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Le langage comme instrument du crime

lundi 16 juillet 2007 - 06h:34

Rannie Amiri - CounterPunch

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Il est vraiment amusant que George Orwell ait écrit 1984 en 1948, la même année où fut créé Israël car c’est dans l’usage et la diffusion du double langage que cette nation, par-dessus tout, s’est révélée la plus experte.

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Faite de béton et de fils électrifiés, bordée de tranchées et montée avec des tours stratégiquement positionnées pour les snippers, il est plus que ridicule de l’appeler « barrière ». Ici, à Kalandya (photo M. Muheisen)

Petit lexique du double langage israélien

Défini par le dictionnaire Webster comme « langage évasif, ambigu, biaisé destiné à duper ou à semer la confusion », les gouvernements israéliens se sont toujours appuyés sur le double langage pour justifier la nature expansionniste de leur Etat, trouver des excuses à la confiscation de la terre et minimiser l’importance des mauvais traitements et sévices imposés à ses habitants.

Quelques exemples :

La barrière de sécurité

La monstruosité qu’Israël est en train de construire sur toute la longueur de la Cisjordanie n’est pas plus pour la sécurité qu’elle n’est une barrière. La barrière, commencée en 2003 et maintenant réalisée à plus de la moitié, est prévue pour s’étirer sur plus de 450 miles et atteindre 25 pieds de hauteur, quatre fois plus longue et deux fois plus haute que l’ancien mur de Berlin. Faite de béton et de fils électrifiés, bordée de tranchées et montée avec des tours stratégiquement positionnées pour les snippers, il est plus que ridicule de l’appeler « barrière ».

En 2004, la Cour internationale de Justice de La Haye a déclaré illégale la construction de la barrière (un verdict dont on ne tient pas compte, naturellement). La semaine dernière, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies a publié un rapport indiquant qu’elle « restreindra l’accès aux lieux de travail, aux centres de santé, d’enseignement et aux lieux de culte. » En outre, il est reconnu de façon absolue que Jérusalem-Est à majorité arabe sera coupée de la Cisjordanie par le tracé. Dans d’autres secteurs, 50 000 Palestiniens vont se trouver complètement isolés et sans guère de possibilités dans les zones comprises entre la barrière et Israël, avec pour conséquence de leur rendre « inaccessibles les services cruciaux comme les écoles, les cliniques, et les commerces, que ce soit en Israël ou en Cisjordanie, sauf à posséder une autorisation spéciale ».

Pour être plus précis sur la localisation de la barrière, ajoutons qu’un rapport des Nations unis indique que 80% de son tracé se trouvent sur le territoire de Cisjordanie.

La « barrière de sécurité » est de la sorte une structure offensive et non défensive comme elle est censée être.
Ceci n’est qu’une illustration de la façon dont Israël tente de brouiller la réalité - dans ce cas, une saisie de territoire de très grande ampleur - par l’utilisation d’un langage.

Pressions physiques modérées et accidents du travail

Israël est en même temps le seul pays à autoriser officiellement l’usage de la torture, appelée par euphémisme, « pression physique modérée ». Léa Tsemel, avocate en défense et fondatrice du Comité public contre la torture en Israël (PCATI) fait remarquer qu’« Israël est le seul pays occidental à recourir ouvertement à la torture. Il ne s’agit pas de certaines brutes des services secrets tabassant un prisonnier. Cela se fait ouvertement. Il y a une légitimation sereine par une commission de haut niveau et les ministres du gouvernement ». (New York Times, 8 mai 1997).

Le Sunday Times était déjà arrivé à la même conclusion en juin 1977 : « La torture des prisonniers arabes est si répandue et systématique qu’elle ne peut pas être écartée au prétexte d’actes commis par des "flics véreux" qui outrepassent les ordres. Il apparaît qu’elle est autorisée en tant que politique délibérée. »

Toutes les fois qu’un détenu meurt sous la torture, le cas se trouve écarté en tant que regrettable « accident du travail ». Une décision de la Cour suprême israélienne en 1999 en a interdit la pratique. Malheureusement, la jurisprudence s’est depuis inversée. Un jugement de juin dernier autorise le Shin Bet à utiliser des méthodes considérées par le PCATI comme des tortures dans le cas de « bombe à retardement ». Avec la possibilité d’une interprétation très large de cette circonstance, en réalité un feu vert a ainsi été donné pour restaurer cette pratique.

Le présent absent

Un terme bizarre pour désigner ces Palestiniens qui n’avaient pas été chassés de Palestine en 1948, qui sont restés dans ce qui est devenu par la suite Israël. Mais s’ils avaient quitté provisoirement leur maison ou s’ils avaient quitté leur terre durant la guerre, ils étaient alors empêchés de la reprendre. La confiscation de leurs biens en leur qualité de « présents absents » était alors autorisée. (Ha’aretz, 14 janvier 1955).

Les secteurs abandonnés

« Nous prenons d’abord la terre et la loi viendra ensuite. » - Yehoshafat Palmon, conseiller aux Affaires arabes près du maire de Jérusalem (Guardian, 26 avril 1972).

Que ce soit pour apaiser la conscience des juifs immigrés ou pas, les sionistes qui ont créé Israël ont adopté toute une série de lois discriminatoires avec des intitulés à connotation bénigne et protectrice mais qui, explicitement, portaient à l’expropriation des Palestiniens de leur terre. Dans certains cas, ces lois étaient rétroactives.

Elles ont porté des intitulés comme Règlements de défense (urgence), Ordonnance relative aux secteurs abandonnés, Articles relatifs à l’exploitation des terres non cultivées (urgence), et, comme indiqué ci-dessus, Loi relative à la propriété des absents.

Ces lois ont toutes voulu renforcer le mythe colporté par les sionistes prétendant que la Palestine était « une terre sans peuple ». Elles ont pourtant été décrites, à juste raison, par le journaliste, Moshe Keren, comme « un vol à grande échelle avec un enrobage juridique ».

Définition du double langage israélien : utilisation du langage pour cacher les crimes de l’Etat.

Big Brother en est sûrement très fier.


Rannie Amiri est journaliste indépendant ; il traite des sujets relatifs au monde arabe et islamique. On peut le joindre à : rbamiri@yahoo.com

Référence : Zayid Ismail - « Sionisme : le mythe et la réalité » - American Trust Publicatios - Indianapolis, 1980.

Sur le même sujet :

- Le langage de l’Empire, de Enzo Traverso, mai 2007,
- "Liquider" et "disperser", mots hébreux pour Palestiniens, de Yitzhak Laor, juillet 2006.

Bastine Day, édition du 14 - 15 juillet 2007 - publié sur CounterPunch - traduction : JPP


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