16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Les drapeaux du Hamas flottent sur les camps du Liban

mercredi 12 septembre 2007 - 23h:55

Anand Gopal - Inter Press Service

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


« Le Hamas est en train de gagner en influence ici... Le Hamas dit, nous sommes contre l’agression de l’armée... Il dit, nous ferons pression sur les politiciens pour aider nos déplacés et ?uvrer au retour de tous dans leur maison. »

JPEG - 45.1 ko
Ici, dans le camp de réfugiés de Burj al-Braine, en dehors de Beyrouth, une vieille affiche du Fatah avec le portrait d’Arafat se déchire avec le temps.
Septembre 2007 (Matthew Cassel)

L’entrée du camp de réfugiés palestiniens de Baddawi, au nord du Liban, a un nouveau look. Accrochés au-dessus de l’homme de garde armé, il y a des portraits du Sheikh Ahmed Yassin, chef spirituel du Hamas tombé au champ d’honneur, et d’autres de combattants des groupes de guérilla palestiniens. Tout près, une impressionnante bannière du Hamas recouvre le côté d’une maison, tout le long de la rue flottent au vent des drapeaux du Hamas.

Il y a seulement quelques mois, de tels bannières et portraits auraient été retirés et arrachés par les partisans du parti rival, le Fatah. Mais beaucoup d’habitants ici disent qu’ils ressentent une désillusion croissante à l’égard du Fatah (connu au Liban sous le nom de Fatah Abu Ammar) depuis sa défaite à Gaza en juin et sa gestion de la crise dans le camp de réfugiés voisin, Nahr al-Bared.

Quand les militants islamiques ont ouvert le feu sur les forces de sécurité libanaise en mai dernier, l’armée libanaise a pénétré à Nahr al-Bared en dépit d’un accord très ancien qui autorise les groupes palestiniens à faire eux-mêmes la police dans les camps. La bataille qui en a suivi entre l’armée et les militants a complètement anéanti le camp, faisant déplacer des milliers de Palestiniens.

Les dirigeants de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) au Liban, dirigée par le parti du Fatah, se sont mis du côté de l’armée malgré ce que beaucoup ici ont perçu comme un bombardement aveugle de Nahr al-Bared.
Dimanche, l’armée libanaise s’est déclarée victorieuse après plus de trois mois de combats et partout les Libanais brandissent des drapeaux, soutenus par un concert de klaxons. Mais au lieu de se réjouir, nombre de Palestiniens sont furieux contre le Fatah et l’OLP pour n’avoir pas su protéger les civils.

« Ces politiciens ont permis à l’armée libanaise de détruire tout le camp » dit un ancien habitant de Nahr al-Bared, Abdel Salaam Khader, qui a perdu son frère dans le conflit. « Nous avons été beaucoup exposés, et souvent à des bombes israélienne, mais même les Israéliens ne détruisaient que des parties du camp, pas tout le camp. »

Et d’ajouter : « Ils auraient pu régler avec les combattants autrement que par une manière militaire. Les dirigeants palestiniens ont conclu un accord avec le gouvernement qui nous a fait perdre nos maisons et tout ce qu’on possédait. »

Quand les combats ont commencé et que la première vague de Palestiniens déplacés est arrivée au camp de Baddawi, les dirigeants du Fatah ont promis des fonds pour la reconstruction et l’indemnisation des victimes des violences, et de discuter avec l’armée pour s’assurer que le camp ne serait pas détruit. Mais pour de nombreuses personnes déplacées, la direction palestinienne n’a pas respecté beaucoup de ses promesses. Les gens d’ici accusent aussi le Fatah et les autres dirigeants de l’OLP de n’avoir rien fait pour empêcher l’armée d’arrêter et de torturer des Palestiniens qui fuyaient la violence.

« Le Fatah Abu Ammar n’a pas protégé les civils et, au contraire, il a apporté à l’armée et au gouvernement libanais toute l’aide dont ils avaient besoin », dit un autre ancien habitant de Nahr al-Bared qui a demandé à ne pas être nommé. « Jusqu’ici, nous n’avons pas de calendrier clair pour l’avenir, la reconstruction de notre camp, la date de notre retour, ou pour ce que va devenir Nahr al-Bared. Le Fatah Abu Ammar ne nous a apporté aucune aide ; ils sont seulement allés à la télévision et ils ont fait de grandes promesses. Ils ont donné de l’argent uniquement à leurs membres. Mais le Fatah Abu Ammar ne nous a rien donné. » Samer Diad, autre résident, ajoute : « Quand Abu Ammar (Yasser Arafat) était vivant, nous les appelions Fatah Abu Ammar. Maintenant, nous les appelons le Fatah de voleurs. »

