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Deux lobbies protègent l’oppression

mercredi 15 novembre 2006 - 07h:10

Amira Hass - Ha’aretz

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Il n’eût pas été possible de trouver pire moment pour publier le rapport de Human Rights Watch sur la violence à l’égard des femmes dans la société palestinienne et dans la famille palestinienne.

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Amira Haas

Soit hier, 7 novembre, juste au moment où les forces de l’armée israélienne quittaient Beit Hanoun au terme d’une offensive de six jours qui a fait 53 morts parmi lesquels au moins 27 civils non armés, dont dix enfants et deux ambulanciers volontaires du Croissant Rouge, et environ 200 blessés dont 50 enfants et 46 femmes. A cela s’ajoutent de nouvelles destructions de maisons, des infrastructures routières et des réseaux de distribution d’électricité et d’eau.

Dans la concurrence qui règne entre les médias israéliens sur le créneau palestinien, il est clair qu’un rapport critique à propos de la société palestinienne et ses institutions l’emportera sur l’occasion qui s’offre à la presse de compléter un rapport lacunaire, avant que d’autres incursions militaires ne l’éclipse complètement. A la manière dont les médias israéliens ont ignoré Ramzi A-Sharafi, cet étudiant de 16 ans, de Jebaliya, frappé ce lundi matin, sur le chemin de l’école, par un missile israélien, et ignoré aussi l’enseignante qui a été grièvement blessée par le même missile, et les étudiants et les enfants du jardin d’enfants qui ont été blessés ou sont en état de choc.

C’est précisément pour cela qu’il ne peut y avoir de moment opportun ou inopportun pour la publication du dernier rapport de l’organisation américaine des droits de l’homme qui discute du phénomène grave du harcèlement des femmes et des filles chez elles et dans leurs familles, et de l’impuissance de la société et des institutions à les protéger de leur persécuteurs - essentiellement des membres de la famille.

Le rapport américain repose sur le travail incessant d’organisations palestiniennes aussi bien indépendantes qu’officielles, qui sont à la tête du combat contre cette maladie sociale et masculine de harcèlement et d’oppression des femmes. Des organisations féministes palestiniennes s’appliquent à extirper l’indulgence manifestée par la société et la loi à l’égard de meurtriers de femmes à l’intérieur des familles, les échappatoires offertes aux violeurs et cette idée que les situations de femmes et de filles battues ainsi que d’inceste sont une affaire « familiale interne ». Le rapport de Human Rights Watch, ainsi que le travail de ces organisations palestiniennes, en particulier les organisations féministes, nous enseignent que les droits de l’homme ne connaissent pas de frontières ethniques, politiques, géographiques ni sexuelles, et qu’il n’y a pas non plus de frontières dans l’exigence que ces droits soient respectés ni pour ceux qui exigent qu’ils le soient.

Le lobby masculin traditionnel dans la société palestinienne enrôle l’occupation israélienne pour s’en faire aider, afin de mettre des limites au débat public d’ordre moral et de dissuader les critiques et les exigences de changement social. Depuis le début de l’année 2006, douze femmes palestiniennes - huit à Gaza et quatre en Cisjordanie - ont été assassinées par des proches sous prétexte d’« honneur familial ». Quelle commodité pour le lobby traditionnel qu’Israël attaque sans trêve, permettant ainsi de garder le secret sur ce chiffre et de perpétuer l’idée que la femme est la propriété du mari dans la famille.

Dans la même mesure, pour Israël et ses lobbies à l’étranger, le démon de l’antisémitisme est bien commode pour pouvoir continuer à prendre à la légère les résolutions internationales (touchant, par exemple, au tracé de la clôture de séparation qui travaille à l’annexion), à fouler aux pieds des accords avec des Etats (comme dans la discrimination qui est faite à l’entrée en Israël entre citoyens étrangers, selon qu’ils sont juifs ou palestiniens), et pour écraser, tuer, détruire dans la Bande de Gaza surtout mais aussi en Cisjordanie, lors d’offensives routinières dont personne ne parle chez nous.

La majorité du public israélien se protège derrière une frontière claire, une muraille infranchissable qu’il a dressé et qui distingue entre les droits des Juifs et les droits des autres, entre la douleur des Juifs et la douleur des autres. Ce mur de séparation, qui donne toute liberté d’action aux chefs militaires et aux membres du gouvernement qui les envoient, ne fait pas seulement barrage à tout débat public d’ordre moral mais aussi à toute considération de realpolitik.

Cela fait six ans qu’on nous dit que les offensives de l’armée israélienne ont obtenu des résultats importants en frappant l’infrastructure terroriste, en tuant et en arrêtant des terroristes, en mettant la main sur des caches d’armes. Au début, il s’agissait de résultats obtenus contre des lanceurs de pierres, puis contre des lanceurs de cocktails Molotov et des hommes armés qui tiraient sur les routes de Cisjordanie, ensuite contre les attentats-suicides. Au début, on découvrait des fusils artisanaux, puis les fusils standard n’ont cessé d’être découverts en nombres croissants. Plus on en saisit et plus ils foisonnent.

A Gaza, avant les roquettes Qassam, on parlait des résultats obtenus contre ceux qui s’infiltraient dans les colonies et contre ceux qui plaçaient des charges explosives sous les chars. Maintenant, depuis deux ou trois ans, il s’agit toujours de succès concernent des lanceurs de roquettes. Autrefois, la portée de celles-ci était courte - travail d’amateurs. Maintenant, aux dires des spécialistes, leur portée ne cesse de croître. Et notre armée continue de moissonner les succès. Elle menace de lancer d’autres offensives et, à Gaza, la position du Hamas se renforce. Ce sont en effet ses hommes armés qui se lancent dans des combats perdus d’avance - héroïques à leurs yeux - face aux puissantes forces israéliennes entrées dans Beit Hanoun.

Se peut-il que l’armée et les hommes politiques qui l’envoie ne s’aperçoivent pas de cette effrayante corrélation entre le renforcement de l’oppression militaire israélienne et la poursuite de l’armement par les Palestiniens ? Entre l’oppression militaire et le soutien palestinien à cet armement - si pauvre et dépassé soit-il en comparaison de la puissance militaire israélienne ? Ou peut-être est-ce précisément ce que veut le gouvernement israélien, avec ou sans Avigdor Lieberman : éterniser le conflit militaire et renforcer le lobby militaire palestinien, afin d’éloigner toute possibilité de solution politique ?

Haaretz, 8 novembre 2006 -
http://www.haaretz.co.il/hasite/spa...
Version anglaise : http://www.haaretz.com/hasen/spages...
Traduction de l’hébreu : Michel Ghys


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