Palestine : un état policier sans état
mardi 11 septembre 2007 - 23h:38
Khalid Amayreh - Al Ahram Weekly
La violence sectaire entre Palestiniens évoque de plus en plus l’Irak, écrit Khalid Amayreh.
Le président palestinien Mahmoud Abbas continue de prendre des mesures de rétorsion et en grande partie illégales contre le Hamas, publiant un nouveau décret remplaçant l’ancien système électoral (un mélange de représentation locale et de représentation nationale) par un nouveau système qui traite en un seul bloc les territoires palestiniens occupés (la Cisjordanie, la bande de Gaza, et Jérusalem est) à l’intérieur d’une unique circonscription électorale.
- Hébron, 9 septembre 2007 - Les miliciens du Fatah arrêtent un jeune manifestant sympathisant du Hamas - Photo : AP/Nasser Shiyoukhi
Le décret, disent les observateurs en Cisjordanie, a pour principal objectif d’empêcher le Hamas de gagner un grand nombre de sièges dans toutes les élections à venir. Le Hamas a largement battu le Fatah lors des élections de janvier 2006 principalement en ayant recours à des moyens de campagne efficaces et en tirant aussi profit de la division dans le Fatah, lequel présentait parfois des candidats concurrents dans la même circonscription électorale.
Selon la loi fondamentale palestinienne, la modification de la loi électorale est une prérogative du Conseil Législatif Palestinien. Cependant, en raison de la paralysie du conseil suite à la fracture entre le Fatah et le Hamas, Abbas [...] gouverne par décrets.
Dans Gaza, le porte-parole temporaire du conseil législatif, Ahmed Bahr --- le porte-parole élu Abdul-Aziz Dweik est retenu dans une prison israélienne pour forcer le Hamas à libérer un soldat israélien capturé par les combattants palestiniens en 2006 --- a écarté le décret d’Abbas comme « manifestement illégal » et « nocif à la cause de la démocratie en Palestine ».
« Le flot énorme de décrets publiés par le Président Abbas est une violation flagrante de la loi fondamentale palestinienne telle qu’elle a été amendée, » a dit Bahr, ajoutant que « le conseil législatif bloquera et annulera tous ces excès. » Abbas est dénoncé par Bahr pour « avoir violé tous les articles constitutionnels » ; [Bahr] l’accuse également d’adopter le système de représentation à la proportionnelle « pour empêcher la tenue des prochaines élections présidentielles de sorte qu’il reste président à vie. »
Abbas est peu susceptible de porter attention aux remarques de Bahr. Au contraire, le président palestinien continue de publier des décrets vindicatifs avec l’intention de punir Hamas, tel le décret écartant les fonctionnaires désignés par le gouvernement dirigé par le Hamas ou le gouvernement national d’unité qui ont précédé. Par ailleurs, Abbas a décidé d’interdire 20 organisations non-gouvernementales et associations civiques supplémentaires.
La semaine dernière, Abbas a proscrit 103 associations civiques et caritatives, alléguant que ces organisations se livraient à des activités illégales et que « les irrégularités légales et financières » ont marqué leurs opérations. Les organisations de défense des droits de l’homme et juridiques en Cisjordanie ont dénoncé ces interdictions précipitées comme « illégales » et de « coup porté au visage de la loi ». Les protestations sont peu cependant peu susceptibles d’influencer sérieusement Abbas et son gouvernement qui fonctionnent en vertu de la loi martiale, que les Palestiniens appellent maintenant avec dérision « un état policier sans état ».
Les reproches sur le plan juridique entre le Fatah et le Hamas sont seulement une petite partie de l’épreuve de force de plus en plus empoisonnée entre les deux groupes. Cette semaine, le Hamas a publié un rapport accusant les agences de sécurité de l’Autorité Palestinienne et les miliciens du Fatah en Cisjordanie d’avoir mené un millier d’attaques, meurtres, actes de vandalisme et de terreur contre des partisans et des cibles du Hamas. Le rapport bien documenté a décrit l’assaut mené contre le Hamas comme « une inquisition organisée et systématique » visant à supprimer ce mouvement.
Ces faits sont niés par les officiels du Fatah qui répliquent en disant que les agences de sécurité essayent simplement d’empêcher que ce qui s’est produit dans la bande de Gaza se reproduise en Cisjordanie. « L’Autorité Palestinienne n’en a pas après le Hamas intrinsèquement, mais combat seulement un certain groupe dans le Hamas qui essaye de refaire le même coup en Cisjordanie, » a dit Hatem Abdul-Qader, un ancien député du Fatah nommé par Abbas en tant que conseiller présidentiel pour Jérusalem.
