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Crime et impunité

mardi 29 mars 2016 - 08h:41

Ramzy Baroud

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Le sentiment d’impunité est à la base même de la plupart des crimes contre l’humanité.

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Le corps du jeune Abed al-Fattah Yusri al-Sharif, après qu’il ait été achevé par le soldat israélien Elor Azarya - Photo : MaanImages

Abed al-Fattah Yusri al-Sharif a été assassiné. Dans le style typique de la violence israélienne contre les Palestiniens désarmés, il a été d’abord blessé après qu’il ait parait-il tenté de poignarder un soldat des forces israéliennes d’occupation dans la ville occupée de Hébron (al-Khalil).

Il est étendu sur le dos, ses bras écartés sur le sol, et sa tête bougeant un peu de temps en temps. Un soldat échange quelques mots avec un officier, avant de se déplacer pour aller « confirmer la mise à mort » - une formule employée par les militaires israéliens en référence aux exécutions sommaires de Palestiniens.

Le soldat marche vers Abed, étendu au sol et ne constituant clairement aucune menace pour quiconque - et au vu de tout le monde, lui tire dans la tête.

La scène ci-dessus aurait été reléguée dans les annales des nombreux crimes « niés » par les soldats Israéliens, s’il n’y avait eu un intervenant palestinien de terrain du groupe israélien de défense des droits de l’homme, B’Tselem, pour filmer l’évènement sanglant.

Culture d’impunité

L’incident met une fois de plus en évidence la culture d’impunité qui est celle de l’armée israélienne, et qui n’est pas nouvelle.

Il y a des décennies, il n’y avait pas d’équivalent à des médias tels que B’Tselem, Breaking the Silence, or Machsom Watch, pas de médias sociaux pour diffuser les informations, et peu de groupes internationaux se souciaient alors de rendre compte de la naissance violente d’Israël.

Des milliers de miliciens juifs avaient envahi les villes et villages de Palestine, avec le mandat précis de procéder au nettoyage ethnique d’une nation toute entière en l’espace de quelques mois.

Des milliers de Palestiniens ont été tués dans ce processus « de nettoyage », afin qu’Israël puisse se proclamer indépendant. Le poète israélien Natan Alterman, a essayé de donner un exemple de l’horreur infligée par les bandes juives, qui plus tard ont formé l’armée israélienne, proclamée par certains « l’armée la plus morale au monde » :

« Conduisant rapidement sa jeep à travers la ville vaincue
Un jeune homme audacieux et armé, un jeune lion !
Et un vieil homme et une femme dans cette même rue,
Recroquevillés de peur contre un mur.
Le jeune homme sourit, avec un sourire aux brillantes dents de lait :
« Je vais essayer la mitrailleuse »… et il l’a mise en action !
Le vieil homme a à peine eu le temps de cacher son visage dans ses mains,
Avant que son sang ne soit pulvérisé sur le mur. »

Le poème intitulé A ce propos a été écrit le 19 novembre 1948, après qu’Israël ait presque totalement et unilatéralement fixé les frontières de son nouvel État, chassant les Palestiniens vers un exil perpétuel - un exode de douleur et de sang qui continue aujourd’hui.

Natan Alterman avait voulu, bien que vainement, « rompre le silence » sur l’impunité israélienne.

Aucune responsabilité

Depuis lors, en dépit de leur insistance à considérer la vie avec espoir, l’histoire des Palestiniens continue à être tracée par les tableaux denses des statistiques sanglantes et sans fin.

Les Palestiniens sont constamment agressés. Ces attaques sont menées par le gouvernement, ou incitées et encouragées, et elles amènent à une conclusion indubitable : Israël fait son maximum pour perpétuer la violence et la guerre.

Cette conclusion est fondée sur le fait qu’Israël a été créé par la guerre, et s’est convaincu qu’il ne pouvait survivre que par la guerre.

Le résultat est une culture terrifiante de violence et d’impunité - des hommes et des femmes armés avec des mitrailleuses, et des enfants à qui est enseigné que la violence est la seule langue que leurs ennemis, les Arabes, comprennent. Les Palestiniens, pour eux, n’existent que pour être soumis, commandés, « nettoyés » et - si nécessaire - tués.

Récemment, le rabbin israélien séfarade Yitzhak Yosef a invité les Israéliens à tuer n’importe quel Palestinien qui selon eux pourrait représenter une menace, sans tenir compte de la loi ou de la Haute Cour de Justice.

Mais, pour Yosef, la « Haute Cour de Justice », est déjà de son côté. En effet, c’est une décision de la justice israélienne qui avait approuvé « les exécutions ciblées » des Palestiniens suspectés de vouloir commettre ou de planifier des actes de violence.

Selon le Centre Palestinien pour les Droits de L’homme (PCHR), entre septembre 2000 et mars 2008, 500 Palestiniens ont été assassinés par l’armée israélienne, et 228 civils Palestiniens ont été également tués dans ce qui a été qualifié de « dégâts indirects ». Parmi ceux pulvérisés par les missiles israéliens se trouvaient 77 enfants.

