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Palestiniens chassés de Nahr Al-Bared par la guerre

dimanche 15 juillet 2007 - 07h:30

Mouna Naïm - Le Monde

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Les bombardements de l’armée libanaise sur le camp de Nahr Al-Bared ne vont laisser qu’un champ de ruines - Photo : AFP

Dans une pièce en sous-sol de la Fondation Ghassan Kanafani pour la protection de l’enfant, une vingtaine de gamins assis en tailleur suivent sagement la saynète du théâtre d’ombre. On y raconte l’histoire d’un enfant violenté par son père sur la base d’un ragot non vérifié qui le met en cause. "Qu’est-ce que la violence ?", interroge une jeune éducatrice de l’association palestinienne Nabeh. Les réponses fusent, applaudies par l’assistance.

Ici, comme à l’étage avec un groupe d’adolescents, ou encore dans une autre pièce avec une assemblée de mères, Nabeh s’emploie, sous la houlette de l’association Save the Children, à désamorcer la violence ordinaire, de moins en moins contenue au sein du camp de réfugiés palestiniens de Baddaoui, dans le nord du Liban.

Ce camp abrite l’écrasante majorité des 31 993 réfugiés déplacés de Nahr Al-Bared, où l’armée libanaise fait la guerre depuis près de deux mois au groupe dit Fatah Al-Islam. La cohabitation entre les deux populations devient chaque jour plus explosive, expliquent les responsables de Save the Children, de Première urgence, ou encore de Handicap International et de l’UNRWA (l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens) à Jean-Claude Heyraud, qui dirige l’unité chargée entre autres du Moyen-Orient, au sein du département humanitaire de la Commission européenne (ECHO) et à ses collaborateurs.

Ces derniers sont venus faire le point sur les activités des nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) internationales bénéficiaires des financements d’ECHO. Ils doivent examiner avec elles et l’UNRWA les perspectives de l’après-guerre à Nahr Al-Bared et les besoins potentiels urgents pour la réhabilitation du camp. Ils ont également rencontré des familles déplacées et leurs hôtes. La Commission européenne a déjà déboursé 370 000 euros pour l’aide d’urgence aux réfugiés chassés par les combats.

Tension avec les réfugiés

La guerre de Nahr Al-Bared est visiblement entrée dans sa phase finale, avec l’encerclement du Fatah Al-Islam dans une portion congrue du camp. Compte tenu de la combativité acharnée du groupe djihadiste, dont les tirs ne visent plus uniquement les positions de l’armée mais aussi les villages autour du camp, nul n’est en mesure de prévoir quand les armes se tairont, ni, a fortiori, l’étendue des dégâts et des besoins.

Divers plans et dispositifs d’urgence pour l’après-guerre n’en sont pas moins déjà à l’étude, au niveau officiel libanais comme dans les ONG.

Une même inquiétude ronge les esprits : comment empêcher les réfugiés déplacés de se ruer vers ce qui restera de leurs foyers dès la fin des hostilités, sans attendre les travaux de déminage, de déblaiement des décombres et d’expertise des habitations ? Et où loger les déplacés en attendant la reconstruction du camp promise à grands renforts de publicité par le gouvernement libanais ?

Car, outre les violences et les tensions qui s’accentuent à tous les niveaux entre la population originelle et les réfugiés déplacés, y compris parmi les enfants, les problèmes dus à la promiscuité s’aggravent dans le camp de Baddaoui. "Plus la guerre dure, plus il fait chaud, plus le provisoire se perpétue et plus grandes sont les tensions, confirme Imad Labani, membre palestinien de Save the Children. Je préfère pour ma part aller planter une tente sur les décombres de ma maison à Nahr Al-Bared (une fois la guerre terminée), plutôt que de continuer à subir l’humiliation de la vie ici."

Il raconte l’histoire de ces "120 familles logées dans de petits appartements mis à disposition par un promoteur immobilier local et qui doivent avoir évacué les lieux dans une semaine, leur hôte étant désireux de récupérer son bien". "Où iront-elles ?", interroge-t-il.

Roudeïnah Khalil, elle, ne restera pas "une minute de plus ici". " Si on me donne le choix entre Jérusalem et ma maison à Nahr Al-Bared, je choisirai cette dernière, dit-elle. C’est là que je suis née et que j’ai vécu. Sur les images de la télévision, je cherche tous les jours à la localiser pour voir ce qu’il en reste." Elle fait partie de la trentaine de réfugiés déplacés que la famille Abdel Razzak, qui compte à elle seule dix personnes dans un trois pièces cuisine en piteux état, accueille toutes les nuits.

Ce sont surtout les questions de "moralité" que les uns et les autres évoquent. "On est au bord de la dissolution des moeurs, s’indigne un membre du comité populaire chargé de la gestion des services publics à l’intérieur du camp. J’abrite chez moi six familles. Cela ne peut pas continuer !"

La précarité de leur situation ravive l’amertume de ces populations contre leurs conditions de vie dans les camps du Liban, où ils sont privés des droits les plus élémentaires et, plus globalement, le sort du peuple palestinien. Les membres du comité populaire, qui regroupe les représentants des différentes factions palestiniennes, disent n’avoir aucune confiance dans l’actuel gouvernement libanais qui est pourtant le premier à avoir reconnu l’injustice faite aux Palestiniens et décidé d’y remédier.

"Je troquerai volontiers toute l’aide humanitaire en échange du respect de ma dignité d’être humain, dit le membre du comité populaire à M. Heyraud. Vous, Européens, vous pouvez, grâce à la puissance qui est la vôtre, nous aider à recouvrer notre humanité."

Paris réunit l’ensemble des forces libanaises à La Celle-Saint-Cloud

Aucune des parties invitées à la conférence interlibanaise qui devait s’ouvrir, samedi 14 juillet, au château de La Celle-Saint-Cloud (Yvelines), ne pouvait décliner l’invitation de la France. La participation de délégués de la majorité politique était presque évidente, dans la mesure où cette faction sait gré à la France d’un soutien indéfectible depuis deux ans. En répondant "oui" à l’invitation de Paris, l’opposition, de son côté, en particulier le Hezbollah, prend les nouvelles autorités françaises au mot, dès lors que ces dernières affirment vouloir n’exclure personne de leur dialogue avec ce pays, à la différence des Etats-Unis avec lesquels Paris était jusqu’à présent en parfait accord à propos du Liban.

Aucune partie n’attend toutefois de percée à l’issue de ce forum. Tous considèrent que pour être véritablement fructueux le dialogue interlibanais doit avoir lieu au Liban, entre dirigeants de premier plan et sur la base d’un ordre du jour précis permettant d’aplanir les principaux points de divergence portant notamment sur la composition d’un gouvernement d’union nationale. -



A propos de Narh el-Bared :

- « Désastre humain » à Nahr el-Bared
- Liban : le retour des réfugiés dans le camp détruit est une vraie gageure

A propos de Baddaoui :

- Beddawi : 45.000 dans 2 kilomètres carrés

Mouna Naïm, envoyée spéciale à Baddaoui (Liban) - Le Monde, le 14 juillet 2007


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