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Blackwater dans le collimateur du Congrès américain

vendredi 5 octobre 2007 - 16h:07

John Broder - The New York Yimes

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Un rapport officiel de la Chambre des représentants lève le voile sur les nombreuses dérives des salariés de la société de sécurité privée. Des dérives pour la plupart couvertes par le Département d’Etat.

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Erik Prince, fondateur de Blackwater (AFP)

En Irak, les salariés de la société Blackwater ont été impliqués dans 195 fusillades depuis 2005, la plupart du temps à bord de véhicules en mouvement sans s’arrêter pour compter les morts ou porter assistance aux blessés, indique un rapport du Congrès américain. Le document fait état d’au moins deux cas dans lesquels la société a payé les familles des victimes et de plusieurs tentatives pour étouffer les bavures. Le rapport montre également que les responsables du Département d’Etat [le ministère des Affaires étrangères américain] ont autorisé ces versements d’argent dans l’espoir d’enterrer ces affaires de fusillades. L’année dernière, le Département d’Etat a aidé Blackwater à faire sortir un de ses employés d’Irak, moins de trente-six heures après que ce dernier, sous l’emprise de l’alcool, eut tué le garde du corps d’un des deux vice-présidents irakiens le soir de Noël.

Le rapport, rédigé par une commission de la Chambre des représentants, vient renforcer les plaintes formulées par des responsables irakiens, plusieurs militaires américains ainsi que des concurrents de Blackwater accusant les employés de cette société de sécurité privée d’avoir la gâchette trop facile et d’agir sans le moindre égard pour les vies irakiennes.

Le 16 septembre dernier, des employés de Blackwater ont été impliqués dans une fusillade à Bagdad qui a coûté la vie à au moins huit Irakiens. Cette affaire, qui reste entourée de mystère, a provoqué l’indignation de nombreux responsables irakiens qui l’ont qualifiée de "meurtre de sang-froid" et ont réclamé l’expulsion de Blackwater du territoire irakien.

Le Département d’Etat a ouvert trois enquêtes séparées sur cette fusillade, et le FBI a annoncé, lundi dernier, l’envoi d’une équipe sur place pour récupérer des preuves en vue de poursuites judiciaires. Ni le Département d’Etat, ni Blackwater n’ont souhaité s’exprimer sur le rapport, mais leurs représentants doivent témoigner aujourd’hui, mardi 2 octobre, devant la commission de la Chambre des représentants à l’origine du rapport. Parmi les personnes sur la sellette, se trouvent Erik Prince, ancien membre des Navy Seals, les commandos de marine, et fondateur de Blackwater il y a dix ans, ainsi que plusieurs hauts responsables du Département d’Etat.

Le rapport de la commission accuse en effet le Département d’Etat de n’avoir pratiquement rien contrôlé des activités des 861 salariés de Blackwater en Irak. "Il n’existe aucune preuve indiquant que le Département d’Etat a essayé de restreindre le champ d’action de Blackwater, ni qu’il se soit inquiété du nombre de fusillades impliquant des membres de cette société ou qu’il se soit interrogé sur la fréquence des fusillades déclenchées par ses employés", indique le document.

Concernant le meurtre du soir de Noël, le rapport indique qu’un responsable de l’ambassade américaine en Irak aurait proposé de verser 250 000 dollars à la famille du garde du corps, mais un de ses subordonnés aurait déclaré qu’une telle somme pourrait inciter "des gens à se faire tuer par nos hommes pour assurer l’avenir financier de leur famille". La famille de la victime n’a finalement reçu que 15 000 dollars de la part de Blackwater.

Le rapport mentionne également un autre cas de fusillade mortelle, dans lequel un responsable non identifié du Département d’Etat à Bagdad aurait enjoint Blackwater de verser 5 000 dollars à la famille de la victime. Ce fonctionnaire avait écrit : "J’espère que nous pourrons rapidement oublier ce malencontreux incident."

Le rapport souligne également que les employés de Blackwater ont participé à des opérations offensives aux côtés de soldats américains, et ce en violation de leur contrat avec le Département d’Etat qui ne les autorise qu’à faire un usage défensif de leurs armes.

John Broder - The New York Times

Le jackpot des mercenaires

Parmi les cinq Britanniques enlevés le 29 mai à Bagdad, quatre sont employés par GardaWorld, une entreprise spécialisée dans la sécurité des personnes et des transports. L’occasion, pour The Guardian, d’enquêter sur le juteux marché de la sécurité privée en Irak.