Personne n’a été jamais été condamné ni même jugé pour ces meurtres.

S’il fallait énumérer les crimes commis par l’armée Israélienne, la liste serait sans fin. Les statistiques ci-dessus sont juste un exemple d’une culture qui n’a aucun respect pour la vie des Palestiniens, violant de ce fait chaque règle écrite ou implicite de guerre et d’occupation militaire au regard du droit international.

Les colons armés saccagent les villages de la Cisjordanie occupée et des quartiers entiers de Jérusalem Est. Le nombre de leurs crimes violents s’est énormément multiplié ces dernières années, et ont même doublé depuis 2009.

En août 2015, plusieurs mois avant le soulèvement actuel, l’analyste de Human Rights Watch, Bill Van Esveld, avait écrit :

« Les colons attaquent les Palestiniens et leurs propriétés sur une base quasi-quotidienne ; il y a eu plus de 300 de ces attaques l’année dernière, mais très peu d’agresseurs ont été amenés devant la justice. Au cours de la dernière décennie, moins de 2% des enquêtes sur des attaques perpétrées par des colon se sont conclues par des condamnations. »

Ces colons remplissent la fonction d’occupants qui est attendue d’eux, en parallèle à l’armée Israélienne encore plus violente.

En décembre 2015, le site israélien 972Mag a publié un rapport sur les centaines d’incidents violents commis par les forces israéliennes a l’égard du personnel médical palestinien. Le groupe palestinien de défense des droits de l’homme, al-Haq, a de son côté documenté 56 cas dans lesquels « des ambulances ont été attaquées », et 116 agressions contre le personnel médical tandis qu’il était en service.

Personne n’est à l’abri de cette violence

En Palestine, personne n’est immunisé contre cette violence. Les jeunes comme les plus âgés sont abattus sur le simple soupçon qu’ils peuvent représenter un danger pour la vie de juifs israéliens. Et les Israéliens qui osent rapporter sur ces incidents sont eux-mêmes mis à l’index dans leur propre société.

Le ministre israélien de la défense, Moshe Yaalon, a récemment accusé Breaking the Silence de trahison pour son engagement. L’acte censément déloyal de cette petite ONG israélienne - gérée en grande partie par des volontaires - était la collecte de témoignages de soldats israéliens et de lanceurs d’alerte attestant que l’armée viole le droit israélien et international.

En attendant, le gouvernement lui-même pousse activement en avant de nouvelles lois qui criminalisent la dissidence en Israël. Une d’entre elles, soutenue par le Premier ministre Benjamin Netanyahu lui-même, permettrait aux membres élus de la Knesset de voter l’éviction de leurs propres pairs élus.

La culture israélienne du permis de faire ce que bon lui semble, est plus ancienne que l’État lui-même, et elle est alimentée par une élite profondément réactionnaire qui sans cesse favorise la peur et dissémine une mentalité d’assiégé.

« En fin de compte, dans l’État d’Israël, comme je le vois, il y aura une barrière qui gardera tout le reste à l’écart, » a déclaré Netanyahu en février. « Dans la zone où nous vivons, nous devons nous défendre contre les bêtes sauvages. »

Netanyahu bien évidemment n’a rien d’un adepte de la vérité ou du bon sens. Sa dernière guerre sur Gaza pendant l’été de 2014 s’était conclue par l’assassinat d’un total de 2251 Palestiniens - dont 1462 civils avec parmi eux 551 enfants, selon un rapport établi par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

Pendant cette guerre, seulement six civils et 60 soldats israéliens ont été tués. Qui, alors, est vraiment « la bête sauvage » ?

La majorité des Israéliens sont persuadés que leur pays, en dépit de sa brutalité, est une « villa dans la jungle ». Selon une enquête récente du Pew Research Center, presque la moitié des Israéliens veulent expulser les arabes palestiniens - les musulmans et les chrétiens - de leur patrie héréditaire.

Avec en Israël un gouvernement, un ordre judiciaire, une armée, toute une société et les autorités morales du pays les plus élevées qui préconisent la violence et la purification ethnique, et encouragent les actes génocidaires, quelles options sont laissées aux Palestiniens ?

Le danger de l’impunité n’est pas simplement le manque de responsabilité juridique, mais le fait que c’est la base même de la plupart des crimes violents contre l’humanité.

Cette impunité a commencé il y a sept décennies, et elle ne finira pas sans intervention internationale et des efforts concertés pour juger Israël responsable et mettre ainsi à l’infinie souffrance des Palestiniens.

* Dr Ramzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis plus de 20 ans. Il est chroniqueur international, consultant en médias, auteur de plusieurs livres et le fondateur de PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine - Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest.fr. Son site personnel : http://www.ramzybaroud.net

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27 mars 2016 – Al-Jazeera – Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.aljazeera.com/indepth/op...
Traduction : Info-Palestine.eu - Lotfallah


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