’impact des années de violence, des bouclages, de la pauvreté endémique est clairement visible dans les résultats des examens, » nous dit John Ging, le directeur des opérations de l’UNRWA dans Gaza, ajoutant qu’en dépit de tous les défis « nous sommes déterminés pour que nos réformes et notre route vers l’excellence dans les écoles de l’UNRWA soient des réussites ».

Ce sera une lutte diffficile, particulièrement durant tout le temps que durera l’isolement imposé à Gaza par la communauté internationale et Israël. On ne risque pas de sur-estimer l’impact sur une génération d’écoliers dans Gaza que le porte-parole Chris Gunness d’UNRWA décrits comme « profondément désespérés ». Il ajoute : « Nous prenons le risque de radicaliser des personnes qui veulent seulement vivre dans une certaine prospérité et dans la dignité ».

Du même auteur :

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- Un triomphe pour le Hamas... mais une tragédie pour les Palestiniens ?
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6 octobre 2007 - The Independent - Vous pouvez consulter cet article à :
http://news.independent.co.uk/world...
[Traduction : AIO - Info-Palestine.net]


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