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Entre deux guerres : la fin de l’unilatéralisme

lundi 4 septembre 2006 - 06h:14

Amnon Raz-Krakozkin

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Le sentiment de Destruction (Ha’Khurban) est un des piliers de l’existence et de la politique israélienne. Certes, on ne peut nier l’authenticité de ce sentiment, mais il faut insister sur le mode avec lequel il tend vers son autoréalisation.

Ce sentiment crée inlassablement une dangereuse combinaison de frayeur et de désir arrogant, désir d’urgence. L’urgence qui permet de suspendre tout frein légal et moral.L’urgence qui permet d’ignorer les questions de fond et de laisser la négation intacte.

Au nom du danger de la Destruction, la Palestine fut détruite. Au nom de ce même danger, le Liban est en train de l’être. Mais, finalement, c’est Israël qui va vers sa propre destruction. Car c’est Israël qui détruira Israël.

Cette guerre devait être unilatérale, Pourtant aujourd’hui, la majorité des Israéliens comprend que cette guerre est devenue bilatérale. Non seulement le Liban est détruit, mais Israël encaisse aussi - bien que les dégâts soient incomparables. La guerre unilatérale est donc un échec.

De cette guerre Israël ne sortira pas intact. Israël est parti en guerre pour restaurer sa force de dissuasion, mais a fini par la perdre totalement. Il combat depuis bientôt un mois une petite organisation militaire sans parvenir à protéger ses citoyens, dont une grande partie a dû fuir leurs maisons. La guerre, telle qu’ils la décrivent, a pour but d’éliminer la menace de missiles, alors que c’est cette guerre qui a activé la menace. La première perte à laquelle doit faire face Israël est celle de sa confiance en soi-même. Ses ministres et ses généraux échangeront des accusations quant aux dysfonctionnements de l’armée. Les problèmes sociaux ressurgiront, plus forts que jamais. Le feu raciste nationaliste allumé dans sa propre société, sera difficile à éteindre. Quant à la haine dont Israël est l’objet dans la région, elle ne peut que se nourrir de tels agissements

L’échec nourrit les tissus de mensonges des porte-paroles israéliens au point que, devant la nécessité de justifier leurs déclarations, ils finissent par croire à leurs propres mensonges. Ils s’obstinent à présenter la réalité déformée d’une Israël défendant son existence après avoir était attaquée. Ils préfèrent oublier que les attaques massives sur les villes israéliennes sont venues en riposte aux bombardements sur le Liban.

Il est fort probable que c’est la droite israélienne qui récoltera - au moins dans un premier temps - les fruits de cet échec retentissant. Depuis les premiers jours de la guerre, les ténors de la droite répètent que ce qui a mené a cette situation, c’est la politique de ’paix’ ininterrompue, depuis les accords d’Oslo en 1993, en passant par le retrait du sud Liban en 2000 et jusqu’au désengagement de Gaza l’année dernière. Netanyahou du Likoud, Liberman, Eitam et leurs adeptes dans la droite nationaliste n’auront aucun mal à argumenter ni à prouver que la politique israélienne était erronée.

Même si les conclusions à tirer sont totalement à l’opposé des leurs, les arguments de la droite nationaliste sont justes : la guerre actuelle est une conséquence directe de la politique unilatérale et arrogante d’Israël ces dernières années, y compris les retraits dont le but principal était d’empêcher les négociations et un accord de paix. Avec cette politique, Israël espère atteindre ses objectifs sans l’autre partie, en l’ignorant ou en lui imposant ses conditions.

Le retrait du Liban avait pour but d’éviter les négociations avec la Syrie. Tout comme le plan de désengagement de Sharon devait éviter les négociations avec la direction palestinienne.

Le fondement de la réalité actuelle a ses racines dans l’époque du gouvernement de gauche et de son Premier ministre Barak. C’est ce gouvernement qui a saboté la possibilité de paix avec la Syrie. C’est ce même gouvernement qui a tenté d’imposer aux Palestiniens une solution définitive et qui a vu dans leurs refus une justification à la répression brutale. C’est encore ce même gouvernement, dit de gauche, qui est responsable de la mort des citoyens arabes d’Israël lors des manifestations d’octobre 2000 et qui a encouragé un racisme déchaîné contre la minorité arabe de Israël et ses représentants.

