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Lutter pour laisser une place au rêve

jeudi 26 juillet 2007 - 06h:28

Samir Jubran - Le Monde

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"En tant que musicien, mon travail consiste à lutter pour garder une place au rêve" - Samir Jubran, joueur d’oud.

Il a débuté sa carrière en solo, s’est fait connaître en duo avec son frère Wassim et joue désormais en trio avec le cadet Adnan sur les scènes du monde entier : le Palestinien Samir Jubran, 34 ans, et ses frères âgés de 23 et 21 ans, trois virtuoses du oud, le luth arabe, ont ouvert, jeudi 19 juillet, le Festival de Jérusalem, sommet de la saison musicale dans les territoires occupés, qui s’acchève le 27 juillet. Le concert était organisé dans le monumental Tombeau des rois, un caveau antique, propriété de la France, au coeur de la partie arabe de la ville sainte. A cette occasion, le trio Jubran, accompagné du percussionniste Youssef Hbeisch, a joué les morceaux de Majaz (Métaphore) disque dont la sortie en France est prévue le 25 octobre. En attendant, le trio doit se produire à Langon (Gironde), le 27 juillet.


Guerre civile entre le Hamas et le Fatah, mise en quarantaine de la bande de Gaza, grignotage de la Cisjordanie par les colonies, comment être un artiste dans une ambiance pareille ?

Pour nous Palestiniens, la politique est notre pain quotidien. Qu’on le veuille ou non, elle s’engouffre dans chaque minute de notre existence. Dans une réalité qui n’est pas normale, nous ne serons jamais des artistes normaux. A ma mesure, en tant que musicien, mon travail consiste cependant à lutter pour garder une place au rêve. Si nous laissons la politique envahir complètement notre vie, nous sommes finis. Tout seul, je suis incapable de construire un avenir meilleur. Mais avec mon oud, je peux maintenir cet espoir vivant.

A une soirée poétique à Haïfa à laquelle vous avez participé, le poète palestinien Mahmoud Darwish a qualifié de "suicide collectif" les combats de Gaza. Comment réagissez-vous au coup de force du Hamas ?

Je ne peux pas me reconnaître dans un mouvement qui veut donner à la Palestine la couleur de la religion. Pour moi, la Palestine est beaucoup plus qu’une carte, qu’un gouvernement ou même qu’un Etat. C’est d’abord une terre et des gens, animés par la rage de rester vivants.

Cette identité, en tant que Palestinien citoyen d’Israël, né à Nazareth, je l’ai longtemps cherchée. Au début de ma carrière, j’enseignais la musique dans une école israélienne à Haïfa. En 1996, de retour d’un concert à Aix-en-Provence, avec, déjà, Mahmoud Darwish, un fonctionnaire du ministère de l’éducation israélien m’a reproché de m’y être présenté comme "Palestinien" et m’a dit qu’à l’étranger je devais représenter Israël. Ce fut un tournant pour moi.

Peu de temps après, j’ai rencontré ma femme, je me suis installé avec elle à Ramallah et j’ai cessé de me poser des questions. Maintenant, nous avons deux gouvernements et notre identité est de nouveau chamboulée. Mais est-ce si important ? Ici, la seule véritable autorité est aux mains des Israéliens. Nous n’aurons un gouvernement digne de ce nom que lorsque l’occupation sera terminée. Pas avant.

Votre identité est palestinienne, votre inspiration est-elle plurielle ?

Il y a deux types de joueurs d’oud. Celui qui se produit sur scène vêtu d’une galabeya qu’il ne porte jamais dans sa propre vie et qui se comporte comme un conservatoire ambulant des traditions arabes. Et puis ceux, comme moi et mes frères, qui se servent de leur oud comme d’une guitare. Bien sûr, nous restons des musiciens arabes. Nous n’utilisons pas les harmonies de la musique occidentale et nous n’écrivons jamais nos morceaux. Mais nous sommes aussi ouverts à de multiples influences.

Pour cet album, par exemple, j’ai beaucoup écouté de flamenco, notamment les enregistrements de Paco de Lucia. C’est d’ailleurs le trio qu’il forma au début des années 1980 avec les guitaristes Al Di Meola et John McLaughlin à l’origine de l’album Friday Night in San Francisco, qui m’a donné l’idée de bâtir ma propre formation.

Nuits atypiques de Langon, le 27 juillet. Tél. : 05-57-98-08-45.


Propos recueillis par Benjamin Barthe, correspondant à Jérusalem


De Benjamin Barthe :

- La conquête inexorable de la Vieille ville de Jérusalem par les colons israéliens se poursuit
- En Israël, des milliers de survivants de la Shoah se sentent abandonnés par l’Etat

Samir Jubran & Benjamin Barthe - Le Monde, le 25 juillet 2007


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