Gaza : le peuple d’abord
vendredi 28 septembre 2007 - 06h:34
Joharah Baker - Miftah
La banque israélienne Hapoalim a annoncé qu’elle romprait tous les liens commerciaux avec Gaza.
- Des Palestiniens utilisent les guichets automatiques (ATMs) de la banque de Palestine dans Gaza le 25 septembre 2007. Hapoalim, la plus grande banque de commerce d’Israël, a fait savoir ce mardi qu’elle commencerait à réduire ses échanges avec les banques palestiniennes dans la bande de Gaza en réponse à la décision du gouvernement israélien de déclarer le territoire comme entité ennemie - Photo : Reuters/Ibraheem Abu Mustafa
Conséquence logique de la décision prise la semaine dernière par Israël de déclarer la Bande de Gaza territoire hostile : la banque Hapoalim, un des établissements bancaires les plus importants du pays, a annoncé qu’elle romprait tous les liens commerciaux avec Gaza. Cette décision privera la Bande de Gaza d’un apport régulier de fonds. La Israel Discount Bank a annoncé, elle aussi, qu’elle envisageait de prendre la même mesure, mais elle n’a pas encore pris de décision finale jusqu’ici.
Cette initiative n’a absolument rien de surprenant vu l’attitude d’Israël envers la prise de contrôle par le Hamas et son intention irrévocable d’annihiler ce mouvement. La semaine dernière, le cabinet israélien de la sûreté a décidé à l’unanimité de déclarer la Bande de Gaza « territoire hostile », initiative, faut-il le préciser, qui a été pleinement appuyée par les Etats-Unis.
Avec cette décision, une panoplie de moyens s’offrait à Israël pour sévir contre le Hamas dans la Bande de Gaza. Néanmoins, malgré les relents évidents de discrimination et de punition collective qui émanent de la décision, Israël maintient que la mesure a pour seul but de mettre un terme aux tirs continus de roquettes contre le territoire israélien.
C’est l’argument avancé par la Banque Hapoalim pour justifier sa décision d’arrêter ses transactions avec la Bande de Gaza ; ajoutons à cela, qu’Israël craignait que les shekels transférés tombent directement entre les mains des militants du Hamas. Les autorités israéliennes prétendent que 400 millions de shekels ont été envoyés vers la Bande de Gaza pendant le seul mois d’août, tandis que l’Autorité monétaire palestinienne affirme que le montant transféré n’a atteint que la moitié de cette somme.
Si les autres banques israéliennes devaient emboîter le pas, les banques de la Bande de Gaza seraient obligées de fermer. La décision de la Banque Hapoalim, dont la mise en ?uvre complète prendra plusieurs semaines, aura des répercussions extrêmement graves pour l’économie palestinienne et la vie pratique de la population.
Déclarer la Bande de Gaza territoire hostile aura aussi pour effet de réduire considérablement la quantité d’électricité livrée par la société israélienne d’électricité et de limiter l’approvisionnement en carburant.
Pas besoin d’être un génie pour comprendre ce qui se passe. Depuis que le Hamas a remporté légitimement les élections au conseil législatif en janvier 2006 et qu’il a formé trois mois plus tard, le gouvernement palestinien, Israël et les Etats-Unis ont été obsédés par sa destruction. Depuis longtemps, Israël considère le Hamas comme un groupe terroriste et les Etats-Unis ont rapidement et spontanément copié cette position. Une telle étiquette entraîne évidemment de graves conséquences. Bien que le Hamas ait assumé le pouvoir légitimement à la suite d’élections justes et honnêtes, Israël et les Etats-Unis ont immédiatement déclaré le boycott du gouvernement et suspendu toute aide financière acheminée directement à l’Autorité palestinienne.
D’autres sanctions ont suivi, notamment l’arrêt de l’aide financière d’autres donneurs importants comme l’Union européenne. Le Hamas a été mis au ban de la communauté internationale et Israël a pris des libertés additionnelles en envahissant la Bande et en assassinant ceux qu’il considérait comme des « militants et des terroristes ».
