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Ce que veut Israël, Israël l’obtient

samedi 13 octobre 2007 - 06h:53

Joharah Baker - Miftah

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Une nouvelle réalité qui nous prend par surprise, comme un cancer qui nous ronge toujours plus. Aujourd’hui, la tumeur a grossi dans des proportions exponentielles et elle sera extrêmement difficile à exciser.

Il y a un fil continu, un enchaînement, dans la politique israélienne pour les territoires palestiniens. Tout observateur attentif peut remarquer la façon dont Israël d’abord lance publiquement une idée - idée pourtant grotesque -, comment il laisse ensuite les Palestiniens et la communauté internationale la digérer avant de la mettre en ?uvre. De cette façon, sa politique et ses applications choquent moins et paraissent plus acceptables une fois que les choses se sont calmées.

Nous avons tous pu l’observer maintes et maintes fois. Lorsque la première Intifada Al Aqsa a éclaté, il n’y avait aucun check-point à Qalandya ni à Huwwara et il n’y avait pas de mur de séparation. Jérusalem, bien qu’en principe fermée à la Cisjordanie mais par des check-points inefficaces et extrêmement coulants, était plus ou moins accessible à la plupart des Palestiniens. Non pas que la situation était idéale pour les Palestiniens car si cela avait été, il n’y aurait pas eu d’Intifada. Mais il y un tout un monde entre la situation antérieure au 29 septembre 2000 et la situation actuelle, une nouvelle réalité qui nous prend par surprise, comme un cancer qui nous ronge toujours plus. Aujourd’hui, la tumeur a grossi dans des proportions exponentielles et elle sera extrêmement difficile à exciser.

Dès le début, en mars 2001, le Premier ministre israélien d’alors, Ariel Sharon, avait présenté un plan de 100 jours pour réprimer le soulèvement palestinien, plan qui comprenait tout un labyrinthe de check-points à travers la Cisjordanie, des couvre-feux, des opérations militaires et l’isolement de la bande de Gaza. Un check-point grossièrement improvisé s’est monté à Qalandiya presque immédiatement, présage de mauvais augure pour la configuration à venir.

Ce check-point n’était que l’ombre de ce qu’il est devenu aujourd’hui, avec ses terminaux perfectionnés, ses espaces d’attente, ses tourniquets et les soldats israéliens. Qalandiya est devenu une place importante qui n’est même plus ce qu’on appelle un check-point : il s’agit maintenant d’un « passage frontalier » entre la Cisjordanie et Jérusalem. Il existe d’autres check-points en Cisjordanie, en tout, plus de 500. Israël, avec ses petites avancées et ses prétextes en écran de fumée, a réussi encore une fois à créer un fait accompli majeur sur le terrain.

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Les tourniquets à Qalandya (A. Moma)




On peut en dire autant avec le mur de séparation devenu un aménagement atrocement figé sur le territoire palestinien. Les Palestiniens, et plus tard beaucoup d’autres dans la communauté internationale, se sont insurgés contre la conception raciste du mur de séparation. Il n’y avait pas si longtemps que le monde avait fait tomber le dernier mur construit à des fins identiques. Qui aurait pu croire que le mur de Berlin, réduit en poussière, resurgirait ici, en Palestine ?

Des protestations ont suivi, à la fois sur le terrain et devant les tribunaux internationaux. La Cour internationale de Justice de La Haye a même rendu un avis consultatif disant le mur illégal et recommandant sa destruction. Aujourd’hui, non seulement il est toujours là, mais le gouvernement israélien a modifié son tracé pour que, lorsqu’il sera achevé, il ait découpé 40 % du territoire à l’intérieur de la Cisjordanie. Finalement, le mur érigé au prétexte d’assurer la « sécurité » d’Israël contre les éventuels attentats suicide palestiniens sert de frontière de facto entre Israël et la Cisjordanie, et il va certainement contribuer à fixer les frontières définitives dans un accord final avec les Palestiniens.

Et, bien sûr, il y a le c ?ur du conflit, il y a Jérusalem. Pour les Palestinien, aucun autre site sur cette terre ne peut évoquer autant d’émotions passionnées, de fidélité farouche et de patriotisme que cette sainte cité. Malheureusement, Israël persiste dans sa revendication « la plus sainte » sur Jérusalem et n’en abandonnera le contrôle en aucune façon.

