16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Les Palestiniens devraient coloniser la Palestine

samedi 23 juin 2007 - 09h:08

Alain Campiotti - Le Temps

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Le maintien des camps de réfugiés palestiniens depuis plus d’un demi-siècle devient de plus en plus aberrant, et leur financement par l’Unrwa contribuerait, selon un professeur allemand, à la natalité, et donc à la violence.

JPEG - 18 ko
Femme réfugiée palestinienne dans un quartier en périphérie d’Amman en Jordanie

L’aide de l’ONU stimule la natalité palestinienne, et donc la violence. Thèse provocante. Il y a peut-être quelque chose à en tirer.

Le philosophe Peter Sloterdijk dit de lui que c’est le nouveau Marx. Mais Gunnar Heinsohn est d’abord un provocateur. Ce professeur de l’Université de Brême prétend avoir trouvé la cause de quatre cinquièmes des accidents violents de l’Histoire, guerres ou troubles sociaux : le surplus de jeunes mâles dans la population, ce que les démographes anglophones appellent le « youth bulge ». Heinsohn a déjà vérifié sa théorie dans de nombreuses situations, des conquêtes coloniales aux émeutes de banlieues. Mais l’exemple qu’il préfère, dans ses cours et ses écrits, c’est la Palestine, et d’abord Gaza.

La bande côtière est en effet un cas exceptionnel. Sa population a été multipliée par six en 50 ans. L’angle youth bulge est encore plus spectaculaire. Pour mille Palestiniens de 45 à 49 ans, il y a à Gaza 6200 garçons de moins de 4 ans. La proportion est de 1500 pour 1000 en Israël, de 945 pour 1000 aux Etats-Unis. Cette bulle, dit Gunnar Heinsohn, est explosive, car dans presque chaque famille il y a un troisième, un quatrième, voir un cinquième fils ou plus, qui ne trouvent pas leur place dans le groupe et dans la société : leur énergie disponible se dépense, par la médiation de la religion et de l’idéologie, en violence. Et comme le jeune premier ministre (ou ex-premier, c’est selon) du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a déjà treize enfants, ça promet.

Mais pourquoi pareille fertilité, alors que dans d’autres pays arabo-musulmans, la Tunisie et l’Algérie par exemple, le taux est descendu à un niveau comparable à celui de la France ? Ce n’est pas la faute des mères et des pères, dit le chercheur allemand, c’est la faute de l’ONU.

Après la guerre de partition, l’Assemblée générale des Nations unies a créé un statut spécial pour les réfugiés palestiniens. Tant que le conflit du Proche-Orient n’était pas réglé, les déplacés seraient réfugiés de père en fils. Leur nombre croît donc d’année en année. Depuis 1950, l’Unrwa, organisme dont c’est la seule tâche, gère soixante camps et distribue les subsides : logement, école, frais médicaux, dons ou prêts quand c’est nécessaire. Faire des enfants ? Pas de problème : une prise en charge, rudimentaire, est assurée. Et les garçons finissent par mettre des cagoules et tirer dans les rues. Bien sûr, ils ont d’autres raisons...

Exposée ainsi, la thèse de Heinsohn paraît presque aussi rudimentaire que la condition des réfugiés. Par ailleurs, elle conforte un argument israélien. Grâce à l’Unrwa, dit le gouvernement de Jérusalem, les Etats arabes maintiennent la masse palestinienne dans des camps précaires comme moyen de pression permanent sur l’Etat hébreu. Israël, qui a très largement contribué à créer le problème des réfugiés, fait preuve d’un certain cynisme en demandant à d’autres de le résoudre. Et les Arabes sont une mauvaise cible : les dépenses de l’agence onusienne sont épongées pour l’essentiel par les Etats-Unis, l’Union européenne, la Norvège, la Suède, et la Suisse un peu derrière.

Il est vrai pourtant que l’Unrwa fait problème. Et comme la solution du conflit israélo-arabe n’est pas imminente, les questions seront chaque année plus pressantes. Le maintien de ces enclaves sommaires autour d’Israël, depuis quarante ans ou depuis plus d’un demi-siècle, devient aberrant. Les douze camps au Liban sont des villes hors du droit local, et l’un d’eux, depuis bientôt un mois, est pilonné par l’artillerie, dans une assez large indifférence, parce qu’un soulèvement y a été fomenté.

Que faire ? L’intégration dans d’autres pays est une demande inadmissible. Beaucoup de Palestiniens, trop las, ont déjà suivi cette voie. Le droit au retour est pourtant inaliénable, parce que c’est celui des réfugiés. L’an prochain à Haïfa ? Ils savent pour la plupart que c’est un rêve vain. Mais l’an prochain en Palestine ? Pas à Gaza : il n’y a plus de place. Il y en a par contre en Cisjordanie. Les milliards de dollars de l’Unrwa, et d’autres, seraient mieux dépensés s’ils servaient à financer la construction de villes et de quartiers neufs entre Naplouse et Hébron, plutôt qu’à rénover des taudis surpeuplés.

Chimère ? Pas plus folle que les généralisations post-malthusiennes de Gunnar Heinsohn. Les Israéliens le font depuis quarante ans, contre la paix : pourquoi les Palestiniens ne coloniseraient-ils pas, avec des appuis massifs, la Palestine ?

Alain Campiotti, correspondant à Beyrouth - Le Temps, le 21 juin 2007


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.