Cette semaine, les officiers de la force de sécurité préventive en Cisjordanie ont accusé la force exécutive du Hamas de chercher à réaliser un coup de force contre le gouvernement Abbas-Fayyad dans Ramallah. Ces accusations ne peuvent pas être prises au sérieux pour la simple raison que c’est Israël qui contrôle chaque recoin de la Cisjordanie, y compris Ramallah où sont installés les sièges de l’Autorité Palestinienne.
Abdul-Qader a indiqué à Al Ahram Weekly que la direction de l’Autorité Palestinienne attendait réellement de voir se rétablir l’unité palestinienne. Il a révélé que « les états voisins faisaient des efforts sérieux pour combler ce fossé dans la nation [palestinienne]. »
Mais le Hamas estime qu’Abbas fait seulement semblant « d’être préoccupé par l’unité nationale alors qu’en fait il applique des ordres israéliens, » comme l’a déclaré le responsable du Hamas Mahmoud Zahar à Al Ahram Weekly. Zahar a présenté les quelques 340 décrets publiés par Abbas comme « une abdication totale » indiquant qu’il ne fallait pas tenir compte de ce qu’Abbas dit mais de ce qu’il fait.
Zahar accuse quelques-uns des principaux responsables de l’Autorité Palestinienne d’encourager l’armée israélienne à envahir la bande de Gaza et à liquider le Hamas au nom du Fatah.
Cependant, Zahar a dit croire qu’il était peu probable que se produise le « scénario éthiopien-somalien » dans Gaza. « Gaza n’est pas la Somalie, et l’entité sioniste sait ce que signifierait réoccuper Gaza. Et vraiment je ne pense pas qu’Israël sacrifierait des centaines de ses soldats dans l’intéret du Fatah. » Cependant, la pression israélienne est telle que le ministre de la défense, Ehud Barak a demandé à la direction de la défense d’examiner « les aspects opérationnels et légaux des étapes à suivre pour abattre le Hamas dans la bande de Gaza. » Les mesures israéliennes envisagées comprennent la coupure des fournitures d’eau et d’électricité à 1,5 million d’habitants du territoire assiégé.
Plus tôt, Haim Ramon, un conseiller proche du premier ministre Olmert, a averti qu’Israël « mettra une prix sur chaque missile Qassam en termes de destruction d’infrastructure, » ajoutant : « nous ne continuerons pas à fournir l’oxygène sous forme d’électricité, de carburant et d’eau tandis qu’ils essayent d’assassiner nos enfants ». En fait c’est Israël qui assassine les enfants Palestiniens. Uniquement la semaine dernière, Israël a assassiné cinq enfants Palestiniens dans Gaza, dont trois de la même famille. De même le 3 septembre, les troupes israéliennes dans Naplouse ont pris pour cible et grièvement blessé un garçon palestinien pendant une « opération d’arrestation » dans la ville.
Zahar a indiqué à Al Ahram Weekly qu’il suspectait Abbas de collaborer avec les Américains et Israël pour « un plan démoniaque » consistant à appeler à des élections en Cisjordanie, à falsifier les résultats, puis à demander à Israël et à la communauté internationale de l’aider à reprendre Gaza par la force. Le 4 septembre Abbas a indiqué qu’il n’appelerait pas à des élections présidentielles et parlementaires palestiniennes avant la restauration de l’unité palestinienne.
Ismail Haniyeh, le premier ministre du gouvernement de Gaza, a fait bon accueil à ces dernières déclarations [d’Abbas] toutefois il a exigé qu’Abbas cesse immédiatement « ses mesures et décisions choquantes qui ne font qu’élargir la fissure à l’intérieur de notre peuple ». Haniyeh a proposé l’application de cinq principes pour résoudre la crise actuelle avec le Fatah. Ceux-ci comprennent l’adoption du dialogue comme seul moyen de résoudre la crise, l’engagement à l’unité géographique, l’indivisibilité du système politique palestinien, le refus d’un état dans Gaza et d’un état sans Gaza, et le respect de la loi fondamentale.
Haniyeh a également invité les états arabes à redoubler d’efforts pour reconstruire l’unité nationale palestinienne, disant que les Arabes ne peuvent pas rester des spectateurs éloignés « alors que le bateau palestinien est en train de couler. »
Du même auteur :
De minables politiciens faisant de grandes ombres
Abbas joue gros !
Le précaire gouvernement Fayyad
7 septembre 2007 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2007/861...
[Traduction : APR - Info-Palestine.net]