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Palestine : un héritage déraciné

jeudi 13 septembre 2007 - 23h:02

Sonja Karkar - The Electronic Intifada

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Universellement considéré comme le symbole de la paix, l’olivier est devenu un objet de violence.

Depuis plus de quarante ans, Israël a déraciné plus de un million d’oliviers et des centaines de milliers d’arbres fruitiers en Palestine provoquant des conséquences économiques et écologiques terribles pour le peuple palestinien.

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Des Palestiniens récoltent des olives à Rafah, dans le sud de la Bande de Gaza, novembre 2006 (Ph. Hatem Omar/MaanImages)

Cette destruction délibérée a menacé la culture, le patrimoine et l’identité palestiniennes au point que l’olivier est devenu le symbole de la ténacité palestinienne ; cela grâce à son enracinement et son aptitude à survivre sur une terre où l’eau est perpétuellement rare.

Depuis des siècles, les paysans palestiniens ont tiré leur subsistance de la culture de l’olivier et de la production d’huile d’olive ; 80 pour cent des terres cultivées en Cisjordanie et Gaza sont plantées d’oliviers. Dans la seule Cisjordanie, quelque 100.000 familles dépendent de la vente d’olives. Aujourd’hui, la récolte d’olives fournit aux fermiers palestiniens entre 12 et 50 pour cent de leur revenu annuel ; à mesure que la crise économique s’aggrave la récolte couvre une bonne partie de leurs moyens de subsistance.

En dépit des épreuves, ce sont les festivités et les traditions accompagnant les semaines de la récolte qui ont perpétué la cohésion des communautés palestiniennes et qui prouvent que la terre leur appartient et qu’aucune occupation ne peut effacer ce lien à moins de détruire la société palestinienne elle-même.

C’est précisément ce que fait Israël en recourant à la force brute et à des moyens beaucoup plus insidieux. Invoquant une vieille loi de l’époque ottomane, Israël revendique comme biens domaniaux les terres qui ont été « abandonnées » et laissées en jachère pendant quatre ans : ces terres sont habituellement attribuées à des colons israéliens. Bien sûr, les terres n’ont pas été volontairement abandonnées.

La politique d’enfermement israélienne impose des restrictions draconiennes aux mouvements des fermiers palestiniens empêchant ceux-ci d’atteindre leurs terres agricoles, de les entretenir et de moissonner leurs récoltes. Il leur faut non seulement des permis pour se déplacer dans leur propre pays, mais ils sont obligés d’emprunter des déviations à pied ou à dos d’âne parce 70 pour cent des itinéraires de rechange - ceux qui sont reliés à des routes principales ou de contournement - ont été fermés par l’armée israélienne au moyen de blocs de béton ou de fossés.

De plus, maintenant, le mur construit pour des « raisons de sécurité » sépare à jamais les familles palestiniennes de leurs terres ; il y a toutefois des barrières qui autorisent l’accès à certaines heures, mais c’est rare. Les soldats israéliens, au gré de leur fantaisie, viennent- ou non - les ouvrir pour que les paysans puissent accéder à leurs champs. Il s’ensuit qu’il est difficile aux Palestiniens, voire impossible, d’entretenir leurs champs de façon suivie. D’où, l’argument de « l’abandon » utilisé par Israël pour justifier le vol de terres.

Depuis 1967, les militaires israéliens et les colons illégaux ont détruit plus de un million d’oliviers sous prétexte que les lanceurs de pierres et les hommes armés se cachent dans les oliveraies pour attaquer les colons. L’argument est spécieux car ces arbres se trouvent au sein des territoires palestiniens où ne se trouveraient de toute façon aucun colon ou soldat israélien. Toutefois, Israël est résolu à s’approprier jusqu’aux derniers lambeaux de terre laissés aux Palestiniens .Il se voile donc la face devant les méthodes de terreur utilisées par les colons autant que par les soldats pour éloigner les fermiers de leurs champs même si cela suppose leur destruction.

Les paysans vivent sous la menace constante d’être tabassés, de se faire tirer dessus, de voir leur eau contaminée (eau déjà rare car 85 pour cent des ressources en eau renouvelables vont aux colons et à Israël), leurs champs d’oliviers incendiés ou déracinés.

A plus grande échelle, l’armée israélienne amène des bulldozers pour déraciner les arbres sur le chemin du mur de « sécurité » aux endroits où ils gênent l’infrastructure nécessaire au service des colonies illégales. Certains de ces arbres menacés ont 700 à 1000 ans d’âge et continuent à produire des olives. Ces arbres précieux sont remplacés par des routes, des égouts, des conduites d’eau et d’électricité, des réseaux de télécommunications, des casernes, des terrains de manoeuvre, des parcs industriels et des usines, tous ouvrages qui détruisent l’environnement à grande échelle.

Si Israël arrive à ses fins, ni les arbres, ni les Palestiniens qui les ont soignés ne survivront au barbare nettoyage ethnique et environnemental de la Palestine.
L’ironie veut que le déracinement des oliviers est contraire au principe halakhique judaïque évoqué par la Tora qui dit « Même si tu es en guerre avec une ville...tu ne dois pas détruire ses arbres » (Deutéronome 20 :19). Sous prétexte de « sauver » la terre que Dieu lui aurait donnée,et les arbres qu’il est censé préserver, Israël continue à exproprier les terres palestiniennes par la violence. Chaque arbre déraciné est remplacé par une dalle de béton pour le mur et pour les colonies juives illégales.

Le paysage est modifié au point d’en être méconnaissable ; il cesse d’être le lieu sacro-saint qui pendant longtemps a donné à Israël le fallacieux prétexte biblique pour déposséder les Palestiniens des terres qui les nourrissaient depuis des temps immémoriaux.

La douleur déchirante des Palestiniens pour la perte de leur terre ravagée ne s’exprime pas en statistiques. Seuls ceux qui ont souffert des mêmes cruelles violations ou ceux qui cherchent à protéger et à préserver le délicat équilibre de l’environnement mondial peuvent comprendre ce que cela signifie pour un peuple. Bien que le droit international soit du côté palestinien, il est sans effet car aucun gouvernement dans le monde, même pas les Nations unies, n’est disposé à faire pression sur Israël pour qu’il cesse d’infliger une punition collective à la population palestinienne. Aujourd’hui, des campagnes sont menées dans le monde pour mettre fin au déracinement des arbres en Palestine et pour que l’on replante ceux qui ont déjà été arrachés.

Chaque année, quand la récolte des olives approche, des volontaires internationaux se joignent aux Palestiniens pour les protéger des actes de violence perpétrés par les colons et les soldats israéliens qui veulent arrêter la cueillette. Ces magnifiques actes de solidarité aident à guérir la terre, mais ils ne peuvent pas guérir la douleur de ceux qui doivent assister à l’arrachage de leurs oliviers séculaires, à la profanation de leur terre et de leur patrimoine millénaire. Une réalité aussi navrante a fait dire au poète palestinien Mahmoud Darwish : « si les oliviers connaissaient les mains qui les ont plantés, leur huile se changerait en larmes... ».

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Sonja Karkar

* Sonja Karkar est la fondatrice et la présidente de « Women for Palestine » à Melbourne, Australie : www.womenforpalestine.com

De la même auteure :

- Blackout sur Gaza : l’Union Européenne complice d’Israël
- Qui donc sauvera la Palestine ?
- Entendez-vous les cris de Gaza ?

3 septembre 2007 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : amg/mcc


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