Les camps de réfugiés palestiniens au Liban hébergent plus de 400 000 Palestiniens et une diversité de groupements politiques. Beaucoup de factions se sont regroupées dans l’OLP, avec le Fatah comme parti principal. La direction du Fatah et les autres factions de l’OLP sont venues au Liban au début des années 70. Vers la fin de cette décennie, le Fatah est devenu une force puissante dans la politique libanaise et dans la vie des Palestiniens.

JPEG - 16.5 ko
30 août 1982, l’OLP quitte le Liban, l’armée française escorte Afafat. (AFP)

Pour les réfugiés palestiniens, le Fatah représentait les services sociaux, l’emploi, la protection, il était la force dirigeante dans le combat contre Israël. Après que l’armée israélienne ait envahi le Liban et expulsé la direction de l’OLP en 1982, le déclin progressif de l’OLP a commencé et avec le début de la Première Intifada en 1987, la première ligne du combat palestinien s’est déplacée vers la bande de Gaza et la Cisjordanie.

Cependant, malgré son déclin, l’OLP a toujours eu une assise forte au Liban. Mais avec l’ascendant du Hamas dans les territoires occupés, les négociations du Fatah avec Washington et Tel Aviv et le siège de Nahr al-Bared, nombre d’analystes estiment que le soutien au Fatah dans les camps du Liban est à son point le plus bas.

Ashraf Ibrahim, analyste et responsable du centre de loisirs de Njaz à Baddawi, insiste sur le fait que beaucoup de gens voyaient le Fatah comme le représentant du peuple palestinien à Gaza et à Nahr al-Bared, mais dans l’un et l’autre cas, il a échoué.

« Le Fatah Abu Ammar veut être l’unique force dans tous les camps », dit-il. « Il veut écraser les autres groupes et devenir l’unique représentant des réfugiés. Il entretient, par conséquent, de bonnes relations avec le gouvernement mais il ne discute pas des droits des Palestiniens ».

L’OLP a récemment réorganisé sa structure de commandement au Liban. Selon certains articles locaux, l’OLP se restructure pour renforcer sa position au Liban dans un effort pour contrecarrer la popularité grandissante du Hamas et d’autres groupes.

Le Dr Kassim Subiyeh, représentant du Fatah au Liban, dit : « Mon impression est que la réaction des gens après Nahr al-Bared est passagère. Ils s’attendaient à plus et ils n’ont pas obtenu ce à quoi ils s’attendaient. D’autres mouvements et factions s’en servent contre le Fatah. Mais je suis certain qu’avec un peu de temps, les gens vont commencer à se servir de leur tête et non plus réagir avec leurs émotions. »

Le représentant de la direction de l’OLP au Liban et chef du Fatah, Munir Maqdah, a déclaré à IPS que « [Nahr al-Bared] n’était pas une erreur du Fatah. Les gens font confiance au Fatah de plus en plus. Le Fatah est un mouvement pour tous les Palestiniens. Il est sorti du ventre de la nation palestinienne, personne ne peut le supprimer. »

Cependant, beaucoup de Palestiniens, ici dans d’anciens fiefs du Fatah, se tournent vers le Hamas. « Le Hamas est en train de gagner en influence ici », dit Ashraf, « parce que dès le début, il a pris la position juste. Le Hamas dit, nous sommes contre l’agression de l’armée. Il dit, nous ferons pression sur les politiciens pour aider nos déplacés et ?uvrer au retour de tous dans leur maison. »

De plus, la prise de pouvoir du Hamas en juin et son insistance pour exiger le droit au retour des réfugiés dans les territoires occupés ont vraiment renforcé sa position aux yeux de beaucoup dans les camps. Quand on l’interroge sur le droit au retour des réfugiés, le représentant du Fatah, Subiyeh, répond à IPS : « Ils sont là pour des centaines d’années. »

Pour les Palestiniens de Baddawi et de Nahr al-Bared, dont beaucoup ont été deux fois réfugiés et vivent à huit dans une même pièce, ce pourrait être une pilule bien dure à avaler.

Camp de Baddawi, au Liban, 5 septembre (IPS). Electronic Libanon - publié par The Electronic Intifada
traduction : JPP


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.