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Un mouvement mondial pour la justice

jeudi 30 août 2007 - 06h:35

Bill Christison - CounterPunch

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Pourquoi il faut que les USA et Israël perdent les guerres au Moyen-Orient.

Par Bill Christison, ancien analyste de la CIA.

Bill Christison a été haut responsable à la CIA. Il a servi comme officier dans les services de renseignements des Etats-Unis et comme directeur du bureau des analyses régionales et politiques de l’Agence américaine.


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Les idées du livre « Choc des civilisations et restauration de l’ordre mondial », se prêtent assez facilement à celles que les néo-cons ont intégrées dans leur propre conception du monde islamique.




George W. Bush a une fois encore lancé un défi. Les guerres des Etats-Unis au Moyen-Orient, a-t-il déclaré devant la Convention nationale des Vétérans des guerres à l’étranger le 22 août, ne doivent se terminer que par la victoire américaine. Il n’a pas varié dans sa position depuis le 11 Septembre 2001. L’objectif réel, mais inavoué, de ses efforts a été, et reste, de concentrer un pouvoir croissant sur le Moyen-Orient entre les mains de quelques élites riches et avides qui font la loi aux Etats-Unis et en Israël actuellement, et peut-être qu’il y parviendra. La conséquence la plus importante, cependant, sera la liquidation de tout mouvement oeuvrant pour une plus grande justice, pour la stabilité et la paix dans le monde, pour les décennies à venir.

Cela fait quelque temps qu’on aurait dû défier l’arrogant Mr Bush.

Pour des raisons morales incontournables, « je ne veux pas » que les gouvernements US et israélien soient victorieux dans aucune des guerres actuelles ou à venir au Moyen-Orient. Je veux qu’ils perdent de telles guerres.

La politique des Etats-Unis au Moyen-Orient depuis le 11 Septembre a déjà causé environ un million de morts et apporté plus d’injustice dans le monde qu’il en existait auparavant. Chaque jour conduit à plus de morts, plus d’injustices. A moins que la raison du plus fort ne soit effectivement la meilleure, nous n’avons pas le plus petit droit de gagner ces guerres. Nous devons « les perdre ».

Si les USA « gagnaient » ces guerres, malgré tout ce que cela pourrait signifier par ailleurs, il y aurait dans le monde plus de peuples encore à être sous leur coupe. La plupart de ces peuples ne veulent pas être gouvernés par les Américains - rien que cela rend les guerres par elles-mêmes antidémocratiques. Ce fait, à lui seul, est une raison suffisante pour en arriver à la conclusion que notre pays doit perdre ces guerres.

Ma conviction personnelle est que les Etats-Unis et Israël perdront inévitablement ces guerres, avec le temps, de toute façon. Si donc cette défaite est inéluctable de fait, la sagesse et le bon sens commandent de dire qu’il vaut mieux qu’elle se produise au plus vite afin de limiter le nombre de victimes. Cependant, sur une guerre civile prolongée et sur laquelle les tiers n’ont qu’un contrôle limité, la sagesse traditionnelle pourrait bien n’avoir aucune prise.

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Bush devant la Convention nationale des Vétérans des guerres à l’étranger, le 22 août.

Néanmoins, seul, le fait d’accepter une défaite vraiment rapide - dans les six prochains mois - des Etats-Unis et d’Israël dans leurs politiques au Moyen-Orient permettra d’atténuer les accusations portées contre eux par le reste du monde pour les massacres à venir d’êtres humains dans cette région instable.

Une grande partie de l’opinion publique mondiale imputera de toute façon, et à juste titre, une large responsabilité résiduelle aux USA et à Israël pour le nombre de morts commis depuis le 11 Septembre par eux seuls et complètement disproportionné, en Afghanistan, en Iraq, au Liban, à Gaza et en Cisjordanie. Les prochains massacres qui vont se produire dans la période, même si elle est brève, d’ici la défaite inévitable des USA et d’Israël vont accroître encore cet écart. Une adhésion concise, rapide et déterminée à la défaite permettra de réduire dans une certaine mesure le poids de la responsabilité américaine dans ces futurs massacres.

Une paix durable peut régner sur le Moyen-Orient, naturellement, si les USA et Israël acquièrent la sagesse, publiquement, (et sincèrement), de ne plus vouloir dominer le Moyen-Orient et l’Asie centrale, et de cesser leurs man ?uvres pour provoquer des changements de régime en Iran et en Syrie. En d’autres termes, comme c’est le cas depuis longtemps, les USA et Israël doivent réorienter sérieusement et pour longtemps leurs politiques étrangères s’ils veulent éviter un conflit de longue durée, pour des générations, que finalement ils ne pourront gagner.