Selon les accords Israël/OLP, aucune des deux parties - en l’occurrence, Israël - ne doit prendre des mesures unilatérales pour Jérusalem qui pourraient compromettre les négociations pour un statut définitif le moment venu. Et encore une fois, Israël a un coup d’avance, faisant des petites avancées avant de rentrer dans la partie et de la faire capoter.

Ce n’est pas un secret qu’Israël n’est aucunement intéressé dans la division de Jérusalem ou pour permettre aux Palestiniens d’en revendiquer une partie pour leur future capitale. Cependant, Jérusalem-Est reste un territoire occupé et son annexion unilatérale par Israël n’a pas encore été reconnue officiellement par la communauté mondiale. Afin que la situation soit gagnante à tous les coups pour lui, dans n’importe quel accord, Israël a procédé au fil des ans à des avancées unilatérales dans la cité : l’expansion coloniale et la construction du mur autour de Jérusalem pour s’assurer que la cité restera entre ses mains dans tout accord final même si certains secteurs - sans importance pour Israël - peuvent être rendus aux Palestiniens.

Ainsi, dans cette logique, ce n’est pas un hasard si, juste quelques jours avant l’arrivée dans la région de la secrétaire d’Etat US, Condeleezza Rice, et un mois seulement avant le sommet tant attendu d’Annapolis [près de Washington], Israël annonce la confiscation de 1 100 dunums (110 ha) de terre dans des villages de Jérusalem-Est. Ces terres sont confisquées soi-disant pour construire une route reliant Jérusalem à Jéricho, pour les Palestiniens. Cependant, la véritable intention dans cette confiscation est de voler de nouvelles terres palestiniennes à Jérusalem pour y construire davantage de maisons dans la colonie déjà gigantesque de Ma’aleh Adumim. Voilà encore de nouveaux faits unilatéraux sur le terrain.

Cela fait partie intégrante de ce que l’on appelle le projet E1 pour Jérusalem, lequel vise à étendre ce bloc de colonies et couper complètement Jérusalem de la Cisjordanie nord. Quand le plan a été annoncé en 2004, Israël a rencontré une résistance de la part des Etats-Unis et le plan a été provisoirement écarté. Néanmoins, les officiels israéliens soutiennent aujourd’hui que la nouvelle route Jérusalem/Jéricho va créer une contiguïté entre les secteurs palestiniens de Jérusalem et la Cisjordanie, balayant ainsi l’ancienne objection qu’il y aurait séparation de la capitale d’avec la Cisjordanie.

Même si cela était vrai, au sens technique le plus strict, il n’en resterait pas moins qu’Israël poursuit son projet visant à étendre les secteurs juifs de Jérusalem tout en poussant dehors autant de Palestiniens que possible. Les colonies juives en terre palestinienne occupée sont jugées illégitimes en vertu de la loi internationale, notamment parce qu’elles sont construites sur un territoire dont les Palestiniens ont été illégalement expropriés. Cela n’empêche que les Israéliens ont réussi à changer ces colonies en monnaie d’échange pour les négociations ultimes. La colonie Ma’aleh Adumim est le bloc de colonies le plus important dans les Territoires et Israël a fait savoir clairement qu’il n’y renoncerait pas dans un accord final. Maintenant, non seulement Ma’aleh Adumim est devenu un point permanent sur la carte, mais il est prévu d’agrandir cette monstrueuse colonie de 3 500 nouveaux logements et d’une zone industrielle.

Démystifions donc certains arguments parmi les plus courants d’Israël. Le plan de 100 jours pour juguler la « violence palestinienne » se compte maintenant en années, le mur de séparation construit à des « fins sécuritaires » est devenu une frontière de facto, et à Jérusalem, il s’y prend plus de mesures unilatérales et expansionnistes que dans tout le reste de la Palestine.

Peut-être que lorsque les parties impliquées dans les efforts de paix vont commencer à regarder le conflit sous cet angle, l’exigence de mettre fin à l’occupation israélienne sur l’ensemble des territoires palestiniens occupés apparaîtra comme l’unique solution.

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Des ouvriers sur le chantier de E1 en banlieue est de Jérusalem, le 9 octobre
(AP/S. Scheiner).




Joharah Baker écrit pour le Programme Media and Information chez « The Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy (MIFTAH) ». Elle peut être contactée ici : mip@miftah.org.

Du même auteur :

- "Gaza : le peuple d’abord",
vendredi 28 septembre 2007.

- "Pour les enfants de Palestine, l’indépendance est la seule réponse",
samedi 9 juin 2007.

10 octobre 2007 - Miftah - Traduction : JPP


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