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Ma réponse à Bill Clinton : sur « ma liberté » et « son » Amérique

jeudi 4 août 2016 - 07h:47

Ramzy Baroud

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Donal Trump veut nous voir tous quitter le pays, mais Bill Clinton – ex-président et époux de la candidate sélectionnée par le Parti Démocrate – ne nous dit pas de rester, aussi longtemps que nous resterons et vivrons comme Musulmans.

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Image extraite de la converture du livre : "Iraq : the Invisible War" de Kamil Mahdi

Bienvenu en Amérique, où le profilage racial est l’idée la plus populaire dans le pays et où la citoyenneté est conditionnée à une obéissance aveugle !… C’est ce que nous a expliqué Clinton à la Convention Nationale Démocrate le 26 juillet : « Si vous êtes Musulman et que vous aimez l’Amérique et la liberté et que vous haïssez la terreur, alors restez et aidez-nous à gagner et à construire un futur ensemble. Nous voudrons de vous. »

Si c’est cela, le nouveau contrat social américain, alors je refuse de le signer et je pense que des millions de Musulmans – et de non-Musulmans sur cette question-là – refuseront également. En vérité, les Démocrates se sont alignés sur la rhétorique des Républicains – raciste, anti-musulmane, anti-Noirs, anti tous ceux qui ne leur ressemblent pas – bien qu’avec un vocabulaire moins cru. C’est donc le meilleur de ce Bill Clinton pouvait nous offrir.

Et si nous, Musulmans et non-Musulmans, étions en complet désaccord avec la définition de Clinton de la « terreur » ? Et si la « liberté » qu’il nous offre n’était qu’une manifestation de son double-langage ? Et si ce que nous voulons, c’est prendre part à la construction d’une Amérique où il n’y aura pas de place pour les politiciens corrompus comme lui et sa femme ? Cela signifie-t-il que des millions d’entre nous n’ont tout simplement pas leur place dans ce pays ? Qu’il nous faut partir, et, quelque soit le gagnant en novembre, ne jamais revenir ?

La foule a rugi quand Clinton a énuméré ses conditions dégradantes de la citoyenneté pour les Musulmans, et il faut bien relever que cette foule est supposée représenter la composante la plus « progressiste » de la société américaine. En quoi cela contribue-t-il à décrisper une situation déjà bien pénible ?

Selon les résultats d’une enquête d’opinion réalisée par Economist/YouGov, une majorité d’Américains sont persuadés que l’Islam, plus que les autres religions, encourage la violence. Les électeurs Républicains sont particulièrement anti-Musulmans (74% d’entre eux l’affirment) mais un nombre très considérable d’électeurs Démocrates (41%) a le même genre d’idées empoisonnées sur l’Islam et ses fidèles.

Pour sûr, on peut imaginer combien les attaques terroristes du 11 septembre 2001 ont contribué à cette incompréhension si largement partagée. Mais est-ce juste d’oblitérer le fait que des millions de Musulmans ont péri dans la liste sans fin des guerres, interventions, débâcles politiques de l’Amérique dans les décades qui ont précédé ? Le bilan de Bill Clinton lui-même est l’un des plus meurtrier pour les Musulmans. Les sanctions contre l’Irak, qu’il a pleinement soutenues, en plus de ses constants bombardements sur ce pays, ont fait mourir des centaines de milliers de Musulmans.

A présent, au lieu de demander pardon aux Musulmans, ce politicien millionnaire a eu l’audace de vouloir conditionner à une liste infâme de slogans la présence des Américains Musulmans dans leur propre pays. Bill Clinton sait-il au moins que la très grande majorité des victimes du terrorisme sont en fait des Musulmans ?

Le gratte-papier qui lui prépare ses discours aurait dû consulter les propres rapport du gouvernement US. Selon un rapport publié en 2011 par le US National Counter-Terrorism Center (NCTC), « les Musulmans ont souffert ces 4 dernières années de 82 à 97% des pertes en vies humaines dues au terrorisme ».

