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Irak : le temps ne résoudra rien

samedi 28 juillet 2007 - 06h:18

Ramzy Baroud - Al Ahram Weekly

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"La politique des Etats-Unis en Irak est un échec complet ; donner plus de temps pour la mise en ?uvre de l’actuelle stratégie ne fait qu’accroître le désastre", écrit Ramzy Baroud.

Les nouvelles provenant ces dernières semaines de Washington et de Bagdad conduisent à conclure de façon évidente sinon définitive que c’est l’échec complet des aventures de l’administration Bush en Iraq.

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Des passants se rassemblent devant le bureau d’un parti kurde à Kirkuk, ville pétrolière dans le nord de l’Irak, où l’explosion d’une voiture piégée a tué au moins 71 personnes et blessé 180 autres.

Ce que les médias se sont empressés d’appeler la « révolte des Républicains » est maintenant accentuée par deux sénateurs républicains parmi les plus éminents : John Warner de Virginie et Richard Lugar de l’Indiana. Avant que les démocrates ne l’emportent au Congrès, le premier était président du Armed Services Committee (Comité des services armés) et le second président du Foreign Relations Committee (Comité des relations avec l’étranger).
Au parti, ils occupent une place unique et incontestée en matière de sécurité nationale et de politique étrangère.

Les deux sénateurs ont proposé le repli des troupes du front des combats dès le 1er janvier 2008. Par cette mesure, dévoilée le 13 juillet, la Maison blanche serait requise de présenter un plan de réalignement d’ici au 16 octobre.

Vu le moment choisi pour le réalignement proposé, on se rend compte de la gravité de la proposition. Le général David Petraeus, chef des forces étatsunienes en Irak, ainsi que Ryan Crocker, Ambassadeur des Etats-Unis à Bagdad, sont censés présenter un rapport au Congrès dans lequel ils évalueront les « progrès » réalisés. Ils préciseront aussi dans quelle mesure le gouvernement du Premier ministre Nuri Al-Maliki a rempli les conditions que lui a imposées le Congrès et qui ont été signées par Bush. Si la performance d’Al-Maliki et de son entourage sectaire ne parvient pas à impressionner, il y aura une réduction de l’aide.

Les démocrates fulminent, que ce soit parce qu’ils sont vraiment inquiets ou parce qu’ils savent qu’ils tiennent un atout dans le fiasco irakien. Selon eux, même l’initiative capitale de Warner et de Lugar est insuffisante. Le chef de la majorité démocrate au sénat, Harry Reid, a critiqué le plan car celui-ci n’insiste pas sur l’étape d’application. Reid propose une législation de rechange exigeant le retrait des troupes d’ici au printemps de l’année prochaine. Nombre de démocrates suivent la ligne de Reid ; toutefois, ils ne réunissent pas la majorité requise pour surmonter le veto présidentiel.

En revanche, Bush maintient que sa stratégie requiert simplement plus de temps. Il n’exige plus, il « implore » selon le terme précis utilisé dans un article du Washington Post du 14 juillet présentant la réaction de la Maison blanche devant la « révolte des Républicains ». « Bush a imploré le Congrès d’attendre l’évaluation de Petraeus avant d’essayer de changer de stratégie » écrivait Shailagh Murray.

En anticipant une stratégie de redéploiement pour la mi-octobre, les sénateurs Lugar et Warner exigent que la Maison blanche commence à la préparer presque immédiatement, ce qui rend les recommandations Petraeus-Crocker nulles et non avenues. Pourquoi attendre l’opinion de Petraeus si on la connaît déjà ?

Le général Petraeus a parlé avec John Simpson de la BBC à Baquba, quelques jours seulement avant ces développements sur Capitol Hill, insistant sur la lenteur du processus de stabilisation en Irak. « Je crois que l’Irlande du Nord, vous a très bien montré cela. Mes homologues militaires britanniques comprennent bien ce type d’opération... Il a fallu du temps, des décennies », a-t-il dit.

Petraeus n’est pas pessimiste au point d’éliminer complètement la possibilité d’une victoire militaire, mais il parle d’une guerre longue et pénible. « Je ne sais pas si elle se mesurera en dizaines d’années, mais en moyenne, il faut entre neuf ou dix ans pour mater une insurrection. »

Cet avis laisse prévoir que dans son rapport de septembre, le général mentionnera sans doute quelques succès ici et là et qu’il insistera sur la durée de l’effort à soutenir. Dix années de plus pour éliminer une « insurrection » c’est trop pour une nation qui se lasse déjà de la guerre et de son coût ; c’est encore plus pour le peuple irakien qui en paie le prix.

Parallèlement au manque de soutien que son administration rencontre au Congrès - et de plus en plus auprès des membres républicains - un autre orage politique se lève pour Bush. Celui-ci émane du gouvernement irakien lui-même. Al-Maliki prétend que son armée est capable d’assurer la sécurité et que les forces US peuvent partir « quand elles veulent ». Toutefois, un haut fonctionnaire, Hassan Al-Suneid, a critiqué les Etats-Unis pour avoir fait de l’Irak « une expérience dans un laboratoire américain ». Suneid protestait contre les objectifs fixés (benchmarks), mais aussi contre les tactiques militaires utilisées par les USA, à savoir la coordination avec des groupes de militants sunnites (des « bandes de tueurs » selon Suneid) dans le but de marginaliser et de détruire Al-Qaeda en Irak.

Entre-temps, Maliki fait face à une crise insoluble et croissante dans les rangs des partis politiques chiites, qui touche aussi les relations entre chiites, sunnites et Kurdes. La crise de sa coalition est une version beaucoup plus grave de l’épreuve que traverse Bush au Congrès, bien qu’elle soit alimentée principalement par les politiques et les anticipations de Washington.

Alors que dans ses rapports le Pentagone continue à parler de succès et à justifier l’afflux de 30.000 soldats supplémentaires, la situation sur le terrain est très différente. C’est sans relâche que se poursuivent les attaques suicide, les explosions de voitures piégées, les raids étatsuniens et les tirs d’obus qui sifflent de partout. Le fait que les Irakiens meurent par milliers transforme les rapports sur les progrès sensibles en chiffons de papier.

Pendant ce temps, aux Etats-Unis, un sondage Ipsos de l’Associated Press des 9-11 juillet montrait que, dans le public, le taux d’approbation de la performance du Congrès était aussi bas qu’en juin 2006, donc avant que les démocrates ne prennent le contrôle de la Chambre et du Sénat. A 24 pour cent, les Américains perdent confiance dans les deux partis après avoir espéré que l’ascension des démocrates mettrait le pays sur une nouvelle voie. A 33 pour cent, le taux d’approbation du Président Bush est tout aussi atterrant.

L’échec de la politique américaine en Irak est irréparable. Ce ne serait pas si grave, si des centaines de milliers d’Irakiens innocents n’avaient payé cet échec de leur vie ; il en mourra probablement beaucoup plus si le Congrès n’agit pas résolument pour répondre aux souhaits du peuple américain et respecter le caractère sacré de la vie des Irakiens et en fait, des Américains.

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Ramzi Baroud




* Ramzy Baroud est un écrivain palestino-américain et l’éditeur de PalestineChronicle.com ; son dernier ouvrage est consacré à la Deuxième Intifada et s’intitule « The Second Intifida : A chronicle of a People’s Struggle » (Pluto Press, Londres).

Site Internet :
www.ramzybaroud.net


Du même auteur :

- Tirer les leçons du sang versé à Gaza
- La gauche palestinienne : une occasion manquée
- Palestine : défaite de la démocratie

20 juillet 2007 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2007/854...
Traduction de l’anglais : amg


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