La guerre actuelle au Liban, comme la guerre qui continue contre le peuple palestinien doit être vue comme une étape de ce qui a reçu la triste appellation de processus de paix. Il est nécessaire de comprendre ceci pour développer une position et une stratégie contre la violence et pour une reconnaissance mutuelle. L’opposition à cette guerre n’a de sens que si elle est basée sur une opposition aux principes de l’unilatéralisme, c’est-à-dire la négation de l’autre côté, qui détermine tout le processus de paix, y compris parmi ceux qui veulent imposer la séparation entre Israéliens et Palestiniens par le biais d’un accord. Pour l’heure, la paix n’est pas perçue comme la création d’un cadre commun, mais comme un instrument pour sauvegarder l’isolement d’Israël.

Entre temps, les actions au Liban servent de diversion au carnage quotidien qui se poursuit dans la bande Gaza. Les Palestiniens sont oubliés et ils n’intéressent personne, ni en Israël, ni nulle part ailleurs dans le monde. La diversion fait partie intégrante de cette guerre. Se focaliser sur le Liban permet de nier les sources du conflit : le conflit israeli-palestinien, les questions de droit national et civique des Palestiniens, qu’ils soient citoyens d’Israël, des territoires occupés ou réfugiés.

Même si Israël tire des avantages diplomatiques de sa campagne meurtrière, ce succès ne sera qu’illusoire. L’échec de cette violence effrénée va encourager encore plus de violence. L’alignement israélien aux côtés des États-Unis contre l’islam ne fait que fragiliser l’existence d’Israël.

Il se peut que cet échec mène à un changement radical et à une nouvelle conscience : la compréhension que l’unique condition pour l’existence juive israelienne dans ce pays est la reconnaissance et le dialogue. Pas seulement des négociations pour un cessez-le-feu, ni une nouvelle tentative forcée d’imposer un règlement définitif, garantissent la séparation et la majorité démographique, mais une discussion globale sur toutes les questions taboues et/ou reniées. Il ne suffit pas d’appeler les parties à la table de négociations, il faut clarifier l’ordre du jour nécessaire à leurs débats. Nous devons répéter ces valeurs simples, parce que c’est seulement sur la base de reconnaissance des droits des palestiniens, que nous pourrons demander, voire même exiger, une reconnaissance des droits du collectif israélien juif. Rien ne fait plus peur aux Israéliens que le dialogue, puisqu’il n’y a de dialogue que sur la base de valeurs simples : reconnaissance mutuelle des droits et égalité nationale et civique. Pourtant Israël préfère refuser catégoriquement ces principes et noyer dans des fleuves de sang quelconque possibilité de les discuter. Le processus de paix était basé sur la négation de deux questions fondamentales au conflit : les réfugiés et Jérusalem. Il est devenu évident aujourd’hui que les chances de survie d’Israël dépendent de la reconnaissance ou non que ces sujets.

La peur qu’éprouvent les Israéliens à aborder ces questions est compréhensible. Mais les soulever n’est pas seulement un devoir moral, c’est la condition même pour l’existence d’une entité israélienne juive dans le Moyen-Orient.

C’est la seule chose qui pourrait se substituer à la culture du mensonge et de la négation, qui est à l’origine de la violence israélienne actuelle. C’est aussi l’unique moyen de garantir la sécurité des Israéliens. Ce que ne peuvent garantir ni les murs que construit Israël, ni les armes nucléaires qu’elle possède.

Les chances qu’advienne d’un tel revirement semblent faibles. Il est vraisemblable que le proche avenir nous réserve encore du sang et des destructions.

La société israélienne pourra-t-elle se libérer de la hantise de destruction qui la motive ? Cette question est la base de la stabilité dans toute la région. Et la possibilité d’une existence pérenne pour nous tous ici.

Amnon Raz-Krakozkin (Historien, professeur d’histoire juive à l’université Ben-Gourion, Israël)

Dossier publié sur le site du Mouvement des indigènes de la République avec des notes de la rédaction de ce site
http://www.indigenes-republique.org...

Lire en ligne, par Joëlle Marelli : Entre deux guerres


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