En fait, avec la montée en puissance de Daesh [l’État islamique] le pourcentage de victimes musulmanes est certainement encore plus élevé. Comme si les Américains Musulmans n’avaient pas suffisamment souffert !… Ils ont été les victimes de discrimination raciale et religieuse ainsi que de violences depuis des années. Les médias n’ont eu de cesse de répandre un flot de haine à leur égard, s’en prenant à leurs valeurs et mettant en doute leur loyauté à l’égard de leur pays. Beaucoup d’entre eux sont montrés du doigt comme s’ils n’étaient pas dignes de confiance. Et il ne s’agit pas d’un simple ressenti sur un fait de société basé sur la désinformation dans les médias, mais de quelque chose qui est cimenté dans la loi américaine, précisément la loi de « Secret Evidence » de 1996 qui a été suivie du « Patriot Act ».

Ce qui est particulièrement malheureux, c’est que les Musulmans soient les victimes du terrorisme sous plusieurs formes : quand leurs pays sont attaqués et détruits par les interventions occidentales (Irak, Libye, Syrie), quand ils sont tués dans des attaques en retour (près d’un tiers des victimes à Nice en France étaient des Musulmans), et quand ils sont désignés et stéréotypés comme étant la source du terrorisme par les médias occidentaux.

Ce cercle vicieux se répète chaque jour, et des Musulmans innocents en paient le prix le plus lourd. Ce n’est donc pas une surprise que de nombreux Américains Musulmans aient été choqués et déçus par la lamentable « offre conditionnelle » de Clinton pour qu’il leur soit possible de rester dans « son » pays.

Mais le danger inhérent au discours de Clinton va au-delà des Musulmans, et représente le genre de tyrannie
intellectuelle imposée par George W. Bush après le 11 septembre 2001. « Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes, » avait-il dit.

Aussi bien Clinton que Bush utilisaient le pronom « nous » dans leurs ultimatums. Mais depuis qu’ « ils » représentent le pouvoir, les riches familles qui commandent de puissantes et infatigables machines de guerre, les Musulmans ne sont pas les seuls à éprouver de profondes inquiétudes.

Dans une interprétation plus large, ces ultimatums ne ciblent pas uniquement les Américains Musulmans, mais toute forme de pensée indépendante et non-conformiste. « En cette période, le plus simple exemple de non-conformisme, le moindre refus de plier le genou devant l’idée reçue, est lui-même un service rendu à tous, » écrivait l’influent philosophe Johan Stuart dans « On Liberty. »

L’élite politique américaine ne manque pas une occasion de citer de grands intellectuels qui ont marqué l’histoire de leur pays, mais en fait la comparaison s’arrête là.

L’appel de Clinton à la conférence Démocrate était en réalité une injonction au conformisme, assortie de cette formulation honteuse : « Si vous êtes un Musulman et que vous aimez l’Amérique et la liberté et que vous haïssez la terreur, alors restez et aidez-nous à gagner et à construire un futur ensemble… »

Et comme dans cette Convention il y avait peu d’espace pour les dissidents ou les non-conformistes, personne n’a eu l’occasion sur place et à l’instant même de répondre aux affirmations de Clinton.

Voici pourtant ma réponse :

Cher Bill Clinton,

Oui, je suis Musulman. Je n’aime pas l’Amérique que vous incarnez et représentez, mais une Amérique à la fois pacifique et où chacun ait sa place.

Oui, j’aime également la liberté, mais pas votre liberté de violer les lois internationales, de propager la guerre selon votre bon vouloir, d’augmenter les inégalités entre riches et pauvres, de violer l’intégrité d’une fonction élective et de répandre (havoc) sur un monde déjà dévasté et dans les souffrances.

Oui, je hais la terreur, y compris celle que vous avez infligée sur le monde : votre « guerre propre » sur le Kosovo, votre « Opération renard du désert » en Irak et la guerre d’Hillary sur la Libye.

Si je reste, je n’ai aucune intention de vous aider à construire un futur pour les riches et les puissants, aux frais du pauvre et de l’abandonné, mais plutôt de mettre à bas vos réalisations du passé comme celles du présent, maculées de sang à l’extérieur et d’inégalités à domicile.

Si je pars, je me mettrai en quête d’un monde qui ne conditionne pas mon existence et ma liberté de penser à des ultimatums et à une obéissance aveugle à un système tellement corrompu qu’il est en train de se détruire lui-même par soif d’argent et d’illusion du pouvoir.

* Dr Ramzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis plus de 20 ans. Il est chroniqueur international, consultant en médias, auteur de plusieurs livres et le fondateur de PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine - Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest.fr. Son site personnel : http://www.ramzybaroud.net

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3 août 2016 – Transmis par l’auteur – Traduction : Lotfallah


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