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Bahiya Hariri défendait les islamistes qui aujourd’hui attaquent l’armée libanaise

mercredi 6 juin 2007 - 06h:21

Loubnan ya Loubnan

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La semaine dernière, Bahiya Hariri défendait les islamistes qui aujourd’hui attaquent l’armée libanaise

Le 24 mai dernier, communication de crise haririenne : comme je le racontais dans un précédent billet (« Les Hariri financent “al-Qaeda”, mais c’est pour la bonne cause »), Michael Young, éditorialiste du Daily Star (quotidien anglophone libanais) tentait de désamorcer ce qui commençait à faire beaucoup de bruit : les combats contre le groupuscule Fatah al-Islam rendait tout d’un coup incoutournable un article de Seymour Hersh de mars dernier (« Le changement de cap de l’administration américaine », traduit intégralement sur ce blog) qui, avant même que l’on en entende parler, avait décrit nommément ce groupuscule comme financé et armé par « des représentants des intérêts du gouvernement libanais » pour contrer le Hezbollah.

Cependant, Michael Young était bien obligé de prendre en compte un élément factuel déjà connu et en train de devenir gênant ; et, ce faisant, notre porte-parole officieux de la maison Hariri validait l’information : il y a quelques mois, Bahiya Hariri, la s ?ur de feu Rafik Hariri, avait donné de l’argent à un groupuscule implanté dans le camp d’Aïn Héloué, le Jund ash-Sham.

Je vous invite à relire mon billet sur ce sujet, pour comprendre que livrer de l’argent au Jund ash-Sham ne peut en aucune manière être excusé selon les critères exposés par Michael Young (ne serait-ce que parce que ce groupuscule avait notoirement menacé de mort l’enquêteur sur la mort de Rafik Hariri...).

Aujourd’hui, ce Jund ash-Sham devient à son tour soudainement célèbre, puisqu’il s’est attaqué à des soldats de l’armée libanaise :

"De violents accrochages au mortier ont opposé dans la nuit de dimanche à lundi l’armée libanaise à des militants islamistes palestiniens à l’entrée du camp de réfugiés d’Aïn Héloué, à Saïda, au Liban sud.

Huit personnes au total, six soldats et deux civils, un Libanais et un Palestinien, ont été blessées dans ces échanges de tirs qui avaient éclaté dans la journée de dimanche, selon un nouveau bilan de source hospitalière.

Ces accrochages opposent les soldats libanais postés autour du camp aux militants islamistes du groupuscule palestinien Jound al-Cham."

Mouna Naïm, pour Le Monde, « couvre » l’événement. Par « couvrir », j’entends ici : « désamorcer ». Le lecteur remarquera que cet événement est presque entièrement consacré au Fatah al-Islam, alors que l’article prétend évoquer l’extension des combats « au sud du Liban » (le Fatah al-Islam opérant au nord du Liban). Faites le décompte dans l’article : 3 occurences du terme « Jound al-Cham », et cela dans les trois premiers paragraphes ; puis 6 occurences du terme « Fatah al-Islam », dans toute la fin de l’article.

En encadré, autre façon de noyer le poisson : « M. Ahmadinejad évoque à nouveau la destruction d’Israël », puis le rappel d’une déclaration du « chef du groupe Fatah al-Islam », jurant de combattre « les juifs et les Américains ». Le procédé d’association est purement et simplement grotesque, m’enfin bref, c’est Le Monde.

Pourtant, ce Jund ash-Sham, comme je l’ai déjà décrit, ça n’est pas rien... Mouna Naïm, qui ne lit que le Nahar, préfère visiblement nous parler d’autre chose.

Alors revenons sur ce Jund : ses liens avec les Hariri apparaissent dans un autre billet, publié le 24 mai. Sans doute dans le cadre de la campagne destinée à désamorcer l’information déjà « désamorcée » par Michael Young le même jour, nous apprenions ceci dans le quotidien des Hariri, Al-Mustaqbal (signalé par Angry Arab- L’Arabe en colère) :

"Le député Walid Jumblatt, chef du Rassemblement démocratique, après sa conférence de presse hier, a reçu un coup de téléphone de la députée Bahiya Hariri, qui lui a expliqué que le « Jund ash-Sham », dans le camp d’Aïn Heloué, n’appartient pas au groupuscule « Fatah al-Islam » et qu’ils sont différents. Jumblatt s’est dit intéressé par ces précisions."

Pourtant, une information se cache dans l’article du Monde :

"Jound Al-Cham aurait déclenché les hostilités après avoir eu vent d’une rumeur selon laquelle certains de ses membres, dont Chehab Al-Qadour, alias Abou Hourayra, auraient été tués dans les combats qui opposent l’armée libanaise au Fatah Al-Islam dans le camp de réfugiés de Nahr Al-Bared, dans le nord du pays. La mort d’Abou Hourayra a été démentie par le Fatah Al-Islam."

Ce qui confirme que les deux groupes sont bien liés : si le Jund ash-Sham croît une « rumeur » selon laquelle « certains de ses membres » ont été tués à Narh al-Nared, c’est bien que ce Jund sait que « certains de ses membres » ont rejoint le Fatah-al Islam. Ce qui était déjà indiqué dans l’éditorial de Michael Young.

Bahiya Hariri reconnaît, via Michael Young, avoir « tenté d’acheter » le Jund ash-Sham. Bahiya Hariri prend le temps de téléphoner à Jumblatt pour défendre le Jund ash-Sham. Le quotidien des Hariri juge important de publier une brève sur le sujet. Aujourd’hui, le Jund ash-Sham a attaqué l’armée libanaise et se bat contre le Fatah al-Tout-Court.

Oui, c’est affreusement embarrassant et incohérent...


Ajout, 23 heures. Bahiya Hariri n’est pas la seule à se faire prendre en train de défendre les « bons » islamistes au téléphone. Aujourd’hui (également signalé par Angry Arab), Fouad Saniora affirme, par téléphone, au quotidien séoudien Akadh, qu’« aucun Séoudien n’est détenu en tant que membre du groupe Fatah al-Islam, autre que les trois qui se sont livrés [avant les affrontements] lorsqu’ils ont découvert la nature criminelle de ce groupe. » Il n’y aurait donc que trois Séoudiens parmi les membres du Fatah al-Islam arrêtés, et encore s’agit-il de « bons » islamistes qui se sont livrés aux autorités dès qu’ils ont découvert la véritable nature de l’organisation. Saniora indique que ces trois sympathiques Séoudiens seront renvoyés en Arabie Séoudite après le procès.

Dans le même article, l’« ambassadeur du gardien des deux mosquées saintes (c’est-à-dire l’ambassadeur d’Arabie Séoudite), le Dr. Abdel-Aziz Mohieddin Khoja, explique au contraire : « nous ne pouvons en aucune façon nier la présence de Séoudiens impliqués dans les affrontemens à Nahr el-Bared, comme il y a d’autres nationalités, car l’idéologie impie du terrorisme n’est ni une nationalité, ni une religion, ni une couleur. »

Loubnan ya Loubnan, le 4 juin 2007

Précédentes section du blog :
- Liban, le chaos constructif est en marche
- La dernière crasse de Chirac aux Libanais

Et aussi : Entretien avec l’Arabe en colère


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