A ce jour, rien n’indique que l’un ou l’autre de ces deux pays est disposé à s’orienter vers un tel changement de politique ; et rien ne prouve que le Parti républicain ou le Parti démocrate aux Etats-Unis, les partis en Israël ou les groupes militaro-industriels américains et israéliens, le lobby israélien aux Etats-Unis ou la droite chrétienne protestante ou l’Eglise catholique américaines ou encore les élites dominantes des Etats de l’Union européenne, vont se préoccuper d’exercer la moindre pression significative pour amener le gouvernement israélien ou le gouvernement américain à changer de politique.

Si le changement se produit, il viendra par les simples électeurs, surtout aux Etats-Unis, qui feront pression sur les différents groupes précités, ou par les citoyens lambda qui auront pu créer de nouveaux groupes ou partis pour exercer une pression plus forte et peser. Ces pressions doivent être très fortes et très explicites. Les gens doivent marteler, jour après jour, tant auprès des membres démocrates et républicains du Congrès qu’auprès de tout candidat aux présidentielles, que les Etats-Unis doivent d’abord et avant tout changer leur propre politique. Et les gens doivent insister auprès de tous les politiciens sur le fait que le lobby israélien est l’une des plus grandes forces agissantes auprès des Démocrates et des Républicains pour que le politique US ne change pas, empêchant ainsi tout débat politique sain dans le pays. Cela doit cesser.

Enfin, et ce que j’espère, les électeurs américains doivent arriver à être d’accord avec les opinions que je récapitule ici et, en outre, créer une dynamique exigeant la mise en accusation immédiate, et la condamnation, de Bush et de Cheney. C’est la seule action, à mon avis, qui offre une voie rapide aux changements indispensables dans la politique américaine.

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A ce jour, rien n’indique que l’un ou l’autre de ces deux pays est disposé
à s’orienter vers un tel changement de politique...




Autres réflexions

Parlons franchement. La guerre avec l’Iran est inévitable avant janvier 2009, saut si Bush et Cheney sont mis auparavant en accusation. De nouvelles hostilités US/Israël contre le Liban sont également probables. Une guerre ou des activités secrètes américano-israéliennes pour provoquer un changement de régime en Syrie sont tout aussi envisageables.

Mais ceux d’entre nous, aux Etats-Unis, qui se prétendent des militants pour la paix devraient avoir honte. A de rares exceptions près, les directions de ce mouvement sont convaincues que les choses vont déjà dans le bon sens avec la victoire du Parti démocrate aux élections au Congrès en 2006 et le désastre persistant auquel fait face l’administration Bush en Iraq. La plupart de ceux qui s’autoproclament activistes pour la paix comptent sur de nouvelles victoires des Démocrates, ils pensent qu’en tant que groupe, il est inutile de courir des risques ou de lancer de nouvelles actions pour enlever la Présidence aux Républicains en 2008. Peut-être est-ce dépassé, mais la plupart des pacifistes pensent que la meilleure chose à faire est de s’en tenir à continuer d’évoquer le retrait d’Iraq, en se congratulant entre eux, insistant sur le fait que les Américains sont des gens admirablement réfléchis et responsables en n’allant pas trop vite à un véritable retrait.

Avouons que beaucoup d’entre nous se contentent de bonnes paroles, même quand le sujet est limité à l’Iraq. Reconnaissons aussi que la plupart ne veulent pas discuter du rôle qu’a joué Israël en incitant les Etats-Unis à envahir l’Iraq en 2003 parce cela nuirait inutilement à Israël. En fait, le lobby pro-israélien et le gouvernement israélien ont probablement conclu dès mai 2003 qu’ils avaient atteint leur principal objectif pour l’Iraq, et qu’il serait contreproductif pour eux de gaspiller leur crédibilité en continuant à s’opposer à chacun des aspects de la critique des pacifistes américains. Avant même que les choses ne commencent à aller mal dans la conduite de la guerre, les propagandistes israéliens avaient mis la pédale douce au soutien de leurs hauts dirigeants en faveur de la guerre. Mais, par derrière, le soutien était bien là, décidé et solide.

Quand il est question du Moyen-Orient - en dehors de la question de l’Iraq -, la plupart des pacifistes sont encore moins disposés à intervenir sur l’implication du lobby israélien dans les prises de décision politiques des Etats-Unis. En parler serait le plus sûr moyen de révéler la désunion et les divergences gênantes au sein du mouvement dit « de la paix ». Afin d’éviter toute discussion publique, il est plus facile pour la plupart d’entre nous d’ignorer cette évidence aveuglante : le lobby comme les officiels de haut rang américains - lequels font en fait partie du lobby - poussent les Etats-Unis vers la guerre, surtout avec l’Iran, mais aussi vers un changement de régime en Syrie et la reprise des hostilités au Liban. Si la guerre éclate contre l’un de ces pays, voire contre tous, la plupart des gens du mouvement de la paix feront remarquer qu’ils n’ont rien fait pour cela tout en espérant en silence qu’il n’y aura pas d’autres guerres, mais ont ne les entendra pas beaucoup s’opposer à ces guerres avant qu’elles ne se produisent. En cela, ils ne font que suivre la plupart des dirigeants du Parti démocrate.

