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"Bombardez, bombardez, bombardez l’Iran"

samedi 16 juin 2007 - 06h:49

Trita Parsi - Asia Times

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L’appel du sénateur américain Joseph Lieberman à des bombardements en Iran semble une nouvelle fois être la culmination d’une campagne de deux semaines par les partisans de la guerre pour placer l’option militaire au centre de la scène dans le débat étasunien sur l’Iran.

WASHINGTON - L’appel du sénateur américain Joseph Lieberman [Démocrate] à des bombardements en Iran semble une nouvelle fois être la culmination d’une campagne de deux semaines par les partisans de la guerre pour placer l’option militaire au centre de la scène dans le débat étasunien sur l’Iran.

L’effet immédiat de rallumer les discussions "bombardons l’Iran !" est de miner les pourparlers Etats-Unis/Iran initiés récemment à propos de l’Irak, qui, à son tour, fera en sorte que la confrontation militaire avec l’Iran sera vue sous un nouveau jour.

Lieberman a été plus belliqueux que l’administration du Président George W Bush dans l’émission de télévision Face the Nation dimanche dernier, en appelant à une "action militaire agressive contre les Iraniens", incluant "une frappe en Iran au-dessus de la frontière". Répétant ses accusations - à présent toutes abandonnées, sauf par l’administration Bush - de la complicité iranienne dans l’assassinat de soldats américains en Irak, les commentaires du sénateur du Connecticut ont causé une tempête, lundi. Soudain, l’option militaire contre l’Iran était une fois de plus au centre du débat sur l’Iran aux Etats-Unis.

La semaine dernière, le ministre belliciste du commerce et ancien ministre de la défense, Shaoul Mofaz, a rendu visite à Washington pour tenir des discussions stratégiques avec des officiels de l’administration Bush à propos du programme nucléaire iranien. Selon les reportages de la presse, Mofaz conseille vivement aux Etats-Unis de fixer une date limite à la diplomatie avec l’Iran, à la fin de l’année, après quoi l’option militaire serait exercée.

"Les sanctions doivent être suffisamment fortes pour amener un changement chez les Iraniens d’ici à la fin de l’année", aurait dit Mofaz à la Secrétaire d’Etat Condoleeza Rice. Selon Channel 2 News en Israël, Mofaz est allé jusqu’à déclarer à Rice qu’Israël bombarderait les installations nucléaires iraniennes d’ici à la fin de l’année, si la diplomatie et les sanctions échouent à persuader Téhéran de suspendre ses activités d’enrichissement d’uranium.

Une semaine avant la visite de Mofaz à Washington, Norman Podhoretz, le rédacteur général conservateur de Commentary, a publié un éditorial assez long dans le Wall Street Journal, intitulé "The case for bombing Iran" [Les arguments pour bombarder l’Iran]. Comparant le président iranien semeur de discordes, Mahmoud Ahmadinejad, à Adolf Hitler, Podhoretz a accusé l’Iran de chercher à "faire basculer... le système international et à le remplacer avec le temps par un nouvel ordre dominé par l’Iran et dirigé par la culture politico-religieuse de l’Islamofascisme."

Dénonçant à la fois la voix diplomatique et celle des sanctions, Podhoretz concluait : "La vérité crue et brutale est que si l’on veut empêcher l’Iran de développer un arsenal nucléaire, il n’y a aucune alternative à l’usage réel de la force militaire - pas plus qu’il n’y avait d’alternative à la force si on voulait stopper Hitler en 1938."

Les commentaires de Lieberman, de Mofaz et de Podhoretz partagent tous un air de frustration et de désespoir à la lumière de l’opinion publique américaine de plus en plus contre toutes nouvelles aventures militaires au Proche-Orient, de la disparition des faucons-clés au sein de l’administration Bush, de l’opposition véhémente à la guerre contre l’Iran par le nouveau chef du Commandement Central des Etats-Unis, l’Amiral William Fallon, et du glissement récent du Département d’Etat vers la diplomatie.

Pour que l’option militaire soit à nouveau sérieusement considérée par Washington, en dépit de ses défauts significatifs et des nombreux risques imprévisibles, la voie diplomatique doit d’abord être considérée comme un échec. Toutefois, si la diplomatie devait produire des résultats positifs en Irak, cela clôturerait l’option du bombardement des installations nucléaires en Iran dans un futur prévisible.

Dans le pire des cas, de la perspective des partisans d’une guerre contre l’Iran, une réussite diplomatique avec l’Iran en ce qui concerne l’Irak pourrait forcer l’administration Bush à atteindre un compromis avec Téhéran sur la question nucléaire. Un tel compromis autoriserait probablement un programme d’enrichissement de l’uranium à petite-échelle sous des inspections strictes de l’Agence Internationale à l’Energie Atomique.

Les partisans de cette école de pensée maintiennent que même si un enrichissement limité de l’uranium ne poserait qu’un risque mineur de prolifération à court terme, l’acquisition par l’Iran du savoir-faire nucléaire et la maîtrise du cycle de carburant pourraient poser un risque de prolifération dévastateur à long terme. De plus, le simple accès à la technologie nucléaire - même si l’Iran ne la militarise pas - ferait pencher la balance du pouvoir au Proche-Orient en faveur de Téhéran, un développement qui se ferait aux dépends des puissances régionales comme Israël et l’Arabie Saoudite.

En conséquence, l’expérimentation de la diplomatie avec l’Iran de la part de l’administration Bush est vue avec beaucoup d’inquiétude par ceux qui préconisent la guerre. Lieberman est allé jusqu’à laisser entendre dimanche, lorsqu’il s’est exprimé dans Face the Nation : "S’il n’y a pas d’espoir que les Iraniens vivent selon la loi internationale et qu’ils stoppent, par exemple, leur développement d’armes nucléaires, nous ne pouvons tout simplement pas leur parler."

Que ce soit intentionnel ou non, le haussement de ton pour rallumer les discussions "bombardons l’Iran !" mine le processus diplomatique-même qui constitue le plus gros obstacle pour faire de l’option militaire une politique. Ce débat signale aux décideurs toujours aussi paranos à Téhéran que leur coopération en Irak ne fera pas abandonner les plans apparents de Washington de se battre contre l’Iran plus tard. En l’absence de potentiel pour un tel compromis avec les Etats-Unis, les incitations de l’Iran à aider les Etats-Unis en Irak diminueront rapidement et feront échouer la voie diplomatique, un développement qui à son tour pavera la route pour l’option militaire.


Le Dr Trita Parsi est l’auteur de "Treacherous Alliance : The Secret Dealings of Israel, Iran and the United States" [L’Alliance Dangereuse : Les Accords Secrets entre Israël, l’Iran et les les Etats-Unis] (Yale University Press, 2007). Il est aussi le président du National Iranian American Council.

(Inter Press Service)

Trita Parsi - Asia Times, le 13 juin 2007 :
Bomb, Bomb, Bomb Iran
Traduction : Jean-François Goulon, Questions Critiques

Du même auteur : Le plan de Bush pour l’Irak : pousser l’Iran à la guerre
Lire aussi : "Bombarder l’Iran serait un acte de folie"


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