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Les dividendes de l’opportunisme

lundi 27 août 2007 - 12h:25

Ramzy Baroud

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Rencontre de Jéricho le 6 août, tenant plus de l’opération de relations publiques que de la négociation (on remarquera l’air motivé des deux protagonistes...) - Photo : AFP

Le comportement irréfléchi et défaitiste du Président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas et de son cercle rapproché en Cisjordanie n’est probablement d’aucun profit pour le peuple de Palestine ni pour son combat reconnu au niveau international, pour les droits de l’homme, la liberté et l’égalité. Abbas, et ses élites palestinienne égoïstes semblent s’être voués à exploiter le drame palestinien en cours pour cimenter encore plus leurs statuts et positions, bien que cette attitude mène à la destruction complète du maigre espoir de faire respecter un jour les droits des Palestiniens.

La réponse palestinienne, israélienne et internationale — avec l’administration Bush en fer de lance — à la victoire électorale du Hamas et à la formation d’un gouvernement sous occupation militaire, respectivement en janvier et en mars 2006, a démontré que pour tous ces joueurs la démocratie entre dans la catégorie de l’opportunisme politique : pour déclencher des guerres, rationaliser une occupation illégale ou profiter de gains financiers. Selon la règle appliquée par Abbas, la démocratie était et demeure un opportunité. Elle est la plupart du temps constituée à partir d’un mélange bizarre de rhétorique, fondé sur aucune action signicative.

Si la vraie démocratie doit prévaloir sur toutes les menaces et tous les défis, Abbas a lamentablement échoué. Comme chaque chef autocratique, il comprend que toute application pratique de la démocratie au Moyen-Orient comme dans d’autres régions du monde doit passer le test américain, une leçon ancienne que la région a été forcée d’apprendre maintes et maintes fois. Tout ce qui sert les intérêts américains représente la véritable démocratie ; n’importe qui osant défier ces intérêts est dûment ostracisé et écarté. Cependant, des régimes amis (du point de vue américain) qui échouent à exhiber ne serait-ce qu’une miette de gouvernement démocratique sont considérés comme « modérés », par opposition aux autres « extrémistes » qui pourraient être très démocratiques comme le Hamas.

En effet, Abbas comprend très bien les règles du jeu démocratique ; instruit en science et histoire politiques, il s’est immergé dans la turbulente politique de la région pendant plus de quatre décennies.

Bien qu’Abbas ait le droit de déduire sa propre vision du monde, il n’a aucun droit d’appliquer de telles déductions dans le but de liquider la lutte historique d’une nation entière. Ses actions ne relèvent d’aucune éthique et sont injustifiées, pour ne pas dire plus. Le chef viellissant et les individus louches qui l’entourent seront rélégués en bas des livres d’histoire en compagnie de tous les dirigeants et toutes les élites qui se sont compromis avec leur occupant et ont tourmenté leurs propres peuples en échange de bénéfices mondains et de statuts sans consistance.

Tandis que les groupes de presse à travers le monde ne disent rien de la nature anti-démocratique de la farce qui se joue sous le contrôle d’Abbas, les politiciens, les conseillers en politique et les commentateurs israéliens sont à peine discrets quant rôle qu’ils s’attendent à voir jouer par Abbas : ses forces de sécurité doivent casser n’importe quelle dissidence parmi les Palestiniens. Ses partisans effectueront le sale boulot des enlèvements et des assassinats, en conformité avec les objectifs politiques israéliens et américains.

De fait, l’appareil d’Abbas s’est montré exemplaire en répondant à ces objectifs. Le chef palestinien et son premier ministre Salam Fayyad ont alors été généreusement récompensés : des dizaines de millions de dollars venant des contribuables américains, l’argent des taxes qu’Israël s’est illégalement approprié depuis l’élection du gouvernement du Hamas, des formations militaires pour ses fragiles forces de sécurité et, enfin, une scène internationale pour fournir à Abbas la reconnaissance politique dont il a besoin.

Abbas, en retour, se permet quelques extras, allant même au delà de ce qu’on lui demande. Quelques bavards de son gouvernement diffusent de vagues informations en direction des médias internationaux en tirant un trait d’égalité entre le Hamas et les terroristes d’Al-Qaeda et les militants Talibans ; certains sont allés jusque affirmer l’existence d’un lien réel entre le Hamas et Al-Qaeda, une accusation qui ne peut que contribuer encore plus à la misère et à l’isolement des Palestiniens.

Comme récompense pour l’active participation d’Abbas à renforcer le désespoir dans Gaza et à élargir la division parmi des Palestiniens, celui-ci a gagné le privilège de se réunir avec le premier ministre israélien Ehud Olmert une fois toutes les deux semaines, ainsi que la confiance et la confidence de la secrétaire d’état américaine Condoleezza Rice et de son patron. Toute tentative de réconciliation avec le Hamas, souhaitée par la majorité des Palestiniens au moins dans les Territoires Occupés, mèneraient très certainement au retrait de certains, sinon de tous ces avantages, un risque qu’Abbas ne prendra pas.

Mais la division palestinienne est désastreuse, non seulement parce que cela nous dévie de la lutte pour la liberté et la souveraineté et parce que cela distrait l’attention de la communauté internationale de l’occupation illégale israélienne, mais aussi parce qu’elle laisse des options très limitées au Hamas et au Fatah : l’isolement du Hamas renforcera probablement son aile la plus radicale, ce qui rendra difficile de trouver un terrain commun à l’avenir ; le Fatah, qui aura perdu tout appui populaire d’ici demain devra continuer à s’appuyer sur l’aide et les initiatives venant de l’extérieur, malgré la peu prometteuse conférence internationale de paix au Moyen-Orient qui vise à renforcer le soutien à Abbas face au Hamas, ou la renaissance de l’option jordanienne liant la Cisjordanie et la Jordanie par une confédération.

Des discussions sur cette dernière option, comme cela a été rapporté récemment dans le quotidien israélien Haaretz — bien que l’idée ait flotté dans l’air pendant beaucoup d’années — peu devenir terriblement vrai pour deux raisons : d’abord, la direction palestinienne internationalement représentée par Abbas ne peut pas maintenir son contrôle sur les Palestiniens sans l’appui actif des acteurs régionaux et internationaux tels que l’Egypte et la Jordanie, et ensuite parce que cette même direction a prouvé sa capacité à tomber encore plus bas chaque jour.

Dans les mois qui précèdent la conférence de paix de novembre, on s’attend à ce qu’Abbas fasse encore plus la preuve de sa fidélité à Israël et aux Etats-Unis, aux dépens des Palestiniens qui se voient privés aujourd’hui de la seule bonne carte qu’ils aient dans leur lutte vieille de six décennie pour la liberté : leur sens de la collectivité qui en dépit des fractures occasionnelles, a toujours réussi à survivre envers et contre tout. Le jour où ceci ne sera plus possible, la victoire d’Israël sera alors complète.

(*) Ramzy Baroud est l’auteur de « The Second palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle » et rédacteur en chef de PalestineChronicle.com »

Site Internet :
www.ramzybaroud.net

Du même auteur :

- Le véritable agenda palestinien de Bush
- Miracle palestinien à l’ONU : le défaitisme ne connait pas de limite
- Irak : le temps ne résoudra rien
- Tirer les leçons du sang versé à Gaza

24 août 2007 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2007/859...
Traduction : Claude Zurbach


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