Tout cela naturellement est dépourvu de toute logique. Prenons un instant et réfléchissons au désordre que le mouvement de la paix a créé. D’abord, sa dénomination même reflète le caractère superficiel du mouvement. A quoi sert un « mouvement de la paix », hypocrite, complètement hors du coup et inefficace, alors que les gens ordinaires sur cette terre veulent d’abord la justice, avant de vouloir la paix ? Le gouvernement des Etats-Unis et celui de leur allié intimement proche, Israël, recherchent en fait plus de guerres coloniales imposées et plus d’actions clandestines afin de renforcer leur influence déjà inique sur la plus grande partie du globe, en l’occurrence le Moyen-Orient. La paix surtout est pour ceux qui veulent le statu quo, mais si vous êtes dans cette catégorie vous faites partie d’une petite minorité. Aussi, bannissons le mouvement de la paix et allons vers un mouvement mondial pour la justice. La paix sera peut-être au bout, à long terme, mais si vous êtes l’un de ces milliards d’individus en colère, sur cette terre constamment entourée de la puanteur des injustices qui étouffent tous les espoirs, il y a de fortes chances pour que vous pensiez que la paix doit venir après la justice, et non la précéder. Il y a de fortes chances, en réalité, pour que vous n’ayez aucun atome crochu avec les pacifistes américains.

Voyons une autre question qui ne concerne pas seulement le Moyen-Orient mais plus largement le monde islamique. Il est clair que la théorie de Samuel Huntington du « choc des civilisations » a vu sa portée intellectuelle accrue depuis le 11 septembre 2001. On dirait qu’on a là en effet un exemple du choc des civilisations qui a pris une force croissante aujourd’hui. Cette force est nourrie par le désir des musulmans pour une vraie liberté, hors d’une domination politique toujours plus pesante sur les peuples islamiques dans le monde par les pays occidentaux (chrétiens et juifs). La principale motivation islamique n’a que peu à voir avec « la haine de notre monde libre ». La haine islamique (et elle existe) est dirigée contre les politiques américaine, israélienne et occidentale.

Le livre de Huntington a été publié au milieu des années 90, et les évènements du 11 Septembre peuvent être vus comme un cas majeur de choc des civilisations. Le point à faire ici est que les idées du livre, commodément titré « Choc des civilisations et restauration de l’ordre mondial », se prêtent assez facilement à celles que les néo-cons - le lobby israélien, les derniers gouvernements israéliens, les élites de l’Union européenne, l’Eglise catholique, la droite chrétienne protestante aux USA, et l’administration Bush elle-même -, ont tous intégrées dans leur propre conception du monde islamique. Le livre devient donc un objet d’une valeur considérable pour les dirigeants actuels des Etats-Unis et d’Israël, étant donné qu’il peut être considéré comme apportant une justification intellectuelle non seulement à la relation particulière entre ces deux pays, mais aussi aux nouveaux liens cordiaux de l’Union européenne avec les politiques américaine et israélienne.

Ceux d’entre nous qui souhaitent s’opposer au concept du choc des civilisations - lequel sert à justifier ce que font les USA et Israël au Moyen-Orient actuellement -, devraient réagir et manifester leur opposition fortement et franchement. Ceux qui acceptent l’idée que le « choc » est intégré significativement au système politique mondial actuel semblent suggérer que l’existence même du choc - qui rend injuste, oppressif, le traitement du peuple islamique - serait d’une certaine manière acceptable. Mais nous devrions faire remarquer à ces gens-là que l’existence même d’un véritable choc est tout à fait discutable, et qu’en tous les cas, l’injustice et l’oppression ne sont, elles, jamais acceptables. Les gens, partout, doivent réaliser que dans un monde de plus en plus globalisé l’importance du nationalisme arrive à s’estomper.

Nous tous devrions commencer à nous intéresser bien davantage à quelles meilleures politiques mettre en ?uvre pour le monde entier, et non à celles qui paraissent les meilleures pour notre propre nation. Pour commencer le débat, disons que les gens qui vivent aux Etats-Unis devraient cesser de se croire exceptionnels. Les Américains sont des gens tout à fait ordinaires - ni meilleurs ni pires que les gens ordinaires de partout ailleurs. Partout où l’on regarde, il y a des gens - il y en a peu - exceptionnels, mais la plupart d’entre nous ne font pas la coupure.

Nous devons souligner que dans le monde d’aujourd’hui, un empire au Moyen-Orient, dominé conjointement par deux puissances nationalistes, les Etats-Unis et Israël, n’est pas seulement antidémocratique, mais aussi affreusement dépassé.

L’auteur peut être joint à l’adresse : kathy.bill.christison@comcast.net.

27 août 2007 - CounterPunch - traduction : JPP


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