Imaginez donc l’horreur des Israéliens quand, en juin dernier, lors de la bataille pour Gaza, le Hamas a expulsé les forces du Fatah et a pris le contrôle total de l’administration et des affaires pratiques de la Bande. La volonté israélienne et états-unienne d’oblitérer le Hamas de la scène politique n’en est devenue que plus acharnée : des sanctions économiques supplémentaires et des opérations militaires ont entraîné depuis des pertes humaines par dizaines.
Maintenant que le Hamas - à tort ou à raison - est resté en place, Israël se tourne vers les derniers recours. Il sait que rien ne retournera la population plus rapidement et plus efficacement contre ses dirigeants que les privations économiques. Quand les habitants de Gaza n’auront plus de travail ni de revenus et que leurs enfants auront désespérément besoin d’aliments nutritifs, de vêtements et de manuels scolaires, ils s’adresseront naturellement à leurs dirigeants pour les obtenir. Donc, comme Israël, les Etats-Unis et la plus grande partie du monde pointent un doigt accusateur vers le Hamas, le condamnant pour son intransigeance dans la situation actuelle, les Gazaouites perdront inévitablement confiance dans ceux qui avaient promis d’améliorer leurs conditions de vie et non de les plonger dans une misère plus profonde.
Malgré tout, il ne faudrait pas permettre qu’Israël se tire d’une punition collective aussi flagrante. Même si les Israéliens soutiennent toujours que l’aide humanitaire ne sera pas entravée, les statistiques sont là. Plus de 60 pour cent des habitants de Gaza vivent en dessous du seuil de pauvreté et dépendent en grande mesure de l’aide alimentaire pour survivre. La fermeture complète de la Bande après la prise de contrôle par le Hamas a eu des répercussions sur son économie et a fait monter le chômage en flèche.
Et maintenant que les banques israéliennes coupent les ponts avec Gaza, interrompant donc leur important flux financier vers la Bande, la situation à Gaza ne peut aller qu’en s’aggravant. Malheureusement, ceux qui paieront le prix le plus élevé des sanctions seront les citoyens ordinaires de Gaza dont le principal souci est de fournir de la nourriture à leur famille et d’avoir un toit confortable et sûr au dessus de leurs têtes.
On sait depuis toujours que la politique est un jeu scabreux entre acteurs encore plus scabreux. Cela est vrai quels que soient le lieu ou l’époque. Toutefois, comment justifier que l’on affame un peuple simplement parce ses dirigeants ne se conforment pas aux prétendues normes démocratiques des oppresseurs ?
Peu importe que le Hamas occupe actuellement le pouvoir de façon légitime ou non à Gaza. La politique palestinienne étant grevée d’échappatoires et de manipulations juridiques, il est difficile de savoir qui est le dirigeant légitime et qui ne l’est pas. Ce qui compte est que l’on ne fait pas assez pour empêcher que notre peuple ne souffre inutilement.
Il est temps que la communauté internationale assume ses responsabilités. Ce ne sont pas les roquettes Qassam primitives, artisanales et terriblement imprécises qui sont en cause ici - elles ne l’ont jamais été. Ce qui est en jeu c’est l’imposition d’une volonté politique qui va à l’encontre de toutes les valeurs et de toutes les règles qu’Israël et les Etats-Unis prétendent embrasser et encourager ailleurs. Il serait naïf de dire qu’il n’y a pas deux poids, deux mesures dans la politique mondiale actuelle, mais il est raisonnable de dire qu’il ne faut pas faire payer aux peuples les man ?uvres politiques en coulisse conçues non pas pour les servir, mais pour recréer et mettre en oeuvre de nouvelles dynamiques dans un conflit déjà complexe.
Pour une fois, tous les intervenants dans ce conflit doivent remonter leurs priorités d’un cran ou deux. Israël, les Etats-Unis, la communauté internationale et le leadership palestinien de Gaza et de la Cisjordanie doivent prendre une mesure originale et sans précédent : donner la priorité à la population.
*Joharah Baker écrit pour le Programme Media and Information chez « The Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy (MIFTAH) ». Elle peut être contactée ici : mip@miftah.org.
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26 septembre 2007 - Miftah - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : amg