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Des employés de la société américaine Blackwater (DR)

La sécurité privée est devenue un secteur extrêmement rentable en Irak pour quelques sociétés américaines et britanniques. Les anciens soldats qu’elles emploient, qui peuvent gagner jusqu’à 1 000 dollars [750 euros] par jour, font le travail le plus dangereux au monde. Plus de 900 d’entre eux, pour la plupart des Américains, ont été tués au cours des trois dernières années.

Le Pentagone estime à environ 20 000 le nombre d’agents de sécurité opérant en Irak mais, aux dires de certains observateurs, le chiffre serait beaucoup plus élevé. Quatre des cinq Britanniques enlevés hier à Bagdad travaillaient pour GardaWorld, une des plus grandes sociétés de sécurité en Irak. Domiciliée à Montréal, GardaWorld a ouvert des bureaux à Hereford [dans l’ouest de l’Angleterre], à deux pas du quartier général des SAS [unité aérienne des forces spéciales britanniques]. L’année dernière, elle a acquis Kroll Security International, une société londonienne qui possède ses propres unités de sécurité en Irak.

GardaWorld revendique plus de vingt ans d’expérience dans les pays à haut risque et se targue d’employer en Irak une équipe d’élite composée d’expatriés et de spécialistes autochtones formés tant à la protection des personnalités qu’à la gestion des enlèvements et des remises de rançons. Elle a, entre autres, travaillé pour la Fondation anglicane pour la réconciliation au Moyen-Orient, dirigée par le pasteur Canon Andrew White. Cette organisation lui a remis au début du mois son Prix pour la paix au Moyen-Orient 2007. "Sans l’immense contribution de GardaWorld, il nous aurait été impossible d’accomplir notre travail", avait alors déclaré Canon White.

En Irak, les sociétés de sécurité assurent une multitude de tâches qui permettent au pays de fonctionner : protection des personnels de la coalition, escorte de convois, protection des oléoducs et des installations militaires et civiles et sécurité des journalistes et des hommes d’affaires de passage. Si, au début de la guerre, les principaux bénéficiaires des contrats de sécurité étaient Américains, à l’instar des sociétés Blackwater, DynCorp ou encore Vinnell pour la formation de la police et des militaires et la protection des responsables américains, les Britanniques ont rapidement obtenu leur part du gâteau. Ainsi, en mai 2004, l’entreprise Aegis Defence avait remporté un contrat de 293 millions de dollars [218 millions d’euros] pour coordonner la sécurité des troupes du génie américain. Son chiffre d’affaires (dont 75 % sont générés par son activité en Irak) est passé de 554 000 livres [815 000 euros] en 2003 à 62 millions [91 millions d’euros] en 2005.

Ce contrat avait alors fait polémique, car Aegis Defence était dirigée par le lieutenant-colonel Tim Spicer, un ancien mercenaire issu des Scots Guards [Garde écossaise] qui s’était trouvé, à la fin des années 1990, au centre d’un scandale de ventes d’armes en Afrique (des armes avaient été expédiées en Sierra Leone à un chef de la milice accusé de crimes de guerre). La société a survécu à d’autres controverses par la suite et, aujourd’hui, la plupart des officiers supérieurs britanniques en retraite siègent à son directoire.

Le contrat avec le génie américain doit être prochainement renouvelé et l’entreprise britannique de sécurité ArmorGroup, présidée par l’ancien ministre britannique des Affaires étrangères [dans le gouvernement de John Major], le conservateur Malcolm Rifkind, est en lice. ArmorGroup a réalisé 50 % de ses 129 millions de livres [190 millions d’euros] de revenus en Irak l’année dernière. Avec plus 1 200 salariés, l’entreprise affirme être le plus grand protecteur de convois en Irak, avec environ 30 % de convois protégés, soit 1 200 missions assurées l’année dernière. ArmorGroup assure avec Control Risks, une autre société britannique, la sécurité du Foreign Office et du ministère du Développement international pour laquelle le gouvernement britannique a déboursé au cours des cinq dernières années quelque 165 millions de livres [242 millions d’euros].

Selon le dernier audit des dépenses américaines, la sécurité a englouti 34 % des 21 milliards de dollars [15,5 milliards d’euros] affectés à la reconstruction de l’Irak. Les coûts de sécurité représentent en moyenne 12 % de chaque contrat de reconstruction.

David Pallister - The Guardian

Sur le même thème :

- Les "chiens de guerre" de Blackwater haïs à Bagdad
- La guerre en privé
- Des ex-militaires pinochetistes mercenaires en Irak

John Broder - The New York Times, le 2 octobre 2007 : Report Says Firm Sought to Cover Up Iraq Shootings,
via le Courrier international

David Pallister - The Guardian, le 30 mai 2007 : A multibillion dollar industry built on the most dangerous jobs in the world, via